Grand Œuvre – Triste Terre

Rarement les Acteurs de l’Ombre n’auront aussi bien porté leur nom. Le label français, désormais bien installé au cœur de la scène black metal underground, a prouvé la crédibilité de sa démarche année après année en mettant en avant des groupes talentueux et des albums incroyables, parmi lesquels on citera Pensées Nocturnes, Au-Dessus, Déluge ou encore Maieutiste, dans une liste qui ne cesse de s’allonger et qui aura vu passer, entre autres, The Great Old Ones et Regarde Les Hommes Tomber. L’année 2019 marque l’arrivée du groupe Triste Terre, sorti des ombres lyonnaises avec ce premier album intitulé Grand Œuvre, dont le manager Gérald Milani ne tarit pas d’éloges sur le site web du label.

On sait assez peu de choses au sujet de Triste Terre. Au départ projet solo d’un certain Naâl, le groupe a sorti trois EP depuis 2016. Grand Œuvre est presque entièrement le résultat du travail de Naâl, à l’exception de la batterie, laissée à la charge de Grégoire de Deathcode Society, autre groupe mystérieux de la région Rhône-Alpes. Le résultat final est un album de six pistes pour une durée d’un peu plus d’une heure, dans un registre black metal atmosphérique dont on attend, avant même la première écoute, une ambition et une complexité propres aux arts noirs contemporains.

Impression confirmée après les premières notes du premier morceau Œuvre Au Noir, qui en plus d’avoir la lourde tâche d’introduire l’album, en est aussi le plus long. La production, très maîtrisée, met en avant les longs riffs de guitares torturées sur un tempo black-doom pesant, ponctué des cris de Naâl qui surgissent de ce torrent musical tel un noyé tentant de rester à la surface. S’il n’est pas surprenant d’éprouver quelques difficultés à saisir les paroles, il l’est un peu plus de discerner ça et là quelques déclamations en français ; à défaut de comprendre, on ressent le propos du groupe, quelque part entre philosophie et occultisme. Atmosphérique, on vous dit.

Les morceaux se suivent presque sans discontinuer, se souciant peu de laisser l’auditeur s’y perdre. Gare à celui qui prêterait pas à cet album l’attention qu’il mérite, et je vais l’avouer, ce fut mon cas lorsque, après une longue journée, je me suis laissé emporté par l’album dans les abysses du sommeil… ce qui est loin d’être une critique, loin s’en faut. En accordant à Grand Œuvre l’égard qui lui est dû, on se rend compte du travail effectué par Naâl. C’est un album dense, sombre, certes peu accessible mais c’est là ce qui en fait sa qualité première. Tout en s’inscrivant dans une certaine approche du black metal partagée par les autres groupes du label, Grand Œuvre parvient à se distinguer par une identité propre, qui lui vaudra à coup sûr de figurer parmi les sorties underground les plus intéressantes de cette année 2019. Je me garderai donc de détailler chaque titre ou d’en évoquer un qui serait meilleur que les autres : tout l’album se doit d’être écouté, et cela dans de bonnes conditions, ou vous passeriez à côté de ce qui en fait sa force. Que vous soyez simple amateur de metal extrême ou un inconditionnel de l’underground, rendez-vous service et prenez une heure pour vous plonger dans Grand Œuvre. Pour un premier album, le titre est loin d’être usurpé.

Grand Œuvre
Triste Terre
Les Acteurs de l’Ombre
2019

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