Bonjour, et merci de prendre le temps de répondre à cette interview, qui prend la forme de trois questions autour de ton livre, Arborescentes, sorti cette année chez Bragelonne.
Pourquoi t’être intéressé à la narcolepsie ? C’est un sujet très mal connu et surtout pratiquement pas utilisé en littérature de l’imaginaire.
Le sommeil et le monde du rêve sont par nature des objets littéraires passionnants auxquels se sont déjà frottés quantité d’auteurs plus ou moins connus, mais il est vrai que le thème de la narcolepsie n’est presque jamais abordé en littérature de l’Imaginaire. Le fait est que je suis né avec des problèmes de sommeil. J’ai toujours dormi peu, parfois mal, et quelquefois pas du tout. Je suis un veilleur, un véritable oiseau de nuit. L’insomnie, je connais ça, aussi intimement qu’Hélène, le personnage central de cette saga. Nous avons ça en commun. Mais Arborescentes est aussi une allégorie de la crise planétaire que l’humanité est en train de traverser. Nous prenons conscience de ce que nos abus rendent le monde malade, et de l’importance de soigner ses plaies pour lui garantir un avenir. Le soin et la guérison sont au cœur de ce roman, sous différents angles. En cela, la maladie de la Belle au bois dormant, autrement appelée syndrome de Kleine-Levin, était toute trouvée pour servir de base à l’histoire d’Hélène. Une maladie rare, sublimée par un conte populaire, encore incurable de nos jours. Au conte, j’ai d’ailleurs emprunté les fées marraines de Perrault et les femmes sages des frères Grimm pour composer les douze soignantes du monde magique dans lequel Hélène va se retrouver catapultée bien malgré elle, persuadée que si elle doit y être soignée de quoi que ce soit, c’est évidemment du sommeil. Mais dans cette saga, la magie est un personnage à part entière. Elle a une conscience, une volonté. Et si elle peut effectivement traiter des pathologies incurables comme la maladie d’Hélène, en vérité, ses bons traitements ne sont jamais gratuits.
Comment t’es venue l’idée de ce champignon venu d’Amazonie ? Et de tout le reste du roman ? Quelle fut l’origine de la première étincelle ?
Toutes les histoires que je compose naissent d’une scène originelle. Une vision. Et pour qu’elle m’inspire un roman, elle doit être assez puissante et marquante pour ne plus me quitter jusqu’à la fin de l’écriture. Dans le cas d’Arborescentes, cette scène originaire se situe au tout début du deuxième tome, lorsque deux personnages se confrontent à la magie pour la première fois, l’un fasciné, l’autre terrorisé. Cette scène m’a happé. J’ai voulu comprendre ce qui s’était passé avant, et ce qui allait se produire ensuite. Car cette rencontre, elle se fait dans le secret d’une grotte souterraine. J’y voyais là une naissance, mais aussi une renaissance. Cette magie, elle revenait à la vie après des siècles de sommeil. Et si elle choisissait de se réveiller maintenant, dans le contexte actuel, ce n’était sans doute pas par hasard.
Quel est ton personnage préféré parmi tous ceux que tu as créés ? Et pourquoi bien évidemment…
Plus qu’un personnage, c’est sur la dynamique entre Hélène et Agathe Prasine que j’ai préféré travailler. D’un côté, une enfant perdue et taciturne des bas-quartiers de Nantes, et de l’autre une bourgeoise parisienne très collet monté. Les voir s’apprivoiser l’une l’autre au fil des pages a été particulièrement grisant. Et puis, bien sûr, il y a Moïra, l’autre grande figure de ce roman. Une botaniste au naturel désarmant et à la combativité inspirante. Hélène, Agathe et Moïra : Un trio de personnalités hors du commun qui n’est pas sans rappeler le tableau Les Trois âges de la femme, de Gustave Klimt. Mais où la vieille dame n’a plus honte de se montrer et devient un personnage de premier plan. Une femme forte et toujours noble. J’ai eu la chance de grandir entouré de femmes fortes et courageuses ; cette saga était également l’occasion de leur rendre un hommage bien mérité.