Bonjour David, cela fait quelques temps que nous ne nous sommes pas entretenus dans ces pages, donc sache tout d’abord que c’est un réel plaisir de t’avoir ici. Peux-tu, pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas, te présenter ?
Bonjour ! Et merci. Le plaisir est partagé.
Je suis donc David Bry, auteur d’imaginaire au sens le plus large puisque j’écris de la fantasy, de l’uchronie, du fantastique, de l’anticipation… et même bientôt de la SF ! Mes romans s’adressent à la base à un public adolescent ou adulte, mais je me suis lancé tout récemment (et avec un grand plaisir) dans la littérature jeunesse. Bref, je suis un touche-à-tout, et j’adore ça. Chaque histoire que j’invente est pour moi un nouveau voyage.
Comment es-tu devenu auteur ? D’où t’es venue cette petite flamme qui t’a poussé à te lancer avec la trilogie Ervalon (Mnémos) ?
J’ai toujours rêvé d’être écrivain, depuis tout gamin. Et j’ai toujours écrit. Tout a commencé avec la lecture, toutes ces aventures que je lisais tout le temps. Rapidement, je me suis mis à imaginer mes propres histoires, puis à les écrire. C’est quelque chose de très… naturel chez moi. Les histoires arrivent toutes seules, je passe mon temps à en trouver de nouvelles. Les coucher sur papier, c’est une autre paire de manche, mais je crois que j’ai l’imagination assez musclée !
La parution de mon premier roman s’est faite, comme pour certains autres auteurs d’imaginaire, grâce au jeu de rôle. J’avais mené une longue campagne avec mes meilleurs amis, sur presque dix ans. À la fin de l’histoire, j’ai voulu qu’on garde tous une trace de ce qu’on avait « vécu » ensemble. J’ai donc réécrit les aventures que je leur avais contées. Cela m’a pris plusieurs années. Lorsque j’ai eu terminé, j’ai fait imprimer le résultat que j’ai envoyé à plusieurs éditeurs, dont Mnémos en effet. Et quelques mois plus tard, ce roman paraissait. Le début d’une longue histoire :).
Tu as fait du chemin depuis cette première trilogie. Tu en es à combien de romans désormais ? Une dizaine non ? Comment se passe ton processus d’écriture ? Est-ce qu’il a évolué au fil des années ?
Même plus ! Si je compte ma série jeunesse des Héritiers de Brisaine, j’en suis à quinze romans écrits, dont douze parus (et trois à paraître prochainement, donc :). Bref, tu n’étais pas loin du tout.
Ma manière d’écrire n’a pas tellement évoluée, je suis plutôt à l’aise avec. C’est plus les aspects techniques qui, eux, ont changé.
Je pars toujours d’une idée — je l’ai dit, elles me viennent assez facilement. Une fois qu’elles sont là, un peu comme le seraient des étincelles, je les « teste ». Je vois si je peux construire une histoire autour de l’idée, la faire grandir, l’étendre, et si une fois devenue plus vaste, elle me touche toujours autant. Lorsque je n’arrive pas à faire grandir une idée, c’est soit que ce n’est pas le moment, soit pas une idée pour moi. Dans les deux cas, j’abandonne pour passer à la suivante.
Quand au contraire elle se transforme en une histoire qui m’anime vraiment, alors je me lance. Je suis un architecte : avant de me mettre à l’écriture en tant que telle, je construis le roman. J’écris les résumés de chaque chapitre, y compris la fin. C’est seulement une fois que j’ai fait ça — avec aussi, évidemment, la définition de mes personnages — que je commence à rédiger.
Ce qui a changé, c’est l’aspect plus technique. Je prends un vrai plaisir à chercher les bons mots, la bonne rythmique, la bonne forme en plus du fond. Je veux qu’en plus de l’histoire et des personnages, la manière de raconter soit belle. C’est compliqué. Cela peut prendre plusieurs formes : l’ajout de strophes de poèmes en en-tête de chapitres, l’alternance de phrases courtes et longues, la répétition de certains mots, comme des mantras. Ça me passionne. Et c’est, je crois et j’espère, ce qui permet de transformer une bonne histoire en bon roman.
Tu es capable d’écrire aussi bien pour les adultes que pour les adolescents. Comment gères-tu le public qui va te lire au moment où tu écris ton histoire ?
