Tu es revenu au cœur des Temps Ultramodernes avec ce roman. D’où est venue l’envie de te replonger dedans après le succès de ce premier roman uchronique ?
En réalité, cet univers ne m’avait jamais quitté, et écrire La Croisière bleue m’a permis de mettre un point final à ce projet littéraire de longue haleine. Il me restait tant d’images et de bouts d’histoires en tête (c’est-à-dire dans mes carnets de notes) qu’il fallait que j’évacue tout cela par l’écriture.
Comment as-tu conçu la cavorite, ce métal si précieux ? D’où t’es venue cette idée finalement assez loufoque, mais qui fonctionne parfaitement ?
La cavorite a été inventée par H.G. Wells, et on peut considérer Les Temps ultramodernes comme un hommage au maître. Chez Wells, la cavorite est un alliage imperméable à la gravité. « Ma » cavorite repose sur des bases physiques différentes, me permettant de moderniser le concept. C’est mon apport, et je pense que c’est ainsi que procède la SF pour enrichir ses thèmes et ses motifs : cela les fait évoluer à la manière d’êtres vivants.
Comment travailles-tu quand tu construis une enquête ? Car il faut bien tout caler, que tout soit cohérent, je suppose donc que le plan et la manière de travailler ne sont pas les mêmes ?
L’enquête elle-même demeure moins compliquée que celles qu’on peut trouver dans un thriller moderne. Le défi était plutôt qu’elle reste cohérente à l’intérieur d’une rétro-réalité alternative. Pour moi, la vraisemblance, donc la qualité d’immersion, devait être préservée par un niveau de réalisme le plus élevé possible ; et cela, en dépit du fait que je me suis également abreuvé à des motifs littéraires populaires. J’ai réalisé ce mélange à l’instinct ; même si j’avais un plan dans ses grandes lignes, le gros du travail a eu lieu dans ma tête.
Question subsidiaire : Il m’a semblé dans La Croisière bleue voir des inspirations du Titanic et du Mystère de l’Orient Express. Est-ce que tu avais ces références en tête au moment d’écrire ?
Tout à fait. Cela, et mille autres choses. Le Titanic et l’Orient Express sont les éléments emblématiques de cette époque, et la frustration de leur absence dans le roman initial a grandement joué dans mon désir de poursuivre l’aventure. Et comme pour le premier opus, j’ai tâché d’incorporer également des éléments que l’on voit moins : la vie quotidienne des institutrices de l’époque, des artistes, des ouvriers, des colons… ce que l’on mangeait et buvait, les conditions de logement. Sans prioriser : tout cela – ce qu’on montrait et ce qu’on ne montrait pas – faisait partir de la même réalité. Le pas de côté de la SF, en l’occurrence la cavorite, a permis de montrer tout cela sous un jour neuf.