La collection Semi Poche Imaginaire de l’éditeur J’ai Lu ne cesse d’ajouter à son catalogue des titres de constante qualité. Titre inédit, oeuvre d’un auteur français, Les Enfants d’Erebus ne fait pas exception en dépit de l’emploi de codes bien connus.
Jade de Carsac est une adolescente tout feu tout flamme dont le quotidien pourrait ressembler à celui de toutes les jeunes filles françaises des années 30. Mais non… Car Armand, son père, est un éminent archéologue, baroudeur reconnu qui lui offre comme cadre de vie un manoir peuplé de ses trouvailles plus enigmatiques les unes que les autres, parfois même inquiétantes. Retirée d’une institution de jeunes filles pour d’obscures raisons qui la perturbent encore, Jade ne fréquente que son père et le seul autre habitant du manoir, Ahar, un jeune homme aussi compétent comme majordome que muet. Sans doute souffre t-elle de cet enfermement ou bien est-ce dû à un caractère particulièrement fort mais Jade aime autant les leçons d’histoire et d’aventure de son père que les heures passées à jouter en sa compagnie, à l’escrime ou bien la savate. Nul doute, Jade est une fille pas comme les autres. Et sa vie qu’elle ne trouve pas assez mouvementée va être chamboulée par une nuit décisive. La visite d’un invité mystère à l’allure suspecte, sa convoitise pour un objet qu’Armand tient par dessus tout à garder secret, le lien grandissant entre ces deux éléments et la tragique disparition de l’oncle William, éminent géologue devenu soudainement fou après une expédition tragique en Antartique, l’apparition de complices étranges du visiteur… Jade va découvrir malgré elle que l’aventure qu’elle appelait de ses voeux dans cette existence trop calme a un goût bien amer et dangereux…
Un bon roman mêlant mystères archéologiques, héros charismatiques, ennemis effrayants, révélations mi-mystiques mi-scientifiques au parfum de Lovecraft, action omniprésente à une époque reconnue pour être source de grandes expéditions et trouvailles… La recette n’est pas nouvelle, elle se retrouve essentiellement dans le très populaire Indiana Jones ou plus proche du papier dans les récits de la saga Blake et Mortimer. C’est donc un beau défi que s’est lancé Jean-Luc Marcastel avec cette histoire prometteuse de plusieurs tomes (3 selon son blog).
Le socle posé dans ce premier volume est solide, il accroche le lecteur avec panache, on aime tout de suite son héroine et ceux qui l’entourent, on nourrit la même aversion qu’elle pour ses ennemis et on tremble avec elle face à chacune des épreuves qui se dressent devant ses pas. L’exotisme ambiant, le décor et les accessoires vestimentaires sont bien choisis tant pour poser une atmosphère que pour rappeler sans cesse l’époque dans laquelle se situe le récit. L’action s’impose dès les premières lignes et ne se relâche pas un instant, pas même lors de récits d’expéditions passées contés par Armand. On ne devine que rarement la tournure des évènements, preuve que le suspense entretenu par l’auteur tient la distance et rend la suite annoncée séduisante avant même qu’elle ne soit écrite. L’écriture de Jean-Luc Marcastel est pointue, économe et directe, rien de trop si ce n’est pour appuyer le suspense ou asseoir la personnalité de Jade. Le dénouement de cette première bataille opposant Jade et ses amis aux Enfants d’Erebus réserve de belles surprises, apporte quelques réponses mais pose plus de questions encore. De quoi fidéliser les lecteurs. La typographie et l’illustration de couverture accentuent l’ambiance années 30 par ses couleurs, son style graphique et souligne le visage multiple de cette aventure passionnante.
Le seul petit bémol réside, pour ma part, dans la trop belle perfection de cette jeune héroine, abîmée par une insistante répétition. Au bout des quatre premiers chapitres, on a compris qu’elle est métisse, qu’elle est très jolie, bien fichue, qu’elle est intelligente, cultivée, courageuse, sportive, épéiste et combattante idéale, presque plus proche de protagonistes de la Fantasy que la réalité du siècle passé… Il est certain que les péripéties qu’elle vit exigent de grandes qualités mais cette insistance dans l’écriture qui revient régulièrement tout du long de ‘histoire fini par agacer et décridibiliser un rien le personnage clé. Cela nuit même aux allusions grandissantes à une sorte de seconde personnalité qui la hanterait, entité qui paraît lié au secret des Enfants d’Erebus et lui offre parfois les ressources nécessaires pour leur échapper. Révélations au prochain tome? On l’espère!!
Les Enfants d’Erebus est un bon roman d’aventure qui tient et assume toutes ses promesses, tant et si bien qu’il s’adresse à un large lectorat de tous âges, même s’il ne se passionne pas forcément pour le fantastique. A lire et suivre de près car le doute n’est pas permis : Jade nous réserve encore bien des surprises.
Les Enfants d’Erebus
Jean-Luc Marcastel
Couverture : Lynea et Anja Kaiser
J’ai Lu
Collection Semi-poche imaginaire
Paru le 12 mars 2014
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