En général, et en dehors des romans pur jeunesse bien sûr, je n’y pense pas trop. J’écris l’histoire que j’ai envie d’écrire, point. Il peut en sortir Le garçon et la ville qui ne souriait plus, un roman assez adolescent, comme La princesse au visage de nuit, plus noir et adulte. C’est une question de moment.
Lors de la phase de corrections, parfois, je peux réfléchir avec l’éditeur au public visé. Dans ce cas, je pourrais modifier un tout petit peu le texte, mais c’est vraiment à la marge. Ce serait plutôt une relecture en gardant en tête que le roman pourrait être lu par un public peut-être plus jeune, et dans ce cas être vigilant à certaines scènes. En résumé, je n’y réfléchis pas trop et me laisse porter par ce que j’ai envie de raconter !
Le dernier roman que j’ai découvert de toi est Le garçon et la ville qui ne souriait plus, qui est proprement impressionnant. Nous sommes deux sur le site à l’avoir lu et à l’avoir adoré. Quelle a été la genèse de cette histoire ?
Je me souviens très bien du moment où j’ai eu l’idée de ce roman. J’étais chez un ami pour une fête en bord de canal, à la campagne. Il y avait plein de monde, plein de gens différents. Des psychologues, des cantonniers, des infirmières, des ouvriers, des gens au chômage, des mères au foyer, des gens de toutes origines, des gens du coin… et moi. J’ai réalisé, même si je le sais bien, la chance que j’ai de vivre au milieu de ces gens-là, tous si différents, qui m’apportent autant de visions du monde, qui enrichissent ma propre vision. Je me suis alors demandé à quoi ressemblerait un monde où toute différence ne serait pas supportée. L’idée du roman était née !
Le jeune garçon que tu décris, Romain, est à la fois fort et émouvant et l’ensemble de l’histoire se déroule avec une facilité déconcertante devant nos yeux. L’écriture a-t-elle été aussi facile ?
Je n’ai jamais trop de mal à écrire. Je n’ai pas ce fameux et terrible syndrome de la page blanche (je croise les doigts pour que cela continue !). La seule difficulté réside, pour moi et pour l’instant, sur le fait de tenir sur la durée. Écrire un roman est épuisant. Cela prend des mois, en ce qui me concerne en tout cas. C’est soulever une montagne, monter un escalier sans fin, travailler, travailler, travailler, en sachant qu’il faudra énormément d’effort pour arriver au bout. C’est y mettre toute son honnêteté, ses qualités comme ses défauts, ses parts d’ombre et de lumière. Mais cela, je le vis sur chaque histoire que j’écris, et Le garçon est la ville qui ne souriait plus n’a pas été plus difficile que les autres.
Après, malgré ces difficultés, il y a un véritable plaisir, un bonheur d’écrire. Il faut que cela semble simple au lecteur, il faut l’embarquer avec nous ! Si ça fonctionne, alors je crois qu’on a réussi notre travail.
Les couvertures de tes dernières parutions sont particulièrement travaillées. Est-ce un aspect sur lequel tu t’investis beaucoup ou bien laisses-tu ce travail à l’éditeur ? Est-ce qu’il t’arrive encore d’être surpris par la manière dont ton univers est rendu en image ?
J’ai beaucoup de chance : j’ai des éditeurs absolument géniaux, que ce soit en grand format, en poche ou en jeunesse. Ils s’occupent des couvertures mais me demandent toujours mon avis sur l’illustrateur / l’illustratrice, comme sur le résultat final. Et je ne suis jamais, jamais déçu, loin de là.
Je suis à chaque fois surpris, oui — et même émerveillé. Comment font ces personnes pour réussir à résumer, condenser ce que j’explique en 300 pages avec une « simple » couverture ? Comment font-ils pour donner à voir le thème, l’ambiance ? Je trouve ça extraordinaire.
Illustrer, c’est un métier qui me fascine.
Nous, les écrivains, nous manions les mots. Les images, pour moi, sont de la magie.
Tu vas être le premier auteur lancé avec le nouveau label de chez Pocket. Comment vis-tu cela ? Et que peux-tu nous dire sur ce roman justement !
Je suis évidemment très, très heureux d’ouvrir le label des Étoiles montantes de l’Imaginaire, d’autant que j’y serai en excellente compagnie : Aurélie Wellenstein, Yann Bécu et Romain Benassaya pour ne citer qu’eux, dont j’aime énormément les romans.
