Mon colonel !
Faust Commando est, après Metal Adventures, le nouveau jeu d’Arnaud Cuidet – une signature bien connue des rôlistes, puisqu’il œuvre dans le milieu depuis un bail (quelqu’un se souvient encore de la deuxième incarnation de Casus belli ?). Après avoir écrit sur les pirates de l’espace pendant près de quatre ans, le voilà donc sur une nouvelle gamme – mais il ne change pas ses bonnes habitudes : l’action est toujours au rendez-vous !
Le contexte de Faust Commando est un futur proche dans lequel beaucoup de choses ont tourné au vinaigre – crise écologique, guerres incessantes, pauvreté rampante, etc. Des pays entiers ont été rayés de la carte, d’autres servent de champs de bataille aux grandes puissances tombées dans le totalitarisme et des multinationales de mercenaires fleurissent sur tous les continents. Dans ce décor peu optimiste, les joueurs incarnent des criminels de la pire espèce recruté par une mystérieuse organisation pour faire partie d’un commando spécial destiné à affronter une menace inconnue. Oui, cela fait beaucoup de secrets – mais c’est normal et on y reviendra.
Ainsi, il y a un côté Douze Salopards prononcé dans Faust Commando. Ambiance virile au programme au vu des olibrius qu’interprèteront les joueurs (à qui on a promis l’amnistie en échange de leur collaboration) et ce dans un contexte qui n’appelle pas à la gaieté.
Quand il n’y a plus aucun espoir…
Le premier chapitre de Faust Commando est destiné aux joueurs.
Il présente notamment la situation géopolitique en 2029 – un background peu développé mais suffisamment évocateur pour que l’on comprenne que ça ne rigole pas et qu’il y a peu de chance que les choses aillent mieux. Suit ensuite une partie consacrée à la description du Faust Commando lui-même : origine, organisation, méthodes, recrutement – tout pour que les joueurs sachent dans quel cadre ils seront amenés à opérer.
Enfin, les règles sont développées – de la création aux règles de combat, essentielles ici ! Les joueurs ont ainsi le choix entre plusieurs profils criminels, de larges archétypes : bankster, cultiste, ennemi public, extrémiste, psycho et salopard. Ces profils déterminent certaines valeurs à la création, qui pourront ensuite évoluer selon d’autres choix (âge, penchants inavouables, passé criminel, motivation, entraînement reçu…). Un personnage se définit donc par des caractéristiques et des compétences, mais aussi des talents qui sont des capacités spéciales propres à chaque profil (gagner des bonus sur certains types de jets, ignorer la douleur, être un tireur d’élite, etc.). La fiche de personnage est très complète bien qu’un peu aride – elle reste cependant ergonomique.
La base du système est simple : il suffit de croiser une difficulté et la valeur d’action du personnage (addition caractéristique + compétence) sur une table de résolution, puis d’obtenir plus que le chiffre indiqué sur un dé à dix faces. Comme le monde est injuste dans Faust Commando, la table est déséquilibrée – il est difficile de réussir une action par ses propres moyens et cela encourage le travail d’équipe (seul moyen de faire collaborer de tels enfoirés entre eux). À cela s’ajoute une habile trouvaille concernant les bonus et malus : il existe des dés bonus (qui s’ils surpassent la difficulté permettent d’augmenter le degré de réussite) et des dés malus (qui s’ils échouent annulent une réussite), qui vont s’ajouter au dé normal en fonction des circonstances (la douleur d’une blessure impose un dé malus alors qu’un avantage lors d’une action octroie un dé bonus). Autre bonne idée : même en cas d’opposition, seul une personne (joueur ou meneur de jeu) lance les dés : celui qui a la moins bonne valeur d’action – sa difficulté étant alors la valeur d’action de son adversaire. Une règle qui fluidifie grandement le jeu.
Cette mécanique est ensuite déclinée pour faire face à toutes les situations de jeu possible dans le contexte de Faust Commando : fusillades, poursuites, interrogatoires, infiltrations, enquêtes, soins… De nombreuses options compliquent le tout mais cela reste gérable – le meneur de jeu est toutefois encouragé à bien connaître les règles et peut-être à intégrer les plus complexes au fur et à mesure des parties.
Une fois les membres du commando créés, il est temps de partir en mission. Si vous comptez être joueur à Faust Commando, veuillez cesser votre lecture de cette chronique – vous vous gâcheriez une grande partie du plaisir de la découverte du jeu !
L’armée, c’est l’enfer
On ne croit pas si bien dire… Car l’ennemi que le Faust Commando est censé abattre n’est autre que… Satan ! Et sur son terrain en plus : en Enfer ! Vous avez bien compris : les personnages sont exécutés par leurs supérieurs afin de se rendre dans l’au-delà infernal et y porter la guerre. En effet, certaines organisations secrètes sur Terre se sont rendues compte que Satan et ses Diables préparaient un plan d’invasion du monde – comme si les choses n’allaient pas assez mal ! Afin de déjouer ce dessein démoniaque, le Faust Commando a donc été mis sur pied.
