ActuSF a pour habitude de nous surprendre avec des romans qui sortent du sérail habituel de l’Imaginaire français. Eh bien c’est de nouveau le cas avec Jean-Laurent Del Socorro qui nous invite à un voyage au coeur des guerres de religion, enfin des guerres de religion fantasmées, bien que pourtant totalement réalistes… Entrez avec moi dans un univers surprenant où la magie va venir côtoyer les épées et les vengeances, pour le plus grand plaisir du lecteur.
La couverture de ce titre est tout bonnement sublime. Signée Milek Jakubiec, elle nous montre le personnage de Gabriel, ce vieux chevalier désabusé qui va tenter d’accomplir son destin. Une franche réussite qui est encore mise en valeur par la quatrième de couverture :
1596. Deux ans avant l’édit de Nantes qui met fin aux guerres de Religion, Marseille la catholique s’oppose à Henri IV, l’ancien protestant. Une rébellion, une indépendance que ne peut tolérer le roi.
À La Roue de Fortune se croisent des passés que l’on cherche à fuir et des avenirs incertains : un chevalier usé et reconverti, une vieille femme qui dirige la guilde des assassins, un couple de magiciens amoureux et en fuite, et la patronne, ancienne mercenaire qui s’essaie à un métier sans arme.
Les pions sont en place.
Le mistral se lève.
La pièce peut commencer.
Placé entre l’Histoire et la fantasy, ce premier roman de Jean-Laurent Del Socorro est époustouflant de maîtrise et d’érudition.
Je suis féru d’histoire, et plus particulièrement d’histoire moderne, depuis des années et c’est donc avec un certain stress que j’ai approché ce roman au départ. En effet l’uchronie est le meilleur moyen pour un auteur de commettre des boulettes qui rendent le roman indigeste pour la personne qui s’en aperçoit. Eh bien je vous rassure je n’ai rien relevé dans ce roman qui soit de ce type, au contraire. Jean-Laurent Del Socorro nous invite à un voyage au sein d’une Marseille de la fin du XVIe siècle, à travers un passage relativement peu connu de l’histoire de France : la République catholique de Marseille, rapidement écrasée par Henri IV. Au fil des pages le lecteur va se rendre compte également que ce sont les dernières heures de cette république qu’il vit, au travers des yeux de quatre personnages aussi différents que possible, et pourtant terriblement proches dans l’accomplissement de leur destin. Qu’il s’agisse de Gabriel le chevalier, d’Axelle l’ancienne mercenaire, de Victoire l’énigmatique, ou encore Armand l’Artbonnier, chacun se révèle sous les yeux du lecteur alors que Marseille va s’effondrer.
Et justement les personnages sont ce qui rend ce roman plus intéressant. Chacun d’entre eux arrive à la Roue de la Fortune, l’auberge gérée de main de maîtresse par Axelle, avec son passé dans ses bagages, avec ses prouesses et ses fêlures. Et chacune d’entre elle est détaillée par l’auteur dans une suite de courts chapitres, très nerveux, qui nous dressent un tableau précis de chacun avant le dénouement final qui va en étonner plus d’un. Jean-Laurent Del Sicorro crée ses personnages avec une maîtrise impressionnante pour quelqu’un dont il s’agit du premier roman. Chacun d’eux est crédible jusque dans ses moindres détails. Le travail de création est proprement impressionnant.
La nouvelle ajoutée à la fin de l’ouvrage, Gaby sans aime, revient sur un des personnages du roman, Gabin, le commis de l’auberge de La Roue de la Fortune. Texte plutôt intéressant qui vient conclure un ouvrage ma foi particulièrement passionnant.
Revenons quelques instants sur le découpage que l’auteur fait de son roman : il le construit de manière très nerveuse, avec des chapitres courts qui se lisent d’une traite tant ils sont bien rythmés. On sent en cela l’auteur habitué aux nouvelles qui peint sa fresque par petites touches brèves et colorées pour que celle-ci nous donne des vertiges une fois conclue.
La plume de Jean-Laurent Del Sicorro est vraiment agréable à lire, fluide et pourtant extrêmement pointue, proche de celle d’un autre auteur de fantasy historique dont j’adore les écrits (et je ne suis pas le seul) : Jean-Philippe Jaworski. Leurs deux univers bien qu’éloignés peuvent se rejoindre du fait du traitement qu’ils font de l’histoire, la rendant vivante et fantastique aux yeux du lecteur…
Une nouvelle fois les éditions ActuSF nous ont dégoté une petite pépite digne du plus grand des succès. Jean-Laurent Del Socorro est un nouvel auteur à suivre mais même s’il savoue lui-même plus à l’aise sur les formats courts, ne devrait pas manquer de nous régaler prochainement de nouvelles aventures magnifiques et terribles…
Royaume de vent et de colère
Jean-Laurent Del Socorro
ActuSF
18 €