Fin 2018, j’ai eu la chance de chroniquer NM1, le premier album de Nature Morte. Une plaisante découverte qui me laissait avide de retrouver le groupe français dans un avenir proche. C’est chose faite avec son second opus, Messe Basse, dont la sortie est prévue pour le 7 mai.
Première remarque avant de lancer l’écoute de ce nouvel album : le groupe a de l’ambition. Après le succès de NM1 et un split avec Hegemon en 2020, Messe Basse a l’honneur d’être la première sortie du nouveau label Source Atone Records. C’est dire la confiance du trio dans ce projet. La longueur de l’album n’y est sans doute pas étrangère, puisque de la grosse demi-heure de NM1, on approche de l’heure complète sur Messe Basse. À l’évidence, les Parisiens ne voulaient pas se contenter de peu cette fois.
Au jeu des comparaisons, le premier élément frappant est la voix de Chris, bien plus mise en avant. Elle garde cet aspect écorché et mélancolique, sans être étouffée par les riffs de guitare. Ces derniers accompagnent le chanteur dans des tons très rock, dans lesquels on perçoit ça et là quelques touches de The Cure ou de Radiohead. Surprenant ? Loin s’en faut, à en croire les déclarations du groupe en interviews, qui embrasse ces influences et les transforme à son gré.
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Thématiquement, on retrouve cette nostalgie et cette dichotomie beauté/laideur qui sont les piliers de l’entité Nature Morte, jusque dans le nom du groupe. Les morceaux alternent sauvagerie sombre et mélodies aériennes en un tout cohérent, dans cette espèce de langueur lancinante propre au genre. L’auditoire est baigné par de chauds rayons de soleil pâle, avant d’être soudain giflé par une averse glaciale. À l’image du clip de White Goat, Dark Hoof, les morceaux évoquent des souvenirs lointains, des moments figés dans le temps et la mémoire, opposés à un avenir morne. Telle est la force de Nature Morte, capable de passer d’une émotion à son contraire sans perdre le fil conducteur de ses idées.
Comme pour NM1, la musique du groupe se ressent plus qu’elle ne se dissèque. Si la voix n’est plus en retrait, elle n’en est pas plus intelligible pour autant – ce qui n’est pas un défaut dans ce genre musical. Difficile donc de juger des paroles en anglais sans les avoir sous les yeux. Ceci étant, le groupe se permet de placer à la fin du premier morceau, Only Shallowness, un passage de 1984 de George Orwell, ce qui donne quelques indices. Elle se termine par la terrible phrase “if you want a picture of the future, imagine a boot stamping on a human face — for ever”, une vision d’un pessimisme brutal, qui ici exacerbe le spleen porté tout au long de Messe Basse. Pour le reste, il faudra que chacun se laisse emporter à sa façon, et peut-être est-il préférable de ne pas savoir à quoi s’attendre car comme le dit l’adage, l’essentiel n’est pas la destination, mais le voyage.
Messe Basse ouvre le bal des premières sorties de Source Atone Records. Avec une telle déclaration d’intention, il est clair que le groupe et son nouveau label sont prêts à franchir un cap. L’album ne devrait avoir aucun mal à trouver son public et assurer aux Français une place de choix parmi les pontes de la scène blackgaze.