À La Nouvelle-Orléans, des dragons hantent les rues inondées après le passage de Katrina ; dans les États esclavagistes du Sud, une mère noire tente de sauver sa fille d’impossibles promesses ; tandis que, dans cette autre réalité, les monstres et les héros créés par l’humanité survivent à la mort de celle-ci, mais pour combien de temps encore, et dans quel but ?
Recueil de nouvelles sombres et engagées, Lumières noires donne à voir notre société contemporaine à travers le prisme d’une myriade de miroirs déformants mais terriblement réels.
Les plus
Des textes très bien écrits
Des récits prenants
Des univers originaux
Les moins
Un certain mépris qui frôle le racisme
Lumières noires est un recueil de textes originaux et bien écrits, mais à la moralité souvent trop prétentieuse.
J’ai pris beaucoup de plaisir à lire le style de l’auteur : j’ai trouvé que ces textes étaient, dans l’ensemble, vraiment bien écrits. Il est vrai que certains passages ont été un peu plus difficiles à comprendre pour moi, essentiellement dans les nouvelles relevant de la science-fiction, car plusieurs notions développées y sont un peu floues (par exemple, les concepts informatiques de Fille de Troie me semblent peu réalistes, et les créatures que présente Les évaluateurs ainsi que les parasites de Vigilambule révèlent une biologie un peu fantaisiste). Cela ne m’a pas empêché, cependant, d’apprécier la plume de l’auteur.
Les récits proposés sont prenants, j’avais envie d’en connaître la suite d’une page à l’autre. Ils se situent dans des univers assez atypiques et originaux : chacun d’entre eux montre une épaisseur certaine, et j’aurais presque eu envie de m’y plonger plus longtemps, car on les sent complexes et travaillés. Ils se déroulent selon différentes structures narratives, dont certaines sont intéressantes.
Plusieurs genres de l’imaginaire sont explorés au fil des pages. Les fascinants Grandeur naissante et L’alchimista se révèlent très fantastiques et dévoilent des éléments étranges dont on questionne la possibilité jusqu’à la fin, tandis que d’autres nouvelles balayent le large spectre de la science fiction : l’anticipation pour Ceux qui restent et luttent, le post-apoclyptique du côté de Major de Promotion et Les filles du Ciel ou encore le futurisme décrit par Les évaluateurs et Trop d’hiers, manque de demains. On trouve même un peu de fantasy dans Le remplaçant du conteur, qui a des allures de contes.
Cette disparité n’empêche pourtant pas une certaine unité : plusieurs nouvelles semblent d’ailleurs se répondre les unes aux autres, sans que cela soit jamais exprimé clairement. On peut par exemple imaginer que Le remplaçant du conteur est l’un des contes dont il est fait mention dans Les filles du Ciel, que Fille de Troie se voit poursuivie dans Major de Promotion, les deux nouvelles prenant des points de vue antagonistes pour nous dévoiler davantage la complexité que recèle toute situation de conflit ou encore que les cités de Grandeur Naissante et Pêcheurs, saints, spectres et dragons appartiennent au même univers.
J’ai beaucoup aimé ces va et vient entre les textes, et la place laissée à l’imagination du lecteur dans les liens suggérés de l’un à l’autre.
Les valeurs défendues par l’autrice se retrouvent également dans toutes ses nouvelles.
J’aurais dû apprécier ce message qui se veut empreint de tolérance et de respect pour les soi-disant faibles, cependant il est porté avec un tel manque de subtilité que je n’ai pas pu y adhérer. Cette prise de parti en faveur des droits des noirs n’aurait en effet rien de dérangeant si elle n’était systématiquement accompagnée d’une dégradation perpétuelle des occidentaux : les personnages blancs des nouvelles sont tous plus mauvais les uns que les autres, colonisateurs en puissance ou abrutis congénitaux incapables d’accepter la moindre différence. L’autrice dénonce donc le racisme… par le racisme et tombe dans tous les travers qu’elle dénonce chez les autres, utilisant pour ce faire un ton moralisateur qui confine à la prétention et l’a totalement décrédibilisée à mes yeux. C’est vraiment dommage.
Les nouvelles que j’ai préférées relèvent toutes du fantastique (un genre qui, je trouve, se prête particulièrement bien à l’exercice de la nouvelle) : L’alchimista et Cuisine des mémoires pour l’angle mystérieux sous lequel y est abordée la gastronomie, Grandeur naissante pour sa fascinante description des cités du monde et Pêcheurs, saints, spectres et dragons pour ses attendrissants reptiles.
D’autres textes, moins nombreux, m’ont beaucoup moins plu : Avides de pierres, qui se déroule dans l’univers des Livres de la Terre fracturée (et confirme mon hermétisme total à ce monde), ou encore Les berges de la Lex et Métro, que je n’ai tout simplement pas compris et qui m’ont ennuyée.
En résumé, Lumières Noires est un recueil de nouvelles que j’ai pris dans l’ensemble plaisir à lire ; en revanche, le racisme anti-blanc sous-jacent dont fait montre l’auteure a plus d’une fois gâché ma lecture.
Lumières noires
N.K. Jemisin
J’ai Lu
2019