Voici Force et Destinée, le jeu de rôles Star Wars made in Fantasy Flight et traduit par Edge. J’attendais cet opus avec impatience car des trois sortis (Aux confins de l’Empire, L’Ère de la Rébellion et à venir Le Réveil de la Force), c’est celui dont le thème m’intéressait le plus. Ce qui n’est en aucun cas un jugement de valeur, les deux autres sous gammes semblant fort intéressantes.
Ces version de Star Wars s’appuient sur la mécanique introduite dans la v3 de Warhammer : des dés avec des symboles dédiés. C’est bien là qu’on voit que FFG est un vendeur de jeu de société et rentabilise son savoir-faire en game design mais aussi en marketing…
Les deux premières gammes proposaient de jouer des rebelles ou des contrebandiers, cette fois le jeu propose d’incarner des personnages sensibles à la Force, vingt ans après que l’Empereur a pris le pouvoir et traqué les vestiges des chevaliers Jedi à travers la galaxie.
Bien évidemment, une personne ayant déjà acheté un (ou les deux) précédents jeux retrouvera donc une organisation connue (mais aussi des doublons de règles et de descriptions de compétences).
Le système de jeu s’appuie sur une mécanique simple : caractéristique, compétences, talents. Les valeurs numériques permettront donc de jeter un certain nombre de dé et d’en améliorer une partie.
Il faudra pour cela regarder la caractéristique et la compétence utilisées pour réussir une action. Le plus grand des deux déterminera le nombre de dés à lancer et le plus petit le nombre de dés améliorés. Le choix du game design est donc d’équilibrer l’inné et l’acquis en leur donnant le même poids dans le lancer de dés. Même si une grosse caractéristique sera plus polyvalente. (à noter que les caractéristiques sont bloquées à 5 au maximum à la création et ne dépassera pas 6 plus tard.
Un seul set de dés à 16-17€ est à peine suffisant et il sera probablement nécessaire d’en acquérir un second rapidement (le set ne contient d’ailleurs pas de d10 qui doivent servir pour les dettes de Force ou la détermination des critiques que nous aborderons plus loin). Vu le prix il est possible de se tourner vers des solutions numériques, mais FFG a fait le choix de proposer son petit lancer à 3.79€. Y’a pas de petit profits…
Les différents dés utilisés progressent en face lorsqu’ils sont « améliorés » (ou dégradés, ce qui est l’équivalent pour l’augmentation de difficulté. Les résultats possibles sont donc « réussite, avantage, triomphe » ou au contraire « échec, menace, désastre » pour les dés d’adversité.
Les réussites sont neutralisées par les échecs, sauf pour les triomphes et les désastres qui auront forcément un impact en jeu.
Une telle granularité n’est franchement pas nécessaire et nuit un peu à la lecture directe, principal intérêt des symboles en introduisant un symbole de trop dans la progression. D’autant que le niveau le plus élevé peut être partiellement neutralisé.
Cette mécanique de réussite partielle ou avec complication est déjà introduite depuis longtemps dans divers jeux et permet une narration dynamique et plein de rebondissements ; pour peu que le MJ ou les joueurs sachent improviser (et justement les auteurs ont prévu un coup de main pour les moins aptes, j’en parlerai dans la partie sur les compétences. Malgré mes (petites) réserves, ce système de jeu rempli son office tout à fait honorablement.
Après avoir présenté la mécanique, la création de personnage permet de se faire une idée des alter-égos accessibles aux joueurs et se découpe en différentes étapes logiques à la lecture.
Il convient donc de commencer à déterminer l’historique du personnage pour pouvoir le traduire en termes de jeu. D’où vient-il ? Quelle est sa relation avec la force ? Comment répond-t-il à son appel ?
Puis vient la notion de moralité. C’est LA mécanique dédiée aux Jedis. Dans les films, c’est cette problématique de basculement dans le côté obscur ou de progression vers le côté lumineux (et une possible rédemption) qui donne son sel à la saga. Cette donnée est modélisée par un système assez simple et bien pensé s’appuyant sur une échelle graduée de 1 à 100. Pour 70 ou plus, le personnage est un parangon de la lumière, en dessous de 30 il s’engage vers le côté obscur et repose sur l’utilisation des résultats des dés de force lors de l’activation des talents nécessitant de faire appel à la Force. S’il fait appel à un dé du côté obscur pour réussir une action, le personnage contracte une sorte de dette qui peut avoir un impact sur sa moralité en fin de session de jeu. Les joueurs de Prophecy penseront tout de suite aux « tendances » du jeu.