L’Enfer, c’est Hell City : une mégalopole tout à fait moderne dans laquelle cohabitent les Diables (la caste dominante) et les Damnés (les humains que leur vie dissolue a envoyés ici et qui sont les esclaves des Diables). Un décor qui sonne à la fois familier mais en même temps fort différent – teinté d’un fantastique presque banal en ces lieux. Satan est ici le seigneur et maître et il est secondé par de Hauts-Diables dirigeant chacun un ordre. Le deuxième chapitre de Faust Commando décrit ainsi en détail Hell City (plan à l’appui) : politique, lois, population, quartiers, ambiance… La vie d’un Damné est également passée en revue (et ce n’est pas joyeux).
Encore plus profond
Enfin, un troisième et dernier chapitre présente les derniers secrets du jeu : les détails du plan de Satan, la description du Cosmos (le véritable univers où se trouvent l’Enfer, la Terre et le Paradis), la face cachée d’Hell City, etc.
Mais surtout, un long scénario d’introduction – « Voyage en Enfer » – permet de mettre tout le monde dans le bain. Il est un véritable prologue au jeu et met les joueurs dans la peau des personnages via une astuce imparable : quand on meurt, on oublie tout de sa vie sur Terre ! Ainsi, les membres du Faust Commando se réveillent en Enfer, mais ne se rappellent plus pourquoi… Bien que l’organisation qui les envoie leur ait injectés des implants mémoriels, la magie infernale les a détraqués et les personnages se souviennent juste qu’ils doivent rester ensemble pour accomplir quelque chose – mais quoi ? Ce premier scénario va en tout cas leur permettre de comprendre où ils sont et de se faire leurs premiers alliés dans ce monde inconnu – ainsi que de comprendre les règles qui régissent l’Enfer.
Sang et sueur !
Aucun doute : Faust Commando est l’un des tous meilleurs jeux de rôle de cette rentrée 2013 ! ce mix improbable entre Expendables et Hellraiser sent bon la poudre, le soufre et la testostérone. Le parti-pris parvient à concilier une approche classique (on joue des mercenaires burnés) et une originalité bienvenue (le cadre infernal), tout en offrant des règles complètes et bien trouvées qui collent à l’orientation du jeu.
Arnaud Cuidet étant un vétéran de l’écriture rôlistique, son dernier-né est rédigé avec efficacité et ne se perd pas en détails inutiles. On a là tout ce qu’il faut pour jouer les premières parties – mais par contre, il faudra sans doute attendre la suite de la gamme pour aller dans la bonne direction. Étant un jeu à secret, Faust Commando risque d’intimider les meneurs de jeu souhaitant rester dans les rails de la storyline prévue – on espère donc que les suppléments s’enchaîneront à un bon rythme.
En attendant, vous pouvez sans crainte vous laisser tenter par Faust Commando. Son mélange bien dosés d’action, de fantastique et de mystères devrait vous séduire sans mal. Alors : prêts à signer un pacte ?
Faust Commando
Un jeu édité par les XII Singes
176 pages
29 € 90
Trois questions à Arnaud Cuidet, auteur de Faust Commando
eMaginarock (M) : Metal Adventures abordait déjà en filigrane certains thèmes politiques. Faust Commando en fait autant. Est-ce important pour vous de glisser ainsi un sous-texte dans vos jeux ?
Arnaud Cuidet (AC) : Je ne me pose pas la question dans ces termes. En fait, je pense qu’on glisse toujours un sous-texte dans ses jeux, car nous avons tous des convictions politiques. Je me contente simplement d’être vigilant sur ce point, et de m’assurer que je ne m’aventure pas sur un terrain idéologique que je ne pourrais pas assumer… ou au pire de le faire en connaissance de cause. En outre et en l’occurrence, pour Faust Commando, j’ai plutôt l’impression que le sous-texte est philosophique plutôt que politique. Il est vrai que ça se rejoint souvent…
M : Faust Commando est un jeu à secrets qui propose un objectif fort aux personnages. Ne craignez vous pas que les meneurs de jeu aient du mal à se l’approprier et à créer des aventures en dehors du metaplot ?
AC : Euh… C’est difficile de répondre à cette question sans faire un super-spoiler… Disons que le dispositif de Faust Commando est double : il y a effectivement le metaplot, dont il est difficile voire impossible de sortir ; mais aussi tout un tas de missions « annexes » liées à la couverture du commando. Je mets « annexes » entre guillemets car ces missions sont aussi dangereuses que les autres, et pourraient se révéler aussi importantes que le metaplot. Par ailleurs, et c’est là où je voulais en venir, dans le cadre de ces missions annexes, les meneurs de jeu peuvent s’approprier Faust Commando comme n’importe quel autre jeu.
M : À quoi peut-on s’attendre pour la suite de la gamme ?
AC : Actuellement, je travaille sur une série de quatre suppléments : deux dossiers de missions (qui proposeront chacun une mission « metaplot » et une mission « annexe ») et deux suppléments sur le décor urbain de Faust Commando. Tout ça devrait m’occuper durant fin 2013 et tout 2014. Pour la suite, on verra – mais j’ai déjà des sujets pour une bonne dizaine de suppléments.
D’accord à 100% avec la critique sauf sur l’aspect des règles. J’ai trouvé le système de résolution très abstrait, voire compliqué, avec énormément de modificateur (le dé expert, etc)… Je n’ai pas encore testé le mécanisme en situation dejeu, mais à la lecture, il m’a rebuté… Pour tout le reste, c’est une vrai mine d’inspiration, et une vraie merveille que nous offrent les 12 singes, comme toujours…