Le retour d’un auteur prometteur…
Après son remarqué Aucune terre n’est promise, Lavie Tidhar nous revient avec Central Station où il rassemble d’anciens textes dans un récit cohérent et abyssal à bien des titres. C’est déjà une œuvre ancienne qui est traduite en français, mais le challenge était de taille tant les innovations sémantiques sont nombreuses.
« Boris Chong vit sur Mars depuis de nombreuses années. À son retour sur Terre, il atterrit à Central Station, un hub interplanétaire où l’humanité s’est réfugiée pour échapper aux ravages de la pauvreté et de la guerre : un véritable carrefour où se croisent des humains, des augmentés, des robots, des IA, des créatures génétiquement modifiées et même des entités extra-terrestres. Depuis son départ, bien des choses ont changé et c’est l’histoire de plusieurs vies qu’il va découvrir, entre une ancienne amante, un enfant aux dons étranges, un père malade, un cousin amoureux, un cyborg mendiant ou encore une data-vampire dont la présence est interdite sur Terre. De carrefour des planètes, Central Station devient alors le carrefour d’une humanité faite de débrouillardises, de sensibilités et d’amours, où chaque vie à son importance et chaque destin son parcours unique. Lavie Tidhar nous offre une vision d’un futur et d’une humanité qui portent en eux la mosaïque d’un avenir fascinant, d’un monde en mutation constante où l’espoir est toujours présent.
Prix John-Wood-Campbell Memorial du meilleur roman de science-fiction »
… qui nous parle d’Israël et de son rôle de terre d’accueil…
Le spatioport de Central Station se situe au sud de Tel-Aviv. Lavie Tidhar nous montre tout son attachement à sa terre d’Israël. Il ne donne pas de point de vue théorisé par tout le monde. Pour lui, Israël est une terre d’accueil, pour le monde entier et ici pour les ressortissants extraterrestres.
… où tous se retrouvent et forment une même communauté…
Cet ensemble de diaporas qui se croisent à Tel-Aviv est toute la richesse du futur de l’humanité. Souvent les définitions de Lavie Tidhar sont assez poussées et difficiles d’abord, ce qui rend ce texte unique. Ainsi Boris Chong s’est fait implanter une créature qui vit avec lui en symbiose. Et cela se traduit par ces créations, ces concepts, ces néologismes, ces langues et mots étranges qui donnent à ce texte et à ces personnages une dimension folle et unique. Avec, en sus, ce qu’on pourrait traduire par une universalité dans la diversité.
… se lit comme un retour aux sources…
Comme dans son précédent roman, c’est un retour aux sources que l’auteur nous propose avec toutes les contradictions entre attraction et répulsion que l’image du passé peut nous laisser. Ainsi les humains augmentés, les IA, les créatures d’autres mondes partagent leurs vies dans cette ville, cité-monde, carrefour des étoiles et de l’humanité. Ce n’est pas une histoire, mais des histoires et des tranches de vie si diverses au goût de miscellanées clinquantes qui se trouvent unifiées dans ce récit.
… avec une trame narrative hors du commun…
C’est un véritable exploit que d’avoir réussi à réunir tous ces textes à l’origine indépendants, même s’ils partageaient le même contexte. La trame narrative en étonnera plus d’un, mais nous sommes à la fois dans une vision du futur et dans un roman choral. Ces personnages si différents, tant par leurs origines, leurs biologies, leurs choix de vies et leurs espoirs s’observent dans ce Tel-Aviv imaginé par un des auteurs les plus prometteurs du XXIe siècle. Ensemble, ils forment ce qu’est l’humanité du futur.
… qui fait de ce roman une belle découverte.
Techniquement, Central Station est ce qu’on appelle un fix-on. Les nouvelles se suivent, mais nous passons de l’une à l’autre via un personnage, un lieu, une situation. Tout cela donne à l’ensemble une cohérence et une sensation de plan séquence unique et dynamique. Le style de Lavie Tidhar, qui résonne souvent d’une certaine poésie, ne porte aucun jugement mais fait le constat d’une humanité future diversifiée et pourtant universelle. Une belle exploration d’un possible futur, pas forcément enviable, mais un futur quand même.