Chaque joueur détermine une force et une faiblesse émotionnelle pour personnaliser son personnage et lui donner un peu de profondeur lors de l’interprétation.
Lors de cette phase, chacun pourra choisir entre un bonus de points d’expérience, de l’argent ou une modification de sa moralité de départ (normalement fixée à 50). Ce qui traduit en termes ludiques les choix effectués par les personnages lors de leur vie jusqu’à maintenant.
Les espèces jouables proposées dans ce livre sont au nombre de sept. Outre l’aspect physique, cela déterminera aussi les caractéristiques de départ (sur une base de 2 en moyenne, avec une à 1 et une à 3 pour les différencier un peu), ses seuils de blessure et de stress, son expérience de départ (qui permettra d’améliorer le personnage à la fin de la création) et d’éventuels capacités. Sept, est-ce assez ou trop peu ? En tous cas l’éventail proposé permet quand même de couvrir les principales espèces que l’on s’attends à trouver (notamment les Zabrak)
Les carrières proposées sont des familles génériques dans laquelle il faudra choisir une des trois spécialisations (avec des formes de combat au sabre laser). Il sera aussi possibilité de prendre plus tard plusieurs spécialités au sein de la carrière.
Ainsi il sera possible de choisir une carrière de Consulaire, d’Errant, de Gardien, de Guerrier, de Mystique ou de Sentinelle. Puis il faudra se spécialiser. Les joueurs voulant une spécialité très efficace au sabre laser trouvera son bonheur avec un Chevalier shii-cho (pour un Guerrier) ou un Défenseur soresu par exemple.
Cette combinaison permet donc d’avoir 18 « classes » de personnages.
La carrière déterminera les compétences de base alors que les spécialités proposeront des arborescences regroupant les talents accessibles selon une règle de continuité. Les premiers talents accessibles sont ceux en haut du tableau et les prochains disponibles seront des talents liés à ceux qui déjà acquis.
Une dernière phase permet de finaliser son personnage en dépensant des « points libres » sous forme d’expérience (déterminée par l’espèce et le choix réalisé lors de l’étrape de détermination de la Moralité) et de lui choisir une motivation (ambition, cause ou foi), elle-même subdivisée en 10, ce qui fait pas moins de 30 leviers différents pour typer son personnage.
Une fois le personnage crée (les dernières étapes étant l’apparence et le matériel) il est important de déterminer la raison de son appartenance au groupe. Cette rapide partie permet donc de souder le groupe autour d’un mentor, d’un vaisseau ou d’un holocron.
Puis vient la description des compétences (classées en 3 catégories elles-mêmes organisées par ordre alphabétique). Ainsi on trouve les compétences générales, celles de combat pour finir avec les connaissance (là encore on est dans le classique). Décrites par le menu, on imagine facilement les redites avec les deux autres jeux. La vraie bonne idée est plutôt dans l’aide pour les joueurs (et MJ) mal à l’aise avec l’improvisation, car chacun s’accompagne d’des exemples pour les différents niveaux de réussite ou d’échec.
La même chose est faite avec les talents. Leur application est plus restreinte que celle des compétences, mais leur effet est plus puissant. Certains talents relèvent de la force (à ne pas confondre avec des pouvoirs de la Force qui ne sont pas accessibles à la création, bien que les joueurs possèdent un score de Force de 1), mais ils nécessitent tous une description car ils s’appliquent dans des conditions particulières, certains ont des niveaux cumulables alors que d’autres ne se développent pas.
Le matériel est classique et relatif à l’univers Star Wars, typé par des mots clefs qui permettent d’obtenir des effets en jeu. Du classique, mais efficace comme j’aime. Avec forcément un petit choix de sabres lasers utilisables selon les différentes formes de combat proposées dans les arborescences des spécialités de carrières.
On y trouve aussi la cybernétique, avec un traitement simple et surtout qui ne risque pas de vous faire basculer vers le côté obscur comme dans l’édition D6. Cette partie s’accompagne des règles de personnalisation du matériel et surtout… d’une belle liste de cristaux pour sabre lasers histoire de se construire une version sur mesure tel Luke dans le retour du Jedi.
Puis vient le corpus pour gérer « l’opposition » sous différentes formes. La gestion de l’initiative, du combat (à distance, distance contre corps à corps, corps à corps, au sol, etc.), les blessures (Physiques ou mentales), les coups critiques (à déterminer sur une table avec un d100 et des modificateurs) et les soins qui permettront de se remettre (avec la classique cuve à bacta mais aussi certains spécifiques aux droïdes)
Un chapitre sur les véhicules (vaisseaux compris) présente la mécanique dédiée à cet aspect du jeu. Caractéristiques, armement, mode de déplacement, rapport d’échelle, manœuvres et actions spécifiques, des exemples de niveaux de réussite particuliers. Sont aussi décrits des phénomènes spatiaux et surtout une belle liste de vaisseaux sont proposés avec leurs illustrations. Les règles sur les combats de santé et dommages terminent cette partie.
