Charlie McLean est un critique gastronomique qui passe sa vie sur la route. Il décide un jour d’emmener son fils dans un de ses périples pour renouer des liens avec lui. Un restaurant français qui ne figure dans aucun guide culinaire attire alors sa curiosité.
Mais cet endroit est en fait l’antre d’une secte anthropophage qui enlève son fils. Pour le sauver, Charlie devra intégrer l’organisation et se soumettre aux rituels insoutenables qu’exige l’intronisation
Rituel de chair est un roman captivant à plus d’un titre.
Masterton montre ici un talent de conteur hors pair : il m’a été bien difficile de lâcher ce livre, tant la trame est prenante. Car au-delà même de l’histoire, dont le scénario est digne d’un très bon polar, c’est cette façon trépidante de la raconter qui la rend si accrocheuse.
L’ambiance du livre est également très particulière, et ce pour plusieurs raisons.
On vacille sans cesse vers le fantastique sans vraiment savoir ce qu’il en est : les descriptions des premiers chapitres suggèrent des créatures inhumaines et les rêves du héros se mêlent étonnamment à la réalité ; quand au dernier chapitre, on ne sait trop s’il s’agit d’un cauchemar ou de la réalité. En définitive, même lorsque ces bizarreries trouvent une explication, l’ensemble reste si étrange qu’il devient difficile de trancher.
Quand au thème principal du roman (les adeptes des Célestins décident de se manger au fur et à mesure afin de trouver la lumière divine), il interroge car il est abordé d’une façon argumentée et réfléchie.
Charlie, le personnage principal, n’est pas particulièrement attachant : il se montre bien peu compréhensif avec ce fils qu’il n’a pas pris la peine d’élever vraiment. Or ce qui aurait pu, dans un autre roman, être un point faible se révèle en réalité ici une force : il m’a été compliqué de compatir avec ce père si peu sympathique, ce qui rend la situation encore plus ambiguë quand aux notions de bien, de mal ou de châtiment divin. Difficile, dès lors, de désigner un «gentil » et un « méchant » dans l’histoire.
J’ai malgré tout déniché quelques incohérence dans ce roman : le fait que la secte des Célestins poursuive ses activités sans être inquiétée par les autorités me laisse par exemple plutôt sceptique.
Le fils du héros, Martin, se laisse convaincre très facilement : aucune des conversations qui ont mené à l’embrigader ne nous sont révélées et c’est dommage à mon sens ; se manger soi-même est loin d’être une activité anodine (!) et cette impression de facilité avec laquelle Martin bascule du côté obscur rend sa décision peu crédible.
Martin n’a d’ailleurs que 15 ans, et même s’il rejoint cette secte de son plein gré (argument utilisé par les autorités pour ne pas intervenir), il n’en reste pas moins mineur et sous l’autorité de son père, ce que la loi américaine devrait prendre en compte.
Les amateurs de gore pourraient également être déçus par Rituels de chair qui, s’il est présenté dans son résumé comme un roman du genre, ne révèle en réalité que très peu de descriptions sanglantes et malsaines. C’est son suspense qui en fait tout l’intérêt, et non une éventuelle débauche d’hémoglobine.
Robin, personnage féminin secondaire, est une caricature de fille (ça crie au moindre danger pour se réfugier dans les bras du héros).
Gros bémol également sur la fin, une débauche de bondieuseries absurdes qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe et n’apporte rien.
Rituel de chair est donc un roman qui, malgré quelques éléments dérangeants, m’a captivée de bout en bout.
Rituel de chair – Graham Masterton
Bragelonne
Mars 2019