Entretien avec Man, guitariste de Derealized

derealized-2J’ai beaucoup apprécié le premier album de Derealized, intitulé Isolation Poetry, et donc je ne pouvais pas ne pas les interviewer. Un petit entretien par écran interposé, où Man nous démontre qu’en plus de produire de la bonne musique les nouveaux groupes français sont également fort sympathique et savent ce qu’ils veulent !

eMaginarock : Bonjour, et merci de prendre quelques minutes pour répondre à ces quelques questions. Pourrais-tu tout d’abord te présenter et nous expliquer comment tu en es venu à la musique, et plus particulièrement au métal ?

Man : Hello et merci à vous pour cette tribune. Je suis Pierre-Emmanuel « Man » Fischer, guitariste et principal compositeur pour Derealized.

J’ai commencé la musique par le clavier vers 11 ans. Une professeur de musique, au collège, a réussi à me captiver en faisant découvrir à notre classe les grands compositeurs classique. J’ai alors dévoré Vivaldi, Bach, Beethoven ou encore Chopin.

J’ai ensuite découvert Nirvana, et j’ai été immédiatement fasciné par leur batteur (Dave Grohl). J’ai alors commencé la batterie, vers 14 ans si mes souvenirs sont exacts. Je jouais avec un de mes cousins en groupe et je prenais sa guitare régulièrement pendant les « pauses clopes ». Le nouvel an de l’année 2000 j’ai fait la rencontre d’un guitariste qui aura changé ma vie. Si je joue de la guitare aujourd’hui, la décision s’est faite ce soir là. J’ai découvert alors Joe Satriani, Megadeth, Dream Theater. Je venais d’un background plus rock, du progressif de mon enfance avec Genesis, Jethro Tull, Yes ou Pink Floyd, à la musique de mon adolescence, Our lady peace, Korn, Limp Bizkit, Silverchair…etc, et j’ignorais qu’il était possible de faire autant de choses avec une guitare. J’ai alors commencé à travailler jusqu’à 12h par jour ce qui deviendra mon instrument de prédilection.

J’écoute énormément de musique : Chelsea Wolfe, Steven Wilson, Tool, Anata, Amon Tobin, Opeth, Solar Fields, Debussy, Allan Holdsworth, Riverside, Between the buried and me, Cynic…etc. Peu importe le style, si ce que j’entends me touche, il devient une part de ma culture et je m’en nourris. J’écoute toujours les noms que je t’ai cité précédemment. Je vois la culture comme quelque chose de cumulatif, pas d’exclusif.

J’ai depuis ouvert une école de musique moderne où je suis professeur et j’essaie de faire découvrir à mes élèves ce que peut apporter la musique et la culture dans son ensemble, à savoir un moyen de se transcender, de partager et de communier.

eMr. : Tu es membre du groupe Derealized. Pourrais-tu nous expliquer d’où viennent à la fois ce nom ? A-t-il une signification particulière pour les membres du groupe ?

Man : Le nom « Derealized » fait référence au phénomène psychologique de déréalisation, qui est un mécanisme de protection du cerveau. Le monde extérieur semble alors irréel, comme si le malade était spectateur de sa propre vie. Myriam en a souffert suite à un traumatisme important il y a quelques années. Lorsqu’elle a proposé le nom pour le groupe, cela nous a semblé pertinent et cohérent avec le contenu musical véhiculé.

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eMr. : L’album Isolation Poetry vient de sortir. Comment pourrais-tu le définir ?

Man : D’après un ami, nous faisons du « death progressif organique teinté de black metal ». Cela résume assez bien ce que peut être Derealized. Isolation Poetry a été pensé comme un ensemble posant les fondations du groupe autant que comme la promesse d’une vision artistique sur un plus long terme. Bien que ce ne soit pas un concept album, celui ci a une narration interne, des cycles, des thèmes…etc. Nous avons vraiment essayé de créer un premier album intense, personnel et immersif, avec toute notre honnêteté, sans faire ni compromis ni concession.

eMr. : Quelles sont les influences, tant musicales que littéraires, du groupe ?

Man : Nos influences sont très variées, et tout ne se retrouve pas de façon si évidente dans la musique du groupe. Nous avons tous un background très différent les uns des autres (avec des ponts communs bien entendu) et je pense que c’est ce qui fait la sonorité du groupe. J’écris majoritairement la musique et les textes pour le groupe. Lorsque chacun doit interpréter sa partie, il inclus avec lui son passif culturel et chacun s’approprie la musique pour la porter avec la personnalité qui lui est propre. Myriam écoute majoritairement du black metal : Opera IX, MkM d’Aosoth / Antaeus ou Wrath de Setherial font partie de ses influences. Mat et moi écoutons des choses extrêmement variées, notamment beaucoup de musique progressive. Victorien, quant à lui, verse plutôt dans le death metal / death technique.

Côté influences littéraires, comme je t’ai dit en début d’interview, je vois la culture comme quelque chose de cumulatif, chaque œuvre qui m’a touché se retrouve quelque part sur ce disque, de façon consciente ou non. Pour ma part je citerais Boris Vian, René Barjavel, H.P. Lovecraft, Charles Baudelaire, Isaac Asimov ou encore Dan Simmons au titre des influences littéraires.

eMr. : Comment s’est passée l’écriture de cet album ? Qui a écrit la musique et qui s’est chargé des paroles ?