Arrive ensuite… le chapitre sur la Force ! Cette partie décline sur une trentaine de page une présentation de la Force, sa nature et sa dualité et les voies qui en découlent (pouvoirs du corps, de manipulation et de l’esprit). La mécanique de jeu des talents et pouvoirs de la Force est cohérent avec les règles précédemment abordées et un petit encart précise le lien avec les autres livres de base de la gamme. Comme pour les spécialités de carrières, les pouvoirs de la force se présentent sous forme d’arborescence (Déplacement, Détection, Guérison/Blessure, Influence, Méditation de bataille, Mystification, Prédiction, Protection/Déchaînement, Renforcement, Saisie et Trouvaille). Chaque pouvoir est présenté dans sa forme de base puis les améliorations possibles sont détaillées.
La partie à l’intention des maîtres du jeu donne des conseils et des exemples pour une bonne prise en main du Jeu de Rôles et spécifiquement Star Wars. Doublement classique pour le coup. Star Wars étant entré dans la culture commune. Pour moi la meilleure partie de cette section est celle des « règles et options pour le maître du jeu » qui rentre plus en profondeur dans la mécanique de la moralité et permet d’émuler le dilemme de toute personne sensible à la Force : le tiraillement entre le côté obscur et le côté lumineux. Impliquer le personnage, utiliser ses motivations, jouer sur ses peurs pour permettre au joueur de profiter au mieux des occasions d’interpréter son personnage.
Les quatre dernières parties servent à planter le décor pour lui faire prendre vie :
Une description de l’univers et de la mainmise de l’empire sur la galaxie, des différentes factions de la galaxie (Alliance Rebelle et Hutt par exemple), de la géographie (carte à l’appui) avec ses différentes zones (noyau, colonies, bordures, etc.). C’est aussi là que sont abordés les secrets enfouis de la force (espace Sith, temples perdus, sites notables). De jolies fiches présentent 8 planètes.
L’histoire des Siths et des Jedis est développée sur une vingtaine de pages et se termine par trois autres traditions de la Force et des artefacts.
Les trois types d’adversaires sont détaillés (sbires, rivaux et némésis) ont droit à des profils numériques pour pouvoir les confronter à nos futurs héros et bénéficient de règles spéciales le cas échéant.
La gamme anglaise propose déjà des suppléments dédiés à cette gamme ainsi que des sets de jeux de cartes par spécialité pour que les joueurs puissent s’approprier leur personnage (et aussi augmenter ses bénéfices sur le jeu pour FFG). Il y a fort à parier que les équipes Edge soient à pied d’œuvre pour le suivi.
La dernière partie propose donc de mettre en application le présent livre dans une aventure qui peut faire suite au kit d’initiation à Force et Destinée. Les personnages se lanceront à la recherche d’artefacts. La petite partie « impliquer les personnages » est bien venue et évite le classique « vous êtes dans une cantina ». La mise en page aide la prise en main par le MJ (notamment par l’intermédiaire de paragraphes à lire pour les plus timides » et le scénario bien que classique remplit son office plutôt correctement.
Pour conclure, « l’objet livre » on est en gros à 60€, mais honnêtement vu le travail d’édition sur l’ouvrage il les vaut largement. C’est un très bel objet avec son verni sélectif et ses illustrations à la fois très réussies et évocatrices (certaines pleines pages sont à tomber, une véritable réussite en terme d’immersion), l’organisation est claire, la maquette réussie. De rares coquilles ne gênent pas la lecture. Le style est un peu répétitif (probablement dû à la structure américaine des phrases), mais cela a le mérite de la clarté pour le lecteur.
Si vous êtes fans des Jedi, foncez sur ce jeu. Si vous êtes fans de Star Wars mais que vous avez déjà les autres jeux, il est fort probable que vous y veniez pour peu que vous ayez le budget.
À titre personnel, je trouve logique qu’un éditeur veuille faire de l’argent (c’est sa fonction en tant qu’entreprise), il ne faudrait pas que cela impacte par contre la qualité de la mécanique en l’alourdissant pour vendre des dés. Malgré cette remarque, je suis déjà en train de faire créer des personnages à mes futurs joueurs et j’ai hâte de jouer :D