La ligne de lecture de eMaginarock se focalise sur les littératures de l’imaginaire. Parfois, je me demande où cette ligne commence et où elle cesse. Ainsi, ce recueil des Éditions Céléphaïs contient majoritairement des textes relevant du mainstream et relativement peu de l’imaginaire tel qu’on l’entend. Mais doit-on pour autant faire l’impasse sur cet ouvrage alors que cette maison œuvre pour l’essentiel dans les eaux de l’imaginaire ? L’auteur, Jean-Louis M. Monod, outre un CV impressionnant, a déjà commis des textes d’imaginaire et sa plume est d’une grande qualité. La quatrième de couverture ne peut que nous inciter à nous intéresser à ce recueil :
Toutes les nouvelles de ce recueil, quels que soient leurs thèmes, ont un point commun. Au fil des histoires, réalistes ou fantastiques, où l’humour parfois noir est souvent présent, se succèdent les incompréhensions, les erreurs sur la personne, les quiproquos et autres interprétations. Autant de récits non dépourvus de suspense ; drôles, insolites, tendres ou tragiques, leur intrigue étonne jusqu’à la chute qui toujours surprend. Chaque lecteur, en fonction de ses goûts, saura apprécier qu’il soit familier, simple ou soutenu, le style d’un auteur qui très souvent aime à jouer avec les mots.
Dix-neuf nouvelles. Sur dix-neuf nouvelles, certaines auront l’heur de me plaire. Il ne faut pas se leurrer : bien rares sont les anthologies ou les recueils qui vous scotchent un lecteur avec l’ensemble des textes. Comme je l’ai dit plus haut, l’auteur a une belle plume et maîtrise parfaitement la trame narrative de ces très courtes nouvelles. Et même si les récits de douaniers mal embouchés ou de jumelles mégères n’ont pas été à mon goût, il n’en reste pas moins que tout est rudement bien écrit. Je vais donc évoquer ici les quelques textes qui m’ont vraiment plu.
L’idée de recourir à la thématique du quiproquo est originale et ma crainte était, à l’origine, de n’y trouver qu’un prétexte à écrire du « sous-Devos », mais il n’en est rien. Vous y trouverez de nombreuses situations propres aux malentendus telle la vengeance dans « Les impulsions d’Eulalie » où une tante décide de donner une bonne leçon à son neveu ou la vie de couple et ses soupçons dans « Interprétations » ou dans le plus SF « Substitutions ». De même, avec « Le souper » on n’ose imaginer ce que peut être le plat de résistance et dans « Le réflexe » nous découvrons une belle astuce policière pour serrer un fugitif. Et pour les amateurs du maître de Gand, « Démence » a une trame narrative et un style que n’aurait pas renié Jean Ray. Ainsi j’aurais pu en retenir bien d’autres, mais tous sont autant de textes, autant de visions auxquels l’auteur sait donner la juste profondeur. En fait, le seul vrai défaut que je trouve à ce recueil réside dans le manque d’originalité des titres.
Il convient de souligner que Diables de quiproquos ! bénéficie d’une magnifique illustration signée Géraud Soulié. Directement inspirée de la nouvelle plutôt classique, mais rondement menée intitulée « Les jeux sont faits », elle nous présente un diable assis devant une roulette et son sourire ne manque pas de nous faire penser que parfois les jeux sont déjà faits avant que la bille n’entame sa ronde. Toutes proportions gardées, cet auteur s’inscrit dans la tradition française du récit court qui a eu ses lettres de noblesse avec des écrivains tels Prosper Mérimée, Guy de Maupassant voire, plus récemment, le délicieux Georges-Olivier Châteaureynaud. Toujours est-il que j’ai découvert un auteur de talent avec ce recueil et, même si j’ai eu du mal à entrer dans certains de ses textes, Jean-Louis M. Monod écrit diablement juste.
Diables de quiproquos !
Jean-Louis M. Monod
Couverture illustrée par Géraud Soulié
Editions Céléphaïs
2013
12,00 €