Mélanger l’ère victorienne et le mythe de Cthulhu n’est pas franchement une idée nouvelle, mais mêler le personnage de Sherlock Holmes à tout cela est encore plus risqué. Presque trop j’ai envie de dire car les puristes de Conan Doyle comme de Lovecraft pourraient craindre le pire et vouloir la tête de l’auteur ayant pondu ce roman. Et pourtant, bien qu’étant franchement fan des deux auteurs je dois dire que James Lovegrove a vraiment su leur rendre honneur !
Automne 1880. Le Dr John Watson rentre tout juste d’Afghanistan. Blessé et prêt à tout pour oublier une expédition cauchemardesque qui l’a conduit à douter de sa santé mentale, Watson voit sa vie changer lorsqu’il fait la connaissance de l’extraordinaire Sherlock Holmes. Le détective enquête sur une série de décès survenus dans le quartier londonien de Shadwell. Plusieurs victimes qui semblent mortes d’avoir été affamées pendant des semaines ont été retrouvées, alors que des témoins les ont vues vivantes et en bonne santé à peine quelques jours plus tôt… De plus, d’inquiétants témoignages évoquent des ombres furtives qui inspireraient l’effroi à quiconque les approcherait.
Holmes établit un lien entre les morts et un sinistre baron de la drogue qui cherche à étendre son empire criminel. Cependant, Watson et lui sont bientôt obligés d’admettre que des forces sont à l’œuvre dont la puissance dépasse l’imagination. Des forces que l’on peut invoquer, à condition d’être assez audacieux ou assez fou…
Le scénario proposé ici est assez fidèle à ce que Conan Doyle aurait pu écrire. On débute avec la rencontre de Holmes et Watson (si l’on exclue les deux préfaces évidemment sur lesquelles je reviendrai) puis tout s’enchaîne et les deux héros vont devoir comprendre comment et pourquoi des cadavres émaciés et visiblement terrifiés apparaissent chaque mois dans Shadwell, un quartier de Londres. Et pour une fois l’explication la plus rationnelle (bien que souvent alambiquée) que trouvera Holmes n’est pas la bonne. Car les deux comparses vont se retrouver plongés dans les méandres du fantastique Lovecraftien affrontant un personnage bien connu de la légende Holmésienne dans un combat d’intelligence, et de mysticisme, juste épique. Très clairement James Lovegrove maîtrise de bout en bout son scénario et ne laisse pas place au moindre doute. Il parvient avec un talent rare à mêler les capacités de déduction de Holmes avec les éléments fantastiques de Lovecraft.
En ce qui concerne le pourquoi ce roman, bien entendu écrit par Watson, sortirait maintenant, Lovegrove nous propose une explication à travers une préface expliquant que le Docteur, pratiquement sur son lit de mort, cherche à raconter la vérité sur les aventures qu’ils ont vécues. Alors oui sur le principe cela peut paraître un prétexte un peu facile, mais soyons francs cela fonctionne. Et cela fonctionne d’autant mieux que l’on sent chez l’auteur une vraie passion de la plume de Conan Doyle. Cela passe tant par le respect des personnages, que par le niveau de style utilisé, très proche de ce que l’auteur de Sherlock Holmes a pu écrire. Et différentes petites références au canon holmésien sont également présentes deci-delà au fil du récit pour le plus grand plaisir des fans.
Ce premier tome de la trilogie holmésienne de James Lovegrove est clairement une réussite de bout en bout. Le roman est prenant, la plume est impeccable et la traduction de qualité. On se prend vraiment au jeu de découvrir le duo Sherlock Holmes et Watson au sein d’aventures fantastiques. Cela fonctionne parfaitement tout au long du roman et l’on a qu’une hâte : lire la suite !