Un roman graphique qui propose une réflexion intéressante sur le monde actuel.
Dans un avenir proche, en une fraction de seconde, le monde numérique disparaît, comme aspiré par une force indicible. Un homme, seul, malgré lui, se retrouve dans une tourmente planétaire. Après avoir traité de sujets politiques, géopolitiques (Les Phalanges de l’Ordre Noir, Partie de chasse, avec Pierre Christin), de destins dictatoriaux et de rêves d’immortalité (La trilogie Nikopol), de cauchemars obscurantistes prémonitoires (Le cycle du Monstre), de planète recadrant les humains (La trilogie du Coup de Sang), Enki Bilal nous prive de notre addiction digitale en nous plongeant, non sans une certaine dérision, dans un monde de désarroi et d’enjeux multipolaires…
D’ordinaire sensible aux univers déployés par Enki Bilal, je me suis plongée dans celui-là avec beaucoup de plaisir.
Dans ce futur pas si lointain, toutes les données numériques sont un jour brutalement aspirées par ce qui semble être une force extraterrestre. Privée de la quasi intégralité de ses connaissances, l’humanité se retrouve donc orpheline… avec toutes les conséquences qui s’en suivent. Mais dans la tourmente, un homme, un seul, se voit absorber l’intégralité des données perdues. S’en suit alors une chasse à l’homme planétaire, dans laquelle chacun tentera de préserver ses propres enjeux…
J’ai beaucoup aimé le traitement de ce sujet sensible. Qu’adviendrions-nous si nous perdions l’intégralité de nos données numériques ? Plus je tournais les pages, et plus je prenais conscience de cette réalité si actuelle et si terrible. Car au-delà des contenus anecdotiques partagés sur les réseaux sociaux, le numérique s’est infiltré dans notre vie jusqu’à l’intime. Dans les dossiers confidentiels des politiques, dans les fichiers de police, ou encore dans les données de santé… Toutes ces conséquences sont présentées ici, et nous dépeignent habilement la rapidité avec laquelle notre société pourrait basculer dans un tel contexte.
Dans la tourmente, nous suivons cet homme recherché par l’humanité, qui ne sait plus vraiment qui il est ni ce qu’il est amené à devenir. Nous partageons ses doutes, ses choix, mais aussi les questionnements qui découlent de sa situation. Car cet homme-là, de par les données qui l’habitent, détient désormais pouvoir de vie et de mort sur ses congénères. Est-il alors éthique, moral, de le laisser libre à un tel prix ?
Je finirais ici par évoquer les magnifiques dessins d’Enki Bilal, dont le trait et les couleurs s’accordent si bien au monde futuriste qu’il décrit.
Ce premier tome est donc une excellente lecture !