Tom vit dans un monde avancé quasi utopique où la technologie assure les besoins matériels des gens. Cela a permis l’essor de l’industrie du divertissement dont le projet de voyage dans le temps de Victor Barren pourrait être, une fois lancé, le fleuron. Malgré son manque de connaissances scientifiques, Tom se voit entraîner dans le projet par son père qui le nomme doublure de Penelope, une femme aussi brillante que déterminée à devenir la première voyageuse dans le temps. Les choses ne se passeront malheureusement pas comme prévu, Tom, déboussolé par un événement traumatisant, prenant la pire décision qu’ait connu l’humanité, ou du moins, la sienne. Le voilà donc maintenant piégé dans notre monde, à notre époque ! Horrible, n’est-ce pas ? C’est ce que notre protagoniste a immédiatement pensé avant de tomber sous le charme de notre réalité, et, surtout, sous les charmes d’une certaine personne. Se posera alors à lui une question : doit-il rester dans un monde où il est aimé, mais qui n’est pas le sien ou rentrer dans son monde où rien ne l’attend si ce n’est la déception dans le regard de son père ?
Étant très peu familière des livres de science-fiction, je dois reconnaître avoir attaqué le roman avec une pointe d’appréhension, m’imaginant déjà devoir m’avaler des lignes de jargons scientifiques avant de m’immerger dans le récit. Ce ne fut heureusement pas le cas, l’auteur entrant directement dans le vif du sujet. Il y a bien sûr quelques explications scientifiques, mais elles ne nous sont pas présentées en un gros pavé indigeste. L’auteur a pris soin de les disséminer dans le roman et de les rendre compréhensibles même par les plus littéraires des lecteurs. Il faut dire que les explications nous sont en général dispensées par Tom qui n’est pas forcément le plus compétent pour nous parler des dessous du voyage dans le temps. Ses explications sont donc à son image : simples et synthétiques. Tom est en effet un peu l’archétype de M. tout-le-monde, voire pour son père, du looser qui ne fait rien de sa vie et qui, à trente-deux ans, se cherche toujours. La vision paternelle de notre protagoniste influence pas mal l’opinion qu’il se fait de lui-même. Cela le pousse d’ailleurs à régulièrement s’auto-déprécier, mais aussi à faire preuve d’auto dérision et d’humour ce qui le rend assez attachant. Bien que je n’ai jamais partagé ses doutes sur le fait ou non de rentrer dans son monde, j’ai compris ses difficultés à quitter un monde où il a enfin une famille pas parfaite, mais avec un père qui ne le dédaigne pas, une mère vivante, une sœur qui n’existe pas dans sa réalité, et une personne qui partage ses sentiments. En d’autres termes, Tom est plutôt un personnage auquel on s’attache et dont on a envie de suivre les aventures sans forcément approuver tous ses choix, certains ne pouvant que porter à controverse.
La fluidité de la plume de l’auteur rend la lecture du roman très agréable, comme coulant de source, et vous invite à vous plonger dans le récit sans vous poser de questions. Si vous aimez les plumes élégantes aux effets de style recherchés, cela ne vous conviendra peut-être pas, mais pour un livre qui aborde le sujet complexe des voyages dans le temps, il est agréable de lire des phrases à la structure simple et rythmée. Et c’est une grosse amoureuse des plumes poétiques qui vous le dit. Le choix de couper le roman en chapitres très courts apporte, en outre, un dynamisme certain au récit, et permet de maintenir éveillée l’attention du lecteur. Il devient alors très difficile de lâcher le roman et de ne pas dévorer ses presque cinq cents pages très (trop) rapidement. Le côté assez addictif de ce livre provient également du suspense inhérent à la question que l’on se pose durant tout le livre : que va décider Tom ? On ne peut que s’interroger sur son choix final même si, finalement, les contours de sa décision se dessinent assez vite. Cela ne nous empêche néanmoins pas de douter jusqu’au bout et de se poser la question de savoir ce que nous, nous ferions dans une telle situation. Suivrions-nous la voix du cœur ou celle de la raison ?
Si, comme vous l’aurez compris, j’ai beaucoup apprécié le roman, ce ne fut pas un coup de cœur pour plusieurs raisons dont les raccourcis ou facilités dans lesquels est tombé l’auteur : une petite amie libraire qui met au tapis des combattantes entraînées, le coup de foudre au premier regard, ou presque, et ceci deux fois (pas un peu cœur d’artichaut notre héros ?), le fils d’un génie qui n’a rien accompli dans sa vie, mais qui se trouve embarqué dans une expérience temporelle de la plus haute importance juste par devoir paternel (pas très crédible au vu de la personnalité dudit génie)…
J’ai également regretté une certaine précipitation dans les derniers chapitres comme si l’auteur voulait conclure rapidement son histoire. Cela tranche pas mal avec le style de narration présent tout au long du livre. Cette coupure a néanmoins le mérite de relancer l’intérêt du lecteur dans la dernière ligne droite du récit. L’enchevêtrement rapide, presque saccadé, des événements met ainsi en exergue leur importance, le lecteur sentant alors immédiatement que le moment de dénouer les fils d’une intrigue complexe est enfin venu. Et il ne peut qu’en être ravi désirant ardemment découvrir comment l’auteur va mettre fin à un suspense et une tension qu’il a subtilement fait croître tout au long du récit.
Quant à la fin, que vous dire, si ce n’est que je l’ai détestée et qu’elle m’a fait râler quelques heures durant. Je vous rassure, cela ne signifie pas qu’elle est mauvaise, mais plutôt qu’elle ne va pas dans le sens que je souhaitais et que je l’ai trouvée, en partie, assez prévisible. Difficile pour moi de vous en dire plus sans prendre le risque de vous spoiler. J’ajouterai donc seulement que si j’ai compris le choix du narrateur, ses vaines arguties n’ont pas réussi à me convaincre d’autant que les dernières lignes du roman tombent bien trop dans la mièvrerie pour moi. Je ne doute toutefois pas que certains trouveront ça beau ou mignon avec un côté « espoir pour l’avenir ».
Je préfère donc garder en tête la réflexion sur l’avenir que nous offre l’auteur à travers son histoire. Une fois la dernière page tournée, on en vient en effet à se dire qu’entre un monde dominé par la technologie et un monde apocalyptique détruit par celle-ci, il existe certainement une troisième voie, celle plus raisonnable d’un monde où les avancées technologiques permettront d’améliorer la vie de chaque habitant de la planète sans jamais prendre le pas sur leur humanité. Ne reste plus qu’à espérer que c’est vers celui-là que nous nous dirigerons.
En conclusion, l’auteur a réussi le tour de force de proposer un roman abordant le thème plutôt difficile et complexe des voyages dans le temps de manière très simple et addictive. Ce mini-exploit à lui seul me pousse à vous conseiller de vous jeter sur Tous nos contretemps que vous soyez amateurs ou non de science-fiction. Cerise sur le gâteau, en ouvrant une réflexion sur des thématiques comme celle du bonheur, l’auteur nous prouve que se divertir peut rimer avec réfléchir. Et vous verrez, que vous réfléchirez beaucoup durant, mais aussi après votre lecture ce qui classe ce roman parmi ceux qui laissent une trace dans sa vie de lecteur. Pas parfait, mais captivant à l’image de son protagoniste, Tous nos contretemps fut donc une excellente surprise.
Tous nos contretemps
Elan Mastai
Bragelonne
18,20€