Une merveille, un bijou, un pur moment d’émotion littéraire. Je n’ai pas assez de superlatifs pour qualifier ce nouveau roman de Floriane Soulas tant le coup de cœur est intense.
Dans un monde en déliquescence rongé par les difformités et les maladies, Férale est un monstre – du moins, les autres l’ont toujours traitée comme tel. Tous, sauf Lottie, qui l’a sauvée et lui a appris à survivre à travers les plaines de cendres. Ensemble, elles protègent les quelques caravanes qui rallient encore les derniers bastions de l’humanité.
Jusqu’au jour où Férale entend parler de Tonnerre, une cité close où des chercheurs travailleraient à comprendre les mutations génétiques, et mieux, à les guérir. Là-bas, il y aurait aussi des gens comme elle, dotés d’yeux jaunes et poussés par une faim… insatiable. Et si dans un premier temps Lottie refuse de gagner la ville qui l’a vu naître, fuyant un passé qu’elle préfèrerait oublier, les événements vont en décider autrement.
Des ruelles poisseuses d’un gigantesque bidonville aux entrailles froides d’un complexe scientifique, les deux femmes vont croiser les différentes factions en place, autant de visages d’une humanité qui, au milieu des décombres, aspire plus que jamais à trouver sa place…
Un post-apo inquiétant et réaliste
Le roman de Floriane Soulas nous invite dans un futur lointain, où la Terre a été atteinte d’on ne sait trop quel fléau, même si la question nucléaire semble s’imposer. L’humanité tente de se remettre, tant bien que mal, au gré des maladies et aux catastrophes. On y retrouve Lottie et Férale, qui tentent elles aussi de survivre. Mais la jeune fille aux yeux jaunes cherche d’où elle vient, qui elle est. Mutante ? Malade ? Nul ne le sait et cela l’interroge et la pousse à aller toujours plus avant.
L’univers déployé sous nos yeux est sombre, sale, prenant. Comme se doit de l’être un roman de ce type. Et l’autrice parvient parfaitement à nous décrire tout cela avec un talent bien à elle. Sa maestria que j’ai déjà expérimentée, notamment sur Rouille qui reste un des romans que je conseille le plus, fait encore des merveilles et invite le lecteur à la suivre dans la cendre et les pluies acides.
Un scénario de haute-volée
Le scénario proposé est impressionnant de qualité. On y retrouve tout le talent de l’autrice pour les histoires à tiroirs, proposant une aventure de Férale et Lottie qui réserve son lot de surprises. Et personnellement je me suis laissé mener par elle de bout en bout, avec grand plaisir, découvrant au fil des pages ce qu’elle nous avait réservé. Et je dois dire que je n’ai à aucun moment été déçu : le livre est compliqué à reposer, on se plonge dedans avec délices et peine à s’arrêter. Et que dire du final… Il est à la fois exceptionnel, évident et pourtant tellement prenant et émouvant. Un modèle du genre !
Un duo émouvant et prenant
Les deux femmes, Férale et Lottie, tiennent leur roman sur leurs épaules, et le font parfaitement. Chacune a son caractère, ses failles, et pourtant elles sont particulièrement puissantes. J’aime lire des romans où les femmes sont en mesure de montrer leur plein potentiel, tout en gardant des failles, des faiblesses qui leur sont propres. Et ici nos deux héroïnes sont particulièrement bien réussies dans leurs caractères et on s’attache à elles au bout d’à peine quelques pages, suivant leurs pérégrinations pendant 500 pages sans s’ennuyer une seconde. A titre personnel la dureté de Lottie m’a plus séduit que la candeur du début de Férale, mais les deux protagonistes sont extras et viennent presque effacer le reste de la galerie de personnages, tant elles sont prenantes.
Les éditions Argyll signent ici un coup de maître en signant ce qui s’annonce comme le meilleur roman de l’autrice française. Un pur et simple bijou qui parvient à mêler l’imaginaire avec l’émotion la plus brute. Et brut finalement est un adjectif qui définit bien ce livre : il nous décrit un futur inquiétant, avec ses bonheurs et ses horreurs, à la manière d’une photographie : sans ambages. Bref, je n’ai qu’une chose à dire : lisez Tonnerre après les ruines ! (Et oui, c’est un ordre, sinon je vous envoie chez les Cendreux !)