Måsstaden under vatten – Vildhjarta

Le Djent étant un genre encore relativement récent, dans la grande Histoire du Metal, l’ombre de Meshuggah plane encore sur tous ses successeurs, et il est rare de voir un groupe s’en inspirer sans tomber dans la pâle copie. Vildhjarta a pourtant réussi, en un seul album, Måsstaden en 2011, à s’imposer comme digne héritier de ce colosse, troquant le chaos et la froideur de la science-fiction robotique, au chaos et à la froideur de la dark fantasy (Vildjharta étant une extension d’une version suédoise de Donjons & Dragons). Après un EP en 2013 et une longue période sans rien, on était en droit d’attendre beaucoup de Måsstaden Under Vatten, et avec ses 17 pistes et sa durée de 80 minutes, on peut dire que la quantité est là, mais qu’en est-il de la qualité ?

Comme pour The Violent Sleep of Reason de Meshuggah, la piste d’introduction, est brutale, directe et chaotique. Malgré les quelques guitares en son clair, ici et là, lavender haze ne donne que peu de répit à l’auditeur, et la couleur de l’album est donnée dès l’entame. när de du älskar kommer tillbaka ne nous laisse pas le temps de respirer, et vient ajouter au chaos ambiant des growls et des chants scandés, en plus de changements rythmiques, ce qui ne participe qu’à ajouter une couche d’inquiétante étrangeté à l’ensemble déjà peu accueillant. Malgré son titre, et sa première partie effrénée, kaos2 offre un petit instant de pause, avec quelques harmonies en voix claires, et une deuxième partie plus atmosphérique. La pause n’est cela dit que de courte durée, et toxin reprend le rythme, en commençant sur un riff qui n’aurait pas dépareillé chez Code Orange, et en enchaînant sur un chaos passant sans prévenir du death au black en passant par le mathcore. Le chaos normal revient avec bränmärkt, qui s’étend de façon un peu plus progressive que les autres pistes, et se conclue sur des nappes atmosphériques qui, pour la première fois de l’album, sont accompagnées, et non pas brisées, par les guitares saturées. Après une brève ouverture, rappelant les envolées les plus épiques et martiales de groupes comme Obscuria ou Beyond Creation, den helige anden (under vatten) nous rappelle quel groupe on est en train d’écouter, en entrecoupant ses envolées mélodiques mélancoliques de brutaux breaks, l’ensemble toujours soutenu par des guitares claires atmosphériques en arrière-plan. Sans trahir l’ambiance sombre et chaotique instaurée jusqu’à présent, passage noir se fait plus mélancolique, voire solennelle avec des chœurs sur certains passages, ainsi que certains passages directement du black metal. måsstadens nationalsång (under vatten) assombrit encore l’atmosphère déjà peu lumineuse de l’album, abandonnant le chant, et donc le peu d’humanité qui transpirant encore, y remplaçant la froideur implacable de riffs mécaniques. heartsmear réalise un tour de force, en réussissant à être extrêmement groovy et prenante, sans pour autant dénaturer l’ambiance si durement instaurée jusque-là, même si certains appels et breaks commencent à sonner familiers.

On repart encore pour un moment de chaos avec vagabond, avant qu’un fade out fasse totalement changer d’ambiance, ce qui m’a forcé à vérifier plusieurs fois si je ne me trompais pas, et s’il s’agissait bien d’un seul et même morceau. mitt trötta hjarta revient à une formule plus classique chaos-break-ambiance-chaos, qui participe à l’immersion dans l’album, mais qu’il serait un peu redondant et répétitif d’analyser. detta drömmars sköte en slöja till ormars näste apporte des changements plutôt bien venus, avec quelques passages mélodiques et harmoniques, moins mélancoliques que ceux précédemment entendus, mais malheureusement un peu courts. Puisque nous sommes aux trois quarts de l’album, nous avons le droit à un interlude, avec phantom assassin, qui ne nous sert vraiment qu’à nous reposer quelques instants, puisqu’il n’est pas beaucoup plus lumineux ni moins chaotique que le reste de l’album. Les affaires reprennent avec sunset sunrise. Les breaks sont de plus en plus lents, les notes de plus en plus frénétiques, et les nappes, jusque-là mélancoliques, se font maintenant désespérées, annonçant la fin qui approche. sunset sunrise sunset sunrise adopte un tempo encore plus lent et implacable, bien que toujours parcouru des fulgurances disparates, auxquelles cet album nous a maintenant habitué. Après tant de changements, la constance de penny royal prison pourrait presque nous surprendre, si le rythme effréné nous laissait le temps de nous rendre compte de quoique ce soit. Après toute cette lourdeur et cette froideur, paaradiso, l’ultime piste, paraît presque lumineux et libérateur. L’album se termine sur quelques notes paisibles, nous laissant nous rendre compte du chemin parcouru.

Même si l’analyse morceau par morceau me permet souvent d’organiser mon ressenti et mon analyse, je n’ai pas vraiment l’impression qu’elle rende justice à cet album. Certes, plusieurs motifs, riffs et breaks sont répétés d’un morceau sur l’autre, certes, la construction est assez homogène, mais cela contribue à créer une ambiance générale prenante, étouffante, qui ne nous laisse respirer et espérer qu’en de très rares occasions. Måsstaden under vatten est un bijou d’atmosphères lourdes et brutales, taillé avec brio dans un son agressif se démarquant des canons du Djent habituel.

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