Fondé en 2013 par William Lacalmontie, Angeline Seguelas et Julien Taubregeas sous la forme d’un trio acoustique Post Rock, O V T R E N O I R se tourne vers le Post Metal lorsque Dehn Sora rejoint le projet. Le premier EP, Eroded, sort en 2016, et il aura fallu attendre ce mois d’octobre 2020 pour voir arriver le premier album Fields of Fire.
Un grand philosophe scandait volontiers « Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir ».
Mais est-ce vraiment ce que reflète la musique des parisiens ?
Un riff hypnotique à la guitare, un thérémine (instrument aussi mystérieux qu’inattendu dans une formation Metal) qui habille discrètement le spectre sonore, une batterie lente, une basse claquante mais retenue.
Voilà ce qui nous accueille dès le lancement de Phantom Pain, le premier titre.
Pause.
Puis c’est l’explosion !
Entrée du chant sur ce même rythme lancinant, oppressant, aux riffs légèrement dissonants. Un chant crié, plaintif, dévoilant une certaine détresse.
« Oppression » et « détresse ». Deux termes qui décrivent bien le sentiment général laissé par cet album à la première écoute.
Et des écoutes, il en faut quelques-unes pour entrevoir, à l’instar d’une œuvre de Pierre Soulages (le père de l’outrenoir), un soupçon de lumière.
En effet, si on se sent au prime abord piégé par ce grand feu destructeur, les quelques touches mélodiques savamment distillées au fil de l’album alliées aux textes nous laissent espérer un feu purificateur, salvateur.
Les fans de Post Metal retrouveront dans la musique du groupe les sonorités qui leur sont familières, qui peuvent rappeler Cult of Luna ou Isis. Le spectre de Neurosis plane également.
Fields of Fire est hypnotique, massif, à la fois éprouvant et prenant. L’ambiance générale de l’album est délicieusement sombre.
Paradoxalement, les titres sont longs mais s’écoutent et s’enchaînent sans la moindre difficulté, sans même qu’on le remarque parfois tant l’ensemble est cohérent.
Au-delà du Post Metal déjà évoqué, on ressent des influences Doom (Kept Afloat), ou encore Black Metal/Post Black (I Made My Heart A Field of Fire) pour le côté dissonant et parfois angoissant.
Les titres sont très bien construits et tiennent l’auditeur en haleine.
Sur I Made My Heart A Field of Fire par exemple, le titre s’arrête à moitié pour laisser apparaître un riff typé Black Metal qui va se répéter, appuyé par la voix d’Angeline (basse). L’auditeur, qui s’attend à un départ en blast beat qui semblerait logique à ce point, est pris à contrepied alors que démarre une nouvelle boucle hypnotique tout en lourdeur, les paroles se répétant inlassablement avant que l’ensemble ne ralentisse puis se taise, instrument après instrument.
La production est signée Francis Caste (Studio Sainte-Marthe), à qui l’on doit le son de Hangman’s Chair, Regarde les hommes tomber, ou encore Kickback et Bukowski. Caste réalise ici un travail impeccable tant il est parvenu à capter et retranscrire l’essence d’O V T R E N O I R.
Rien n’est laissé au hasard, de la batterie profonde à la basse imposante en passant des guitares fantomatiques, et des voix parfaitement fondues dans l’ensemble.
Mention spéciale à l’artwork magnifique signé Ishibashi Hideyuki et Dehn Sora, qui dépeint à merveille le contenu même de l’album.
Dans un paysage Post Metal florissant, O V T R E N O I R parvient à tirer son épingle du jeu en offrant une œuvre singulière, personnelle, à fleur de peau, qui ne demande qu’à être découverte.