Man : Il semblerait que j’ai partiellement anticipé la question ! Le processus d’écriture est toujours le même : j’ai une idée, une histoire à raconter. Je m’isole alors pour jouer de la guitare jusqu’à ce que je trouve le « fil d’Ariane ». Je pose ensuite les premières parties de batterie et je commence à « peindre » les différentes couches qui constituerons une fois assemblées la narration globale. Chaque partie doit légitimer la précédente, préparer à la suivante, et raconter quelque chose d’utile à la résolution du morceau. Si je coince à une étape, je peux fort heureusement compter sur Myriam ou Mat pour apporter leurs idées. Quant aux textes, j’en suis majoritairement responsable. Myriam a écrit l’intégralité du texte de « Torment’s work » et m’a épaulé sur d’autres titres. Ce n’est jamais aisé dans la mesure où les lignes de chant sont souvent écrites avant les textes. Cela génère autant un cadre qu’une contrainte, l’effort de style est compliqué mais très stimulant !

eMr. : La cover de l’album est très réussie, mais ne représente pas, à mon sens, toute la rage qui se dégage de la musique. Qui l’a réalisée et comment s’est passé le travail avec cet artiste ? Etait-ce une volonté de proposer quelque chose de plus calme visuellement ?

Man : La cover est le travail de Sylvain Lucchina de Razorimages (Ola Englund, Feared, Randall…), basée sur un concept que j’avais en tête depuis des années. Il a réussi à matérialiser cette image et à la porter à un stade supérieur. Je suis immensément fier d’avoir eu la chance de travailler avec un tel artiste.

La cover a plusieurs sens de lecture : le personnage central pourrait être une « idée ». Celle ci tend la main, on ignore si elle nous invite à entrer dans quelque chose de plus grand (la transcendance, l’arbre) ou si elle demande à en sortir pour commencer à vivre de façon autonome. Le masque de cerf, qui lui couvre le visage et empêche de deviner son intention, est le reflet du caractère immortel de l’idée. Une fois née, elle peut survivre à son créateur, muer au contact des hôtes qui la portent…etc.

C’est en ce sens je pense que la pochette est très réussie : elle fédère sur le « beau » et pour autant, chacun peut y trouver son interprétation et se l’approprier.

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eMr. : Une première vidéo, autour de Torment Work, est sortie, annonçant l’album. Y a-t-il un clip de prévu ?

Man : C’est une idée que nous avons en tête depuis un moment, mais rien n’est prévu actuellement. Si cela se fait, le clip devra être une extension à l’univers du groupe et avoir un cachet artistique. Je peux comprendre l’intérêt de faire un clip pour avoir un support promotionnel, les réseaux sociaux sont des vecteurs d’audience importants de nos jours, mais je voudrais vraiment que ce soit quelque chose d’intéressant au delà même de son seul contenu musical, au même titre que le visuel de l’album.

eMr. : Y a-t-il des choses spéciales prévues pour les prestations scéniques du groupe ?

Man : On y travaille beaucoup et on y réfléchit… Je pense que nous ferons quelque chose de sobre avec une mise en scène discrète. Mat et moi sommes allé voir Opeth dernièrement, c’est un bon exemple de prestation sobre et ultra vivante. Un bon modèle à suivre.

eMr. : Et tant qu’on parle de date, quand pourra-t-on découvrir Derealized sur scène ?

Man : Nous devrions avoir des dates en local dès fin janvier. Il est un peu tôt pour en parler. Avec le support de notre label, FINISTERIAN DEAD END, nous allons démarcher quelques festivals pour l’an prochain. Nous travaillons dur pour vous proposer le meilleur de nous mêmes sur scène et partager ces instants privilégiés avec le public.

eMr. : Pourrais-tu, en cinq mots, nous dire pourquoi les lecteurs de eMaginarock devraient absolument jeter une oreille sur Isolation Poetry ?

Man : Passionné, beau, noir, organique… violent ?

eMr. : Quel est ton pire souvenir en temps que musicien, sur scène ?

Man : Je ne crois pas en avoir, vraiment. Chaque expérience, bonne ou « mauvaise » est enrichissante. Personnellement, j’ai un rapport étrange à la scène. Il y fait chaud, le son est trop fort et il y a beaucoup de monde dans un petit espace : tout ce que je déteste. Et pourtant, sur scène, j’exulte, je donne tout pour transmettre ma passion aux personnes dans la salle et j’y prend beaucoup de plaisir !

eMr. : Comment se passe, pour toi, la gestion entre vie personnelle, professionnelle et musicale ? Ce n’est pas trop compliqué ?

Man : Pas vraiment ! Les choses s’imbriquent et « tuilent » les unes avec les autres, je me sens extrêmement privilégié d’avoir une vie qui permette à cette possessive et exclusive maîtresse qu’est la musique de me dévorer pleinement ! Entre Derealized, que je partage avec plaisir avec ma femme Myriam, les cours de musique au quotidien, la production de groupes, mes interventions en tant que musicien de session, mes multiples projets…etc, je suis bien occupé ! Cela nécessite un peu d’organisation parfois, mais il suffit de prendre le temps perdu à la télévision ou à des distractions non essentielles pour trouver le temps de faire les choses, sans négliger de se ressourcer régulièrement. Les balades dans la nature avec Amadeus, notre labrador, là est notre secret ! (rires)

eMr. : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, et je vous souhaite toute la réussite possible avec cet album.

Man : Merci à vous pour cette interview, longue vie à eMaginarock et ne manquez pas les concerts en 2017 !

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