Entretien avec Oren Miller, auteur de J’agonise fort bien, merci.

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eMaginarock.fr : Bonjour Oren, et merci de répondre à mes questions. Avant de parler de ton dernier roman, peux-tu tout d’abord te présenter pour nos lecteurs qui ne te connaissent pas ?

Oren Miller : Bonjour à toi ainsi qu’à tous les lecteurs de eMaginarock. Merci pour cette interview. Je suis donc écrivain chez l’Homme sans nom depuis deux ans maintenant. J’ai un profil de juriste, j’enseigne d’ailleurs certaines matières du droit, et je suis originaire de la belle ville de Lyon. J’ai sorti un premier roman l’année dernière qui s’appelle Le Roi sombre, bien que j’écrive depuis maintenant quelques années dans des revues ou sur le Net et qu’il s’agisse en fait de mon quatrième roman.

M.net : Ton dernier roman, J’agonise fort bien, merci., viens juste de sortir. Peux-tu nous le pitcher un peu, que les lecteurs sachent de quoi il parle ?

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O.M. : Pitchons un peu, avec grand plaisir ! J’agonise fort bien, merci. est un roman policier dans la lignée des enquêtes de Sherlock Holmes ou d’Hercule Poirot. L’intrigue plonge le lecteur dans la Bretagne des années cinquante, dans une petite ville dénommée Sainte-Marie-La-Grise, coincée entre Saint-Malo et Dinard pour être précise. Le roman s’ouvre sur la mort très étrange d’une riche excentrique, mort si étrange qu’un duo d’enquêteurs va se former pour enquêter. Un notaire parisien prestigieux à la réputation sulfureuse d’un côté, et un jeune garçon un peu sorti du ruisseau qui va lui servir de commis local de l’autre. Très vite, ils vont être les témoins de phénomènes de plus en plus inexpliqués et de morts de plus en plus étranges qui vont les entraîner ainsi que le lecteur dans la mythologie et le folklore bretons des lavandières de nuit, des fées des houles, des dames blanches, etc. Le lecteur va donc être confronté à une galerie de personnages de la haute société dinardaise et de Sainte-Marie, tous plus suspects les uns que les autres ; à charge pour lui d’y faire son marché lorsqu’il ira à la pêche au meurtrier.

M.net : Je sais de source sûre que le bouclage de ce roman a été un véritable marathon, mais d’où t’est venue l’idée de départ ?

O.M. : Là, vous ne me voyez pas, bien sûr, mais je ris très nerveusement, un reste d’hystérie d’avant bouclage, je pense. Bref, l’idée m’est venue de deux envies qui à un moment se sont croisées. D’abord, il y a deux ans, je suis allée en Bretagne sur la côte d’Émeraude et je suis tombée littéralement amoureuse de Saint-Malo et de Dinard. Particulièrement de deux lieux dont je fais mention dans mon récit : la pointe du Groin, d’une part, et la pointe de Malouine, d’autre part, où se trouvent les Roches-Brunes, l’une des plus belles propriétés de la région et qui a une place très importante dans le roman. À l’époque, j’avais dit aux personnes qui m’accompagnaient qu’un jour j’écrirais un livre qui prendrait place dans ce lieu. Ensuite, l’autre envie est que depuis toujours je souhaite écrire des polars. Je suis une très grande fan d’Agatha Christie et de Conan Doyle. Jusque-là, je ne m’en sentais pas encore capable. Je pense que je n’étais pas assez confiante dans la maîtrise de mon style. Je ne le suis toujours pas, mais à un moment je me suis lancée. J’agonise est le fruit de ces deux envies mélangées.

M.net : Comment écris-tu ? Quel est ton processus créatif derrière chacun de tes romans ?

O.M. : La panique, l’angoisse et l’alcool. Non, plaisanterie mise à part, je suis le genre d’écrivain qui donne le meilleur de lui-même quand il se sent sous pression, voire acculé. Ce qui est extrêmement difficile à gérer pour mon éditeur qui du coup doit concilier ma non-productivité à un moment et mon hyper-productivité à un autre.

