C’est toujours un grand plaisir de retrouver le groupe Death Cab for Cutie, chouchous de la scène rock indé, des bandes sons de séries américaines (Newport Beach en tête) et de mon cœur depuis les albums Transatlanticism en 2003 et Plans en 2005.
D’autant plus que les derniers albums ont été mouvementés : Codes and keys en 2011 ayant assez peu convaincu et Kintsugi, sorti en 2015, a vu au cours de sa réalisation le départ du guitariste/fondateur/producteur Chris Walla.
Nous sommes ainsi face au premier album réalisé sans aucune participation de Chris Walla, dont la touche artistique et la production étaient indissociables du groupe en 17 ans d’existence. Pour ce nouvel opus, Rich Costey (producteur notamment de Black holes and absolutions de Muse), qui avait déjà réalisé la majeure partie de la production de Kintsugi, s’associe à nouveau au groupe.
La différence de son est notable mais non radicale. A l’instar de l’album Codes and keys, un travail important a été mené sur les synthés et les éléments électros. La voix de Ben Gibbard se mêle à de nouveaux éléments et même à une nouvelle voix en la présence de Laurent Mayberry de Chvrches, sur le morceau You moved away.
Mais la touche Death cab for cutie reste : le morceau de conclusion, 60 and punk, aurait aisément trouvé sa place dans l’album Plans.bAvec son piano, ses ambiances subtiles et la voix douce de Ben Gibbard, le morceau ressemble à s’y méprendre à des précédentes œuvres comme Summer skin ou Your new twin sized bed. Il représente également l’image de Death cab for cutie. Des morceaux assez planants, doux, et emprunts de mélancolie, ce qui a parfois conduit à mettre l’étiquette emo sur le groupe.
Si la voix est posée, ses mots sont moins calmes, s’adressant à un héros personnel le décevant. Il s’adresse également par là à une scène glamorisant une esthétique « sex, drugs and rock’n’roll », à laquelle le chanteur rétorque « it’s nothing funny ».
L’album joue en permanence sur ce doux-amer. Ainsi le premier single, Gold rush, sous une rythmique assez entraînante et un son estival, voit le chanteur se refléter sur l’évolution du quartier Capitol Hill à Seattle, où il vit depuis 20 ans. Gentrification, apparition des grandes entreprises, disparition des vieux bâtiments : Ben Gibbard adresse une supplique contre tout ces changements. Le clip voit ainsi le leader se balader dans le quartier, pour finir petit à petit noyé par une masse de personnes concentrées sur leurs smartphones, indifférentes à leur environnement extérieur.
Mais tout change, en commençant par lui. Le quartier de Capitol Hill n’est plus le même que celui qu’a connu ce dernier. Mais Death Cab for cutie n’est pas non plus le même groupe que celui qui signait en 2003 le chef d’oeuvre Transatlanticism. Ben Gibbard n’est plus le même que celui qui répétait « I need you so much closer ». Ce n’est pas pour autant une mauvaise chose.
Thank You for Today doit son titre à son fil rouge : la réflexion sur le passé. Chaque décision et chaque acte a mené à l’endroit exact où nous sommes et à la journée exacte que nous passons. Mais c’est aussi une ouverture au futur. En commençant par l’automne sur Autumn love, chanson la plus optimiste de l’album, avec un narrateur en communion avec la nature, faisant la paix avec soi-même.
Cela se reflète ainsi musicalement : Death Cab for Cutie n’a rien perdu de ce qui a fait son succès. Mais c’est aussi un groupe qui, après 20 ans de carrière (le premier album en tant que groupe, Something about airplanes, étant sorti en 1998), sait se renouveler et s’adapter aux évolutions musicales.
Ce défi d’un album sans Chris Walla est amplement réussi. Entêtant, planant avec cette pointe de nostalgie : le combo gagnant pour l’été et entrer en douceur dans l’automne. Et si vous souhaitez vous réchauffer en hiver, le groupe sera au Trianon de Paris le 2 Février 2018, après 6 ans d’absence dans la capitale.
Thank You for Today
Death Cab for Cutie
Atlantic Records
2018