Entretien avec Cris, chanteur de Chabtan

Bonjour, et merci de prendre le temps de me répondre. Peux-tu tout d’abord te présenter et nous expliquer ce que tu fais dans Chabtan ?

Nous sommes un groupe de Death metal (au sens large) formé en 2011. Nous venons de Paris et cherchons à faire une musique qui, tout en étant profondément enracinée dans le death metal, manifeste une certaine ouverture d’esprit. Nous sommes cinq personnes. Dimitri Merly qui est là depuis la formation du groupe. Erwan Montagne à la guitare depuis 2018. Paul Mora à la batterie depuis 2018 et Ludovic Ossard à la basse depuis 2022. En ce qui me concerne, je suis Cris et je hurle et chante dans Chabtan depuis 2011.

Comment en es-tu venu au rock et au metal ?

Par un cheminement assez « naturel » puisque mon père est lui-même un fan de metal. Adolescent il écoutait énormément Black Sabbath et Led Zeppelin. D’une façon générale, il m’a communiqué son amour de la musique puisqu’il est également un grand amateur de folk et de blues, styles que je trouve aussi passionnants. Mon cœur a définitivement penché pour le métal le jour où il m’a fait écouter « Electric Funeral » de Black Sabbath. Il s’agit de la première fois où je me suis dit : « quel est ce truc de malade que je suis en train d’entendre ? »

Compelle Intrare est le nouvel album de Chabtan. Comment s’est passée la composition ? Qui écrit la musique, qui se penche sur les paroles ?

La composition s’est déroulée entre 2019 et 2022. Notre guitariste Dimitri a écrit les ébauches des morceaux que nous avons retravaillés chacun sur nos ordinateurs et en répétition. A noter qu’Erwan, notre second guitariste, a composé dans son intégralité le morceau « Des Cannibales ». A titre personnel je suis beaucoup intervenu au niveau de la composition sur les titres « 1521 » et « Heart Of Darkness ». Pour ce troisième album je me suis occupé des textes. Cette fois-ci je ne voulais pas aborder les mythologies mésoaméricaines. Je voulais au contraire m’intéresser à la manière dont le christianisme a appréhendé la rencontre des natifs. Je ne me sentais pas légitime pour écrire sur une mythologie qui appartient à une culture qui n’est pas la mienne. La découverte du Nouveau Monde introduit une réflexion politique et philosophique qui m’intéressait davantage.

Où trouves-tu l’inspiration quand il s’agit d’écrire de la musique ?

Dans les bouquins que je lis. Pour écrire cet album je me suis penché à nouveau sur les philosophes Aristote, Saint-Augustin et Montaigne mais aussi sur le missionnaire chrétien Bartolomé de Las Casas. Son livre Très brève relation de la destruction des Indes comporte de nombreuses descriptions des exactions commises par les conquistadors. Ce que je vais dire est un peu simpliste et il faudrait commenter le texte de façon plus détaillée, mais on peut dire que c’est un livre très humaniste. J’entends par là que Las Casas insiste sur l’importante d’avoir de la considération pour autrui même s’il n’est pas de la même culture que la nôtre.

Comment est-ce que vous avez bossé sur l’artwork de cet album ?

Nous avons refourgué le travail à Colin Marks qui avait déjà travaillé sur nos précédentes pochettes. En gros, nous lui faisons part de certaines « images » que nous avons à l’esprit et que nous voudrions voir réalisées de façon concrète. Nous sommes l’esprit et il est les mains !

On retrouve dans ce nouvel album le son lourd et pourtant immersif du groupe, avec toujours cette inspiration Maya. D’où est venue cette première envie de parler de cette culture finalement assez sécrète pour nous ?

A vrai dire, elle est également secrète pour nous. Nous avons lu pas mal de bouquins sur le sujet histoire de ne pas dire (trop) de conneries à ce sujet. Pour être honnête, ce thème de la mésoamérique était une suggestion de notre premier guitariste Jean-Philippe Porteux. Dans cet album, on parle davantage de la rencontre des chrétiens et des peuples du « Nouveau Monde ». C’est aussi un album sur le christianisme et ses contradictions théoriques. D’ailleurs c’est cela que signifie « compelle intrare ». Les traducteurs ne savent jamais s’il faut traduire « fais les entrer » ou « contraint les d’entrer ». La première option est pacifique : on peut faire entrer autrui dans notre église par amour. La seconde option est violente : on fait entrer autrui dans l’église au moyen de la force.

Pourquoi tant de temps entre les deux albums ?

Comme tu as peut-être pu le constater, nous avons eu de gros changements de line up. Notre premier guitariste nous a quitté, ainsi que nos précédents batteur et bassiste. Outre les difficultés pour stabiliser le line up, nous avons mis du temps à composer car nous voulions vraiment faire de bonnes chansons. Il y a, rétrospectivement, des titres que je trouve « faibles » sur nos deux premiers albums. Pour la première fois j’ai le sentiment que nous avons composé quelque chose de réellement abouti.

Quel est ta chanson préférée de l’album et pourquoi ?

Il est vraiment très difficile de répondre à cette question. J’aime beaucoup « 1521 » à cause de son break progressif. C’est vraiment un titre sur lequel on a pu tenter des choses.

Y a-t-il des clips de prévus pour soutenir la sortie de l’album ?

Le premier clip « Valladolid » est sorti fin décembre et nous avons un second clip pour le morceau « Inherited Chaos » qui sortira en février.

 

Comment est-ce que tu vis de devoir faire semblant de jouer/chanter lors du tournage d’un clip ? Est-ce que ce n’est pas trop difficile ?

A vrai dire, c’est assez amusant de tourner des clips. On joue un rôle – au fond, c’est pareil sur scène on joue toujours un rôle – mais disons que dans le clip on a vraiment les moyens pour parvenir à créer une atmosphère et développer une esthétique. D’une certaine manière les concerts se ressemblent tous plus ou moins, alors que le clip tu le tournes qu’une seule fois. Il faut donc ne pas se planter. Il faut trouver les bonnes attitudes et avoir l’air convaincant même si c’est du playback.

Quels sont les prochains projets pour Chabtan ? Manger de la scène ? 

Manger de la scène. On a déjà eu deux très belles dates pour promouvoir notre nouvel album, dont une date ouverture d’Aephenamer  à Paris pour leur tournée. D’autres dates seront annoncées prochainement.

N’hésitez vraiment pas à nous contacter si vous voulez nous booker : notre seule envie est de défendre « Compelle Intrare » sur scène.

On peut vous voir où et quand sur scène, justement ?

Même si plusieurs concerts sont en préparation, le seul concert annoncé pour le moment est le Metal Inseine Festival dans le 92. Si je ne m’abuse nous y jouerons le 23 d’Avril et nous aurons l’honneur d’être en tête d’affiche.

Pleins d’excellents albums sont sortis en 2022. Une préférence, un coup de cœur que tu voudrais conseiller ?

Je confirme que ça a été une très bonne année pour le metal. J’ai eu deux coups de cœur. En première position « Shiki » de Sigh et en seconde position « Divine Council » de Psycroptic. A mes yeux, ce sont deux groupes très créatifs et très intelligents dans leur approche du metal extrême.

Merci pour tes réponses et à très bientôt

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