Pour être plus précise, je dirais que mon processus créatif est double. Il y a à la base cette étincelle créatrice qui me prend la plupart du temps en plein milieu de la nuit et que je ne saurais expliquer parce qu’elle vient du plus profond de moi, et il y a ensuite un travail méthodique très poussé. On n’écrit pas un roman, particulièrement un polar dont la technique d’écriture est extrêmement compliquée et codée, sans avoir une solide méthode de travail. En effet, le travail d’écrivain n’est pas aussi glamour et intuitif qu’on peut le croire, c’est beaucoup de plans, de fiches, de schémas, etc. Ce qui importe à mon sens dans le processus créatif, quelle que soit la technique utilisée par l’auteur, c’est de nourrir cette étincelle créatrice qui fait de l’écriture un art, et qui crée ce maelstrom d’idées qui va aboutir à une histoire. Et, pour le nourrir, il faut absolument rester ouvert et connecté au monde.

M.net : Le titre est particulièrement surprenant et heurte de prime abord en poussant à la curiosité. L’as-tu défini, ou bien est-ce un choix éditorial ?

O.M. : J’ai beaucoup de chance, j’ai un éditeur qui me laisse très libre de participer au choix de la couverture, de la quatrième de couverture et du titre. Je considère cet échange comme une grande marque de confiance. C’est important pour moi de disposer, sinon du contrôle, au moins d’une consultation sur ce qui va être le premier contact avec le lecteur, à savoir la couverture et le titre. Il est important que ce contact soit vrai. Ce que le lecteur voit de la couverture, de la quatrième de couverture ou du titre, c’est moi. C’est ce qu’il trouvera dans le livre, je ne triche pas et je ne lui vends pas quelque chose qui est différent du ton du roman. C’est essentiel que le lecteur puisse décider de lire tel ou tel roman en toute connaissance de cause. Dans cette optique, le choix du titre était très représentatif de ce que je voulais pour le roman, c’est un clin d’œil à mon style décalé, et aussi, je ne le cache pas, à ce que j’ai un peu ressenti en écrivant ce livre. Heureusement pour moi, mon éditeur m’a suivie sur ma proposition, bien que ce soit forcément un choix risqué puisque le titre est très connoté et, comme tu le dis justement, il « heurte de prime abord ».

M.net : Tu en es déjà à ta deuxième parution romanesque. Comment vis-tu ces moments où tu as ton roman qui sort et va rencontrer finalement son public ?

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O.M. : À chaque fois excessivement difficilement, et en même temps je ne renoncerais à ça pour rien au monde. Je suis partagée entre l’excitation du retour du public et l’angoisse que mon roman ne touche pas les lecteurs de la façon dont je voudrais qu’il les touche. Il n’y a rien de plus solitaire que le travail d’un écrivain. Le seul moment où on a une interaction, c’est quand on a le retour du lecteur. Or, quand on est un auteur comme moi, par nature angoissé et obsessionnel, ce moment où tu lâches ta création qui a occupé toutes tes pensées pendant des mois est extrêmement délicat. Il faut accepter que le roman t’échappe et vive sa vie sans que tu n’aies plus aucun contrôle. Mon travail s’arrête au mot « fin ». Cette perte de contrôle qui suit un long moment où le roman est ta chose exclusive est une étape très dure. Et, en même temps, c’est précisément pour ce moment-là que j’écris. J’ai toujours écrit pour communiquer, c’est mon lien avec le monde et avec les autres, mon mode naturel de communication.

M.net : Et justement, quels ont été les premiers avis du public ? Comment les as-tu vécus ?

O.M. : Jusque-là, je touche du bois, j’ai énormément de chance. J’ai des lecteurs formidables qui me sont fidèles et qui s’expriment de façon très enthousiaste. Je commence juste à avoir des retours sur J’agonise, puisque le livre est sorti pour le salon du livre il y a une semaine, et ils sont excellents. Ces avis sont particulièrement importants pour moi concernant ce roman, puisque c’est la première fois que je me frotte au genre du polar.

M.net : Parlons quelques minutes de la couverture d’Emile Denis, que je trouve pour le coup sublime. D’ailleurs, le personnage mis en avant en haut te ressemble plus que clairement. As-tu travaillé avec l’illustrateur ? Cela correspond-il à la vision que tu avais de la couverture de ce roman ?

