Philippe Auribeau s’est fait connaître en ayant pris la suite de Pierre Pevel sur Les Lames du Cardinal avec son roman L’Héritage de Richelieu. Mais en rejoignant l’écurie ActuSF avec Ecarlate il démontre qu’il est un excellent auteur de fantastique et de polar. Oui je le dis sans préambules, ce roman est une petite merveille !
Providence, 1931. Une troupe de théâtre est sauvagement assassinée alors qu’elle travaillait à l’adaptation du roman La Lettre écarlate. Si la piste d’un ancien anarchiste italien semble évidente pour la police locale, l’équipe fédérale de Thomas Jefferson flaire des raisons bien plus obscures. Une ombre plane sur ce meurtre… et sur ceux qui mènent l’enquête.
Commençons par le scénario, car rien de tel qu’un bon scénario pour faire un polar fantastique valable. Meurtre au théâtre Paradise, avec ce qu’il faut d’éléments étranges et occultes pour réveiller les soupçons de l’agent fédéral Jefferson et de son équipe. Trois morts de manière particulièrement sanglante, une femme laissée pour morte et violée, un ensemble de suspects tous plus étranges et inquiétants les uns que les autres, et la présence de cet Homme noir énigmatique. Le côté enquête proposé est vraiment bien monté, Philippe Auribeau distillant ses indices avec patience et talent. J’ai vraiment été surpris à plusieurs moments du roman et cela est bien souvent indicateur d’une intrigue parfaitement réussie. Nous avons donc affaire à un très bon polar, qui distille ses éléments fantastique jusqu’à la dernière page, au plus grand plaisir du lecteur. Et au centre de cette histoire ce roman, La Lettre Ecarlate, qui n’est pas totalement ce qu’il semble être…
Passons un moment sur l’équipe de Jefferson : composée de lui-même, de Diane Crane, une enquêtrice privée, et de Caleb Beaufort, chauffeur et ami de couleur. Et ses deux comparses vont subir tout au long du roman les inconvénients des années 30 : racisme et misogynie omniprésents, émaillant le roman de manière particulièrement agaçante pour moi mais néanmoins parfaitement réaliste. Et les trois vont, tout au long du roman, morfler sévèrement. Passés à tabac, insultés, maltraités, chacun va connaître ses déboires et s’en sortir avec bravoure. Les autres personnages tiennent aussi leurs rôles à merveilles, y compris une guest star de qualité, mais je n’en dirais pas plus.
Le style de l’auteur est particulièrement vivant et dynamique, nous retraçant avec facilité le périple du trio dans ce Providence des années 30. Les bons comme les mauvais aspects de cette épouqe sont parfaitement retracés et on prend un plaisir non dissimulé à plonger dans cette époque finalement si éloigné de la nôtre. Philippe Auribeau parvient à la rendre vivante en employant tous les travers de cette époque : le racisme omniprésent, voire la xénophobie, la misogynie exacerbée également. Cela put agacer au fil de la lecture de voir deux des héros prendre autant d’insultes ou de lieux communs de l’époque mais cela représente pourtant une réalité de ce qui fut qu’il ne faut pas oublier.
Avec Ecarlate Philippe Auribeau signe un coup de maitre, un grand roman de polar fantastique, intense, immersif, passionnant. Il démontre, s’il en était encore besoin, que les plumes française sont au moins aussi talentueuses et imaginatives que les anglosaxonnes. Si vous aimez le fantastique et/ou le polar alors jetez-vous sur ce titre, vous ne le regretterez clairement pas !