Oeuvre complexe, pleine de symboles et extrêmement ouverte à l’interprétation de chacun, Mother ! divise énormément. Il y a ceux qui adorent et ceux qui détestent. Du moins, point positif, il ne laisse presque jamais indifférent ! Il y a des films comme ça, qui, pour être appréciés à leur juste valeur, doivent être envisagés avant tout comme de pures expériences sensorielles ( citons l’exemple le plus évident : 2001 L’Odyssée de l’Espace) et Mother ! fait indéniablement partie de cette catégorie étrange et exigeante. Le spectateur doit y aller avec la tête reposée, l’esprit attentif, en lâchant prise, c’est à dire en abandonnant l’idée de pouvoir tout comprendre du premier coup. Si on accepte les règles du jeu, on part alors pour un sacré tour de manège infernal.
Alors, par où attraper le monstre ? Un homme ( un écrivain célèbre) vit avec sa compagne dans une demeure isolée de tout. Des inconnus viennent, un à un, frapper à leur porte. Les intrus finiront par perturber grandement la vie du couple.
Connaissant le goût très prononcé d’Aronofsky pour la Bible ( son précédent et injustement mal-aimé Noé puisait déjà dans la Génèse) il est facile de voir dans le personnage de l’écrivain ( Javier Bardem) à la fois les figures d’Adam, du prophète, et de Dieu. Mother ( donc Jennifer Lawrence) étant, elle, Eve et La Mère Nourricière. Leur maison ayant tout l’air d’être construite en plein Jardin d’Eden. Le décor est planté.
Tout de suite, la différence abyssale de points de vue entre Elle et Lui saute aux yeux. La femme veut vivre en vase clos, construire son cocon familial et prendre soin de son compagnon. Bref, ses intentions et son comportement sont limpides. Ce qui n’est pas le cas de Him ( donc le personnage de Bardem). D’un côté, il semble sincèrement amoureux d’elle. Mais en même temps il ne la prend pas vraiment au sérieux, semble cacher quelque chose et rechigne à vivre comme elle le souhaiterait. Him a besoin de faire entrer les autres dans sa vie, pour s’en nourrir et créer. Sans cela il étouffe.
Soulignons la prestation très convaincante de Jennifer Lawrence, qui porte le film sur ses épaules sans jamais disparaître derrière la présence charismatique de Javier Bardem. La caméra de Darren Aronofsky suit l’actrice comme le plus fidèle des chiens. Ce visage à la beauté lisse, aux joues rondes, est parfait pour incarner la maternité. Tout le film est vu à travers elle. On la voit s’activer telle une petite fourmi qui travaille et s’accroche à son rêve. Mais ce dernier vire au cauchemar. À cause de Him et des autres.
Car c’est lui qui ouvre la porte aux intrus, lui qui les attire. Il est le Dieu distant, qui perd le contrôle de son oeuvre. Née de belles intentions, cette dernière se dérègle, se corrompt petit à petit avant d’être chavirée par le Chaos. Tous ceux qui arrivent, aussi inoffensifs qu’ils semblent être, envahissent la maison comme des rats et apportent le désordre et la corruption.
Ayant fait le pari de se passer de musique, Aronofsky utilise d’autant plus le son pour nous immerger dans cet univers. Par exemple, ces bruits de parquet, tellement mis en avant, qui donnent l’impression que la maison est vivante, qu’elle craque comme un bateau chahuté par un début de tempête. Sensation renforcée par la reprise de certains éléments du film de maison hantée, utilisés pour doter la demeure d’une certaine forme de vie organique ( le parquet abîmé qui ressemble à une plaie, le sang qui coule le long des murs etc…).
Le film est animé par cette logique de cauchemar. Plus Mother se débat et cherche à reprendre le contrôle, plus la situation dégénère. Aronofsky imprime à son film un joli crescendo final qui provoque un sacré vertige chez le spectateur, parfois même la nausée. Subsiste alors l’idée que pour créer il faut d’abord se nourrir de quelque chose de beau et de divin et que le créateur doit prendre ce précieux aliment à qui peut et veut le donner. Une fois ce sacrifice fait, la Création naît dans toute sa pureté originelle. Mais elle est d’ores et déjà vouée à la souillure. Son inéluctable destin est d’être jetée en pâture à la foule hurlante et rampante qu’est l’Humanité. Et le cycle se répète encore et encore…
Mother !
Réalisé par Darren Aronofsky
Avec Jennifer Lawrence, Javier Bardem, Ed Harris, Michelle Pfeiffer
Paramount Pictures
Disponible en DVD et Bluray
J’ai trouvé la fin très compliquée… du coup, je suis restée sur ma faim/fin alors que j’adore ces deux acteurs principaux de base ! :(
Oui, effectivement rien n’est vraiment simple dans ce film ! J’ai très vite abandonné l’idée de tout comprendre ( lol ) et me suis concentré sur ce que le film m’inspirait. Et là dessus le film fait cogiter et stimule pas mal le spectateur. Pour pas dire qu’il le bouscule allègrement !