Ouvrir un nouveau label, c’est quelque chose qui n’est pas neutre, loin de là. Il faut être à la hauteur de l’enjeu, à la hauteur aussi des autres auteurs. J’espère l’être. J’espère que La princesse au visage de nuit, mon roman qui justement lance ce label, montrera aux libraires, aux lecteurs, que les littératures de l’imaginaire peuvent être simples à aborder même sans en avoir forcément les codes, sans avoir la culture associée. Nous essayons de faire de bonnes histoires. Et si nous parlons parfois d’aventures comme le fait très bien Romain, nous parlons aussi de sujets importants et d’actualité : l’écologie dans les romans d’Aurélie et, en ce qui me concerne avec La princesse au visage de nuit, la résilience. J’espère vraiment que cela permettra à tous nos romans de toucher un public plus large encore. Et je suis extrêmement heureux et fier de participer à cela.
La princesse au visage de nuit est un roman qui oscille entre le polar et le fantastique. Il raconte l’histoire d’Hugo, un enfant martyrisé, qui revient dans son village natal vingt ans plus tard, suite à la mort de ses parents. Hugo va rapidement être mêlé à deux enquêtes : la première visant à découvrir la véritable raison de l’accident de ses parents, et la seconde — la plus importante à ses yeux —, qui le mènera à comprendre ce qu’il s’est passé vingt ans auparavant, la nuit où il est parti dans la forêt avec ses amis à la recherche de la princesse au visage de nuit, celle qui aide les enfants malheureux. C’est un roman qui parle d’enfance, de tristesse. Qui parle aussi — et surtout — de la manière dont on grandit lorsqu’on a des cicatrices qui refusent de s’effacer.
Te connaissant, je parie que tu bosses déjà sur ton prochain texte. Est-ce que tu peux nous balancer un seul petit spoil ?
Bien vu ! J’ai encore et toujours plein de projets, en effet, à différents stades d’avancement.
Je vais commencer par les plus aboutis. En mars prochain sortira le troisième tome des Héritiers de Brisaine, ma série jeunesse aux éditions Nathan. Ce tome, intitulé La bataille des Marches Hurleuses, va conduire les héros de cette saga jusqu’aux terres des fantômes. Et, comme son nom l’indique, ils vont devoir se battre, et pas qu’un peu, pour espérer sauver la magie !
En avril suivra mon prochain roman adulte, Le chant des Géants. Il s’agit d’un retour à la fantasy mais, contrairement à Que passe l’hiver (mon précédent roman de fantasy), ce ne sera pas un huis-clos. Le chant des Géants est une danse de mort, une histoire de batailles et d’amour, l’affrontement de héros qui voudraient mais ne peuvent s’aimer, tout ça dans une île rêvée par des géants endormis et qui, peu à peu, s’efface. J’ai adoré, adoré écrire cette histoire.
Et du coup, après ? Et bien, en effet, en plus de divers projets déjà en cours, je travaille sur un roman de science-fiction. J’en suis au tout début, je le construis, essaie d’en mesurer les contours et les limites. Mais il parlera du sens de la vie, de la solitude, de la quête de Dieu, de voyage dans l’espace, d’espoir. Et d’amour. C’est assez ambitieux pour moi. Mais je suis hyper enthousiaste à l’idée de m’y atteler !
Le paysage éditorial des littératures de l’imaginaire est en mouvement constant, avec des maisons qui se créent et d’autres qui disparaissent. Toi qui es dans le milieu depuis des années déjà, quel est ton ressenti par rapport à cette évolution ?
Cette évolution est toujours là. De nouvelles maisons se créent, d’autres disparaissent. Les plus grosses restent, même si elles sont parfois sévèrement secouées. Il y a énormément d’énergie et d’envie dans le milieu éditorial des littératures de l’imaginaire. C’est extrêmement vivant, plein d’énergie. J’avoue que j’adore ça.
Ce qui est intéressant, en parallèle de tout ça, c’est l’évolution justement des littératures de l’imaginaire. On a encore énormément de chemin à faire, mais elles sont de plus en plus visibles du grand public. Des initiatives comme Le Mois de l’Imaginaire ou les Étoiles montantes de l’Imaginaire contribuent à cela. Il faut continuer, montrer aux libraires, aux lecteurs, que c’est une littérature qui sait parler d’aventures, d’humain, de société, de nous, de chacun d’entre nous. Et qui est surtout… de la Littérature. Il faut continuer en ce sens.
Merci beaucoup pour tes réponses et à très vite au détour d’un salon ou d’une dédicace !
Merci à toi !