Un roman feutré, qui fonctionne très bien et propose une histoire des plus surprenantes, sur un sujet rarement évoqué.
Certaines vérités sont enfouies pour de bonnes raisons. Il y a des énigmes très anciennes, des mystères qu’il ne faudrait pas résoudre.
Il est des endroits dans le monde dont on ne saurait dire qu’ils accueillent des enfants tant les environs sont lugubres et les lieux austères.
Tel est l’orphelinat des Soeurs Aniel. Avec ses grandes fenêtres à barreaux et ses portes en métal aux lourds battants, on croit entrer dans une ancienne prison, ou dans un asile de fous. Ou pire encore, dans une banque.
Petite, boulotte et bougonne, avec des yeux cernés jusqu’à l’os, Hélène y vit dans une minuscule chambre et n’en sort que la nuit. Hélène a juré de ne plus dormir, et c’est un travail de tous les instants. Elle est atteinte de la Maladie de la Belle au Bois dormant, qui peut frapper à tout moment et l’emporter dans un sommeil infini, comme sa mère avant elle.
Il n’existe pas de remède, aucun traitement connu à cette forme de narcolepsie, qui demanderait des dispositifs bien trop coûteux pour le nombre de cas connus en France, même pour des laboratoires aux poches profondes. Même pour les laboratoires Varkoda, dirigés par l’inflexible héritier de la famille fondatrice, connu pour s’arroger des brevets au prix de la destruction de la jungle équatoriale amazonienne, et au mépris de la vie humaine.
Et pourtant, une étrange infirmière entraîne Hélène dans son sillage, vers un hôpital et un monde aux ressources inexplicables, un lieu extraordinaire, enchâssé dans une forêt introuvable tel un bijou brillant dans un écrin vert, qui lui offrira peut-être un avenir, et un rôle à sa mesure dans le combat fantastique qui s’annonce. Car les forces ancestrales bientôt réveillées par Hélène et Arès Varkoda dépassent l’entendement, et l’équilibre fragile entre nature et humanité est en péril.
Un scénario surprenant
Frédéric Dupuy nous surprend avec son roman et cela dès les premières pages. On se retrouve au cœur de l’Amazonie, découvrant une peuplade et ce mystérieux champignon luminescent. Puis ont revient dans notre société actuelle, aux prises avec la cupidité des laboratoires, la curiosité sans fin des scientifiques et la tristesse des autres. Et justement l’auteur gère parfaitement les différents niveaux de son histoire avec au centre Hélène et son destin au cœur de cet hôpital. Il est vraiment intéressant de voir évoluer cette histoire qui au début me convainquait moyennement avant que l’ensemble ne se déploie complètement et nous propose tout son sel. Arborescentes fait partie de ces histoires assez lentes à démarrer mais qui laissent une marque, tant l’inventivité de son auteur est grande. Car clairement ce récit que je classifierai en SF étonne le lecteur et le séduit. Il se dégage d’ailleurs de ce récit un côté très onirique qui pourra étonner : on a la sensation d’évoluer dans une sorte de rêve éveillé qui va parfaitement coller au thème initial.
Des personnages multiples et très réussis
La galerie de personnages proposée est assez intéressante car elle est travaillée, faisant en sorte que l’on s’attache à eux, mais en même temps suffisamment brumeuse pour que l’on puisse se les imaginer de manière assez large. Le but de l’auteur est clairement de nous fournir une base mais de ne pas la transformer en carcan pour le lecteur. Ainsi on peut suivre Hélène, mais également tous les autres dans les évolutions, dans la manière dont ils se tournent plus ou moins autour. Cela s’avère vrai dès les premières lignes puisque déjà dans la forêt amazonienne le lecteur se surprend à apprécier les quelques protagonistes rencontrés.
Avec ce premier tome Frédéric Dupuy surprend, dépayse, nous prend au dépourvu avec une histoire étonnante, séduisante, et à laquelle j’ai trouvé une certaine forme de poésie. Je suis curieux de voir ce qu’il sera en mesure de nous proposer par la suite car avec cette première pierre à l’édifice il y a moyen de faire quelque chose d’excellent.