Un testament est la résultante d’une vie. Certes, cela se limite souvent à son acception patrimoniale, mais c’est aussi un témoignage. C’est dans ce sens que Margaret Atwood a écrit Les Testaments. Ces témoignages sont ceux de trois femmes en relation avec Galaad, ce pays rétrograde où les femmes ne sont que des épouses de, des filles de ou des servantes de. L’action se déroule quinze ans après les faits de La Servante écarlate. Même si nous croisons des personnages communs, ce récit est surtout une recontextualisation de cette nation.
Ainsi, il y a cette tante, la plus crainte de toutes, qui commence par l’inauguration de sa propre statue. Pourtant le culte de la personnalité n’est pas une valeur de Galaad, surtout pour une femme. Bien sûr, les connaisseurs ont reconnu tante Lydia. Elle qui peut être d’une grande cruauté, mais aussi tellement protectrice pour ses demoiselles, les servantes par lesquelles passent l’essentiel de la reproduction des élites de Galaad. Pour avoir visualisé les saisons deux et trois de la série d’Hulu, il ne faut pas s’attendre à y découvrir les mêmes choses, car l’essentiel ici est dans l’explication du comment elle est devenue une tante et dans la démonstration de la concurrence qui se joue entre elles en permanence. La faiblesse ne leur est pas autorisée. Leur pouvoir est donc loin d’être celui qu’on imagine.
Et puis, il y a Agnès, la fille adoptée d’un commandant dont l’épouse qui la chérissait est décédée suite à une maladie que Galaad ne guérit pas. Lorsque son père prend une nouvelle épouse, Agnès va se sentir rejetée. Lorsqu’une nouvelle servante offre au commandant un enfant, Agnès va être exclue, condamnée à se marier avec un commandant. C’est toute l’éducation d’une jeune fille à Galaad qui nous est présentée, loin des préjugés de privilèges qu’on leur pense accordé.
Enfin, Daisy a la chance de ne pas vivre à Galaad. Cependant, elle a été adoptée par Neil et Melanie qui tiennent une boutique d’occasion où défile tout un tas d’individus. Dans ce Canada voisin où tant de réfugiés de Galaad se pressent, il y a sans cesse la ritournelle venue de Galaad qui réclame le retour de Bébé Nicole. Et puis, il y a ces perles, ces jeunes femmes prosélytes qui infiltrent et espionnent tous les autres états du monde, au service de Galaad.
Cette remise en perspective de Galaad sur le plan géopolitique est passionnante. Les Testaments se lit comme un thriller de belle facture. La traduction de Michèle Albaret-Maatsch restitue parfaitement l’univers dystopique de Margaret Atwood. La trame de ce récit se tisse autour d’un réseau clandestin qui aide les fuyards de Galaad. À sa tête, un traître veut confier au Canada et aux réfugiés de Galaad le moyen de vaincre enfin cette nation décadente, mais crainte par le monde entier.
Il n’est pas une vie de femme qui soit paisible dans ce monde qui pousse à l’excès les tourments de notre société actuelle. Il est certes conseillé de lire La Servante écarlate avant Les Testaments, mais il peut se lire indépendamment. Thriller haletant et œuvre foncièrement féministe, ce roman est un signal d’alarme pour notre société qui exclut, méprise et n’a au mieux qu’une approche condescendante de quota vis-à-vis de la moitié de l’humanité. L’auteure nous ouvre les yeux, ne les fermons plus.
Les Testaments
Margaret Atwood
Couverture illustrée par Noma Bar
Traduction par Michèle Albaret-Maatsch
Editions Robert Laffont
Collection Pavillons
2019
22,90 €