O.M. : En fait, beaucoup de personnes m’ont fait la remarque de la ressemblance avec le personnage de l’illustration. C’est complètement fortuit, en fait. Au départ, Émile s’est inspiré d’une actrice autrement plus jolie et, donc, je ne vais pas mentir, je suis très flattée quand on fait la comparaison à mon avantage, même si ce n’était pas voulu. Je pense que mon style rétro participe beaucoup à cette ressemblance.

Sur la question de la collaboration et du travail de création de cette illustration, mon éditeur permet à ses auteurs une mise en relation directe avec l’illustrateur. Comme par ailleurs je dessine un peu, en amateur, j’ai souvent une idée très précise de ce que je veux pour la couverture. La chance que j’ai, c’est qu’Émile Denis, outre le fait qu’il a un talent remarquable, est très à l’écoute de la commande. J’apprécie le fait que la couverture soit vraiment le fruit d’une collaboration entre auteur et écrivain. Si la couverture ne plaît pas, je ne peux pas me défausser sur l’illustrateur. J’aime l’idée de pouvoir assumer le choix de la couverture, sinon j’aurais bien du mal à défendre mon livre si ce que je vois sur la couverture et qui est la première chose que voit aussi le lecteur ne ressemble pas à ce qu’il y a dans le roman ni à ce que j’ai voulu retranscrire.

M.net : Entre tes deux romans, tu passes de la science-fiction (Le Roi sombre) au polar teinté de fantastique. Est-ce une volonté de ta part de ne pas te faire assimiler à un seul genre, ou bien laisses-tu voguer ton imaginaire ?

O.M. : Les deux, clairement. En fait, le non-choix de genre me ressemble. Je ne suis pas quelqu’un qui aime les cases, les tendances ou les règles. J’ai un vrai problème avec la notion de limites. Pour l’anecdote, j’ai écris Le Roi sombre parce qu’un jour on m’a dit que j’écrivais « comme une fille ». Alors j’ai décidé de me lancer dans le genre SF, le genre où, en terme de représentation en France, il y a le moins d’auteures. Je vais là où me porte mon imagination et mes pulsions. Je considère qu’il n’y a pas un genre meilleur qu’un autre. Il y a parfois de mauvaises histoires, mais jamais de mauvais genres. Donc, chaque fois que je me lance dans un roman, la seule question que je me pose c’est « Quelle histoire j’ai envie de raconter ? », parce que c’est précisément ce que je suis : une conteuse. Donc si un jour j’ai envie de parler de magie, alors il y aura de la magie, si un autre je veux qu’il y ait des avocats fiscalistes, alors il y aura des avocats fiscalistes. Maintenant, pour avoir testé beaucoup de genres, j’ai clairement mes préférences. Même si c’est celui qui me fait le plus transpirer, je pense que, tout au fond de moi, je suis un auteur de polar. C’est ce qui m’amuse et me passionne le plus, c’est ce vers quoi mon esprit me porte naturellement quand je réfléchis à un pitch. Maintenant que j’ai passé le cap de l’écriture d’un polar, je pense que mes lecteurs vont me retrouver souvent dans ce genre, d’autant que j’ai pensé J’agonise fort bien, merci. comme une ouverture sur un univers de polar plus vaste dans lequel peuvent prendre place de nombreuses intrigues et de nombreux personnages.

M.net : Quelles seront tes prochaines séances de dédicace ? As-tu déjà des salons de prévus ?

O.M. : Oui, dans les prochaines semaines et mois, je serai présente à Paris pour la Paris Comics Expo, puis le salon des Imaginales à Épinal, et enfin Japan expo.

M.net : Et, pour finir, as-tu des conseils pour les auteurs en herbe qui peinent à éditer ?

O.M. : Ne laissez jamais personne vous dire que vous n’êtes pas un écrivain. Prenez tous les conseils, même ceux qui font mal, acceptez la critique, utilisez-la, endurcissez-vous, mais, quoi qu’il arrive, si écrire un besoin viscéral, ne laissez personne vous dire que vous n’avez pas votre place ou que votre genre n’est pas le bon. Persévérez, luttez, travaillez, écrivez. Ça fait un peu slogan de parti révolutionnaire, mais c’est ce que je retire de mon expérience.

M.net : Merci Oren pour tes réponses, et à très vite !

O.M. : Merci surtout à toi pour me donner la possibilité de parler un peu d’écriture.

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