[PIFF 2012 suite] The Butterfly Room + interview

Vieille dame élégante et acariâtre, Ann cultive un fétichisme étrange pour les papillons, qu’elle collectionne dans une pièce aménagée abritant certains spécimens bien plus… humains.

Étrange film que celui-ci qui prouve qu’il est possible de mêler avec talent poésie et slasher. Un peu de tension supplémentaire aurait cependant amélioré  la qualité de l’intrigue.

L’ensemble du film fonctionne vraiment bien avec ce teint très 60’s de la pellicule, même si parfois la tension retombe à cause de séquences trop longues. Le rythme est lent pour permettre une certaine contemplation et des sursauts aux bons moments, mais parfois l’intrigue s’emmêle dans des dialogues trop explicatifs et des scènes auraient pu être coupées pour dynamiser le tout. La musique, en décalage avec les actions présentées à l’écran et l’ambiance du film, m’a quelque peu déroutée : elle a tendance à faire sortir le spectateur de sa contemplation morbide des aventures d’Ann pour le repousser dans un slasher classique.

Barbara Steele que je découvre pour la première fois, est parfaite dans le rôle de la mère en quête d’amour auprès de sa fille. Incapable de la voir grandir, notamment de la voir devenir femme, les pressions psychologiques qu’elle exerça pendant son adolescence l’ont éloignée de son enfant. Ainsi, à la recherche d’une fille de substitution qui la comprendrait et refuserait de devenir femme, elle écume un centre commercial. Les poupées, objets typiques d’un film d’horreur, sont ici utilisées avec intelligence et un certain romantisme, même si les poupées choisies sont loin de provoquer de doux rêves…

Si le personnage fait frissonner, Ann reste touchante malgré ses actes répréhensibles. Les spectateurs sont mis dans une position étrange : avoir pitié de cette vieille femme classe et apprêtée ou être répugné par une mégère obsédée par les petites filles?

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Comme le note très justement le réalisateur plus bas, le papillon est un symbole féminin puissant et Ann, au final, recrée son enfant idéal dans sa chambre aux papillons. Étant donné que la créature représente également la liberté et la légèreté de la vie, le paradoxe est tout à fait intelligent. La cruauté dont elle fait preuve en enfermant ses papillons n’a d’égale que l’élégance avec laquelle elle les dispose dans sa pièce.

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Alice est une enfant mesquine et odieuse dont la fin n’est peut-être pas si triste que cela. La cruauté enfantine est bien maîtrisée aussi bien que la difficulté d’être mère. On découvre ainsi ce qu’un enfant peut faire subir aux adultes ! La naïveté des bambins prend parfois une tournure perverse.

CONCLUSION

The Butterfly Room est un thriller psychologique poétique et contemplatif qui manque un peu de tension. Mais au final, le réalisateur nous propose un film original et différent de ce qui passe actuellement sur nos écrans. Aucune sortie française n’est prévue et c’est bien dommage…

Laissons le réalisateur nous parler un peu de son travail.

*****

INTERVIEW JONATHAN ZARANTONELLO

Tout d’abord, peux-tu te présenter aux lecteurs?

Salut, je suis Jonathan Zarantonello. Je suis un producteur et réalisateur italien, mais je n’ai jamais couché avec une actrice (ah, ah… j’ai dit la même chose au PIFF !!).

 Au PIFF, tu nous as dit que l’horreur était ton genre préféré, mais ton film est plus un thriller psychologique qu’un film d’horreur ; n’est-ce pas ?

Cela dépend de la définition que tu donnes à l’horreur. Certaines personnes disent que lorsque le surnaturel intervient, l’horreur est là, mais alors Massacre à la tronçonneuse n’est pas un film d’horreur. D’autres disent que l’horreur c’est quand il y a du sang, mais encore une fois Massacre à la tronçonneuse ne rentre pas dans la catégorie. Pour moi, l’horreur c’est quand tu dépasses tes personnages et ton histoire pour créer un mythe ; quand à travers tes personnages et ton histoire tu parles de peurs universelles et archétypales. Ainsi, Massacre est définitivement un film d’horreur ! J’espère que The Butterfly room sera perçu comme un film d’horreur si d’une certaine façon, il réussit à montrer la part sombre du rôle de mère.

Il y a une réelle beauté dans le film : beaucoup de poésie et d’émotion même si le personnage principal devient petit à petit complètement fou. As-tu travaillé sur cet aspect du film en particulier ou est-ce seulement mon propre ressenti ?

Merci à toi d’avoir pointé ça ! Oui, l’atmosphère est définitivement celle d’un conte de fée sombre, où la violence et la folie sont la conséquence d’une quête désespérée de l’amour.

La scène dans la salle de bain avec la femme enceinte (sans trop spoiler…) est vraiment forte, mais tu n’as pas joué avec les codes sanglants ou violents d’un film d’horreur. Pourquoi ? Ann est à la fois une horrible femme et une charmante vieille dame. Cette scène en particulier le montre bien et c’est assez flippant !

Merci encore ! Trop de violence visuelle aurait fait d’Ann une tueuse pour qui personne n’aurait eu d’empathie. Les spectateurs devaient ressentir de la pitié pour elle malgré tous les meurtres.

Pourquoi les papillons ? Il y a beaucoup de symboles et mythes derrière cette créature. De ton côté, que signifie-t-il pour toi ?

Collectionner les papillons est à la fois poétique et cruel ; sensation ambiguë qui peut décrire la relation entre les deux personnages principaux, Alice et Ann. Un papillon est également une métaphore pour le vagin, c’est pourquoi « la chambre aux papillons » peut être vue comme un utérus où l’on conçoit un enfant…

Es-tu conscient de la féminité de film ? Pas seulement parce qu’il n’y a que des femmes à l’écran, mais aussi parce que tu mets en avant la relation entre une mère et sa fille ? J’ai trouvé que tu restais vraiment proche de la réalité et le film peut rappeler à toutes les filles comment leur mère se comportait pendant leur adolescence. Même si les défauts sont très poussés…

Etant un homme, je vois les femmes comme des aliens, c’est-à-dire dans la version latine du terme « alius » ou « autre », « différent », donc à la fois fascinantes et effrayantes. Quand tu y penses, le fait qu’une femme soit capable de faire grandir en son sein un être vivant et de l’expulser hors de son corps sans mourir, est une chose géniale et terrifiante !

Je suis intéressé par la maternité parce que je ne serai jamais capable d’être une mère.

Ton film est triste, stressant et touchant tout à la fois. Etait-il important pour toi de travailler non seulement sur la mise en scène et les effets visuels, mais aussi sur les émotions ?

Encore merc i! Les émotions font tout dans un film ! J’ai appris ça en regardant Avatar. Tous les effets et les créatures sont cool, mais quand Giovanni Ribisi apparaît à l’écran et joue les enculés, tu réalises que de bons acteurs et de bons personnages sont les meilleurs effets auxquels tu peux rêver !

Dernière question. Quels sont tes futurs projets ?

Je termine la post-production d’un long métrage appelé Spoof, qui est une collection de 100 petits films parodiques.

Enfin, merci à toi d’avoir répondu à toutes mes questions.

Merci de ton intérêt et d’avoir apprécié le film à un niveau profond ; c’est la plus belle des récompenses pour un réalisateur !

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