Fort du succès de la saga Les Hauts Conteurs, Patrick Mc Spare s’est lancé seul dans une nouvelle série d’aventure, celle des Héritiers de l’Aube… Les éditions Scrineo sont une fois encore de la partie.
Alex n’aurait jamais cru que sa petite escapade audacieuse lui vaudrait de frôler la mort, Laure ne pensait pas que son groupe de voleurs et elle tomberaient dans un piège avant de se faire tirer comme des lapins par les gens d’armes et Tom était certain de finir massacré comme les autres gamins de l’East End. Mais tous les trois, bien que vivant à des époques différentes, ont eu la vie sauve in extremis grâce à l’intervention de deux spectres. Aelric et Fulbert, deux morts-vivants sortis de leur tombe par la magie de Merlin, ont traversé les sphères de temps pour trouver ces jeunes gens et leur délivrer le message du magicien. Tous trois sont les héritiers des Primo-Sorciers qui ont autrefois combattu les forces maléfiques incarnées par la race des Fomoré. Et aujourd’hui, Merlin a besoin qu’ils acceptent une mission, celle de retrouver la Pierre d’Emeraude, source d’un pouvoir infini, avant le plus puissant des Fomoré, Hermès. Le marché n’est pas très égal et les trois jeunes gens se laissent donc entraîner à une époque qui les réunit tous car la Pierre d’Emeraude s’y cache. Voilà donc une voleuse française du XVIIIe siècle, un garçon anglais du XIXe siècle et un jeune Australien du XXIe siècle plongés jusqu’au cou dans une France aux prises avec la guerre de Cent Ans. Leurs dons encore endormis seront-ils suffisants pour les garder saufs ? Et comment sauront-ils où trouver la fameuse pierre ?
Un premier tome qui laisse une impression mitigée.
Bien que le parti pris de départ du voyage dans le temps soit peu original, il s’étoffe de par l’implication de trois héros d’âges et d’époques différents, plongés au cœur d’une période historique qu’aucun des trois ne connaît ou alors uniquement de manière théorique. Les raccourcis mis en place pour expliquer comment ils se reconnaissent, se comprennent entre eux et se débrouillent pour survivre jusque dans les pires situations sont assez habiles, la magie expliquant tout ou presque. Ainsi, et même si cela paraît simpliste pour le lecteur aguerri de fantastique, le public jeunesse visé n’est pas égaré dans des explications à n’en plus finir qui plomberaient le récit. Car l’accent est mis sur deux choses : l’action et la lutte des Héritiers contre les Fomoré.
Si l’action bat son plein avec efficacité, la question de la lutte ancestrale des Primo-Sorciers et donc de leurs héritiers contre les Fomoré reste nébuleuse. Comme les héros, on se perd dans les explications données par le spectre Aelric, et ce n’est pas seulement à cause de sa manière un rien décalée de s’exprimer. De plus, Patrick Mc Spare prend plaisir à réserver certaines révélations pour la fin et même, on le devine, pour la suite. Cette tactique pourrait être plaisante si on ne demeurait pas baigné de flou. Ce flottement n’est guère profitable, il est même renforcé par l’économie avec laquelle l’auteur présente le Paris du XVe siècle. Alors que les personnages historiques réels peuplent tour à tour le récit, le décor est plus qu’abstrait et si les allusions historiques sont enrichissantes, elles finissent par perdre de leur superbe à force de casser l’évolution du récit. Enfin, on perd parfois le fil de chacun à force de sauter de l’esprit d’un héros à l’autre puis à celui de l’ennemi ou encore aux pensées du spectre Aelric.
L’atout principal demeure donc une action constamment relancée, des combats décrits avec détails et rythme, une bonne crédibilité dans la manière dont les personnages agissent pour sauver leur vie en dépit de leur inexpérience. Un zeste d’humour est distillé ça et là, axé sur les différences culturelles criantes qui séparent Alex, Laure et Tom dont l’amitié se tisse et se renforce doucement mais sûrement. Il est plaisant de découvrir des héros qui ne sont pas des stéréotypes, ce qui les rend d’autant plus attachants. Une incohérence demeure : comment un jeune homme du XXIe siècle peut-il se battre ne serait-ce que deux minutes avec une épée du XVe siècle sans ployer sous son poids ? La magie n’explique pas tout… Un bon point pour les descriptions des créatures nées de la magie noire d’Hermès Fomoré, elles font leur petit effet et apportent une bonne dose de frisson. De même l’attention avec laquelle le vocabulaire médiéval est employé, les lieux et personnages du passé mis en scène accompagnés de repère graphiques est une autre bonne surprise.
Scrineo a soigné l’édition avec un papier de grammage supérieur, une typrographie aérée, une illustration de couverture assez réussie de Miguel Coimbra et un prix abordable pour un grand format.
Sans oublier que ce roman est destiné à des adolescents de 12 ans et plus, la tentation est grande de conclure que ce roman pourrait être meilleur s’il laissait un peu plus de place aux descriptions, s’attardait moins sur des détails tels que la multiplication des noms attribués à l’ennemi et clarifiait le rôle des jeunes héros sur le long terme. La recette manque d’équilibre mais le dénouement annonce une suite qui pourrait bien corriger les présents défauts, des indices sont jetés page après page et les dernières lignes laissent sur sa faim !
Le Septième Sens – Les Héritiers de l’Aube T1
Patrick Mc Spare
Illustration de couverture : Miguel Coimbra
Editons Scrineo
Collection : Jeunesse
Parution : 24 octobre 2013
16,90 €