Excalibur – John Boorman

Uther Pendragon souhaite régner et obtenir les faveurs de la femme de son ennemi, Ygraine. Il conclut un pacte avec l’enchanteur Merlin : en échange de son succès, il lui confiera son premier-né. Tout se déroule comme prévu. Des années plus tard, Arthur, le fruit de ce pacte, jeune écuyer, retire de la pierre l’épée magique Excalibur. Débute alors la geste la plus connue des temps modernes.

La légende arthurienne a cela de vaste qu’au-delà de son personnage principal, elle présente de multiples ramifications qui en font une réelle épopée.

S’emparer du sujet est difficile tant il peut s’aborder par divers angles, à l’image de ce qu’a fait Marion Zimmer Bradley en littérature avec ses Dames du Lac. Au cinéma, les tentatives récentes s’avèrent décevantes : King Arthur d’Antoine Fuqua se révèle terne et dépassionné, quand Le Roi Arthur : la légende d’Excalibur de Guy Ritchie ne va pas plus loin qu’un divertissement sans prétention.

Mais l’on peut aisément regarder en arrière et replonger dans un classique. Passion, ampleur, démesure, Excalibur de John Boorman peut répondre à tous ces qualificatifs. L’ambition du réalisateur anglais est d’embrasser toute la légende, sans limites. Cette recherche d’un souffle épique vient des racines mêmes du projet : prêt à adapter le Seigneur des Anneaux, Boorman reçoit une fin de non-recevoir. Il se rabat donc sur le mythe du Roi Arthur.

En 1981, la Fantasy au cinéma, c’est surtout la fin de l’ère des grandes productions hollywoodiennes d’aventure où Stan Winston règne en maître pour réaliser des combats de squelettes ou animer des monstres légendaires. Excalibur n’a pas le budget de ces blockbusters, ce qui se voit parfois à l’écran (peu de combattants, quelques effets spéciaux vieillissants), mais il garde une forte puissance d’évocation.

Dès les premières minutes, le film suscite l’adhésion grâce à ce qu’il montre autant que ce qu’il suggère. Le ton sombre s’impose, donnant une touche réaliste, médiévale aux séquences. La scène du souffle du dragon, qui permet à Merlin de cacher Uther à ses ennemis, m’a toujours fascinée par sa capacité à suggérer : elle introduit sans trop en montrer la magie, le pouvoir de Merlin et laisse deviner, dans l’ombre, ce dragon sans jamais le montrer.

Parti sur cette excellente base, Excalibur va dérouler la geste et insister sur les hommes (et deux femmes) qui la composent.

John Boorman est un cinéaste de l’homme face à ses démons. Les actes de chacun ont des conséquences fortes, peuvent vous rattraper (Le Tailleur de Panama, le Général), vous amener aux portes de la folie ou une grande adversité (Le Point de non-retour,  Délivrance). Mais l’homme se construit dans une quête face à cette adversité, aux doutes, aux conflits, de l’enfance (l’excellent et méconnu Hope and Glory) à l’adolescence (La forêt d’émeraude) jusqu’à la mort.

Excalibur est une synthèse de ces thèmes forts. Les questionnements sur le choix et ses conséquences amènent le réalisateur, dans ce film, à s’interroger sur d’autres grands éléments :  la naissance de la foi, le lien homme – terre, l’attrait du pouvoir. Pour ce faire, il tord à volonté les habituelles trames du mythe sans jamais trahir les idées sous-jacentes, n’hésite pas à réaliser des ellipses ou à fusionner des personnages pour porter son message plutôt que de coller à tout prix à l’inspiration d’origine.

D’un point de vue casting, on s’étonnera de croiser quelques grands noms au temps de présence famélique, comme Gabriel Byrne, Liam Neeson, Helen Mirren, Ciaran Hinds ou Patrick Stewart. C’est globalement un casting d’inconnus, où quelques excellentes surprises (Nicol Williamson en Merlin, Paul Geoffrey en Perceval) côtoient beaucoup d’acteurs moyens, qui sont fortement handicapés par l’aspect fin du disco/années 80 de certaines coiffures. C’est ce qui date le plus le film, en plus de ce choix étrange de faire briller à certains moments les armures de la table ronde.

En tout cas, Excalibur est un film de son époque, à cheval entre féérie et violence dans un univers où l’écran prend des teintes sombres, ce qui se vérifiera dans beaucoup de films contemporains (l’Empire Contre-Attaque, Legend etc.). La fantasmagorie qui semble parfois envahir l’image renforce le ton mythologique, bien aidé par un John Boorman adepte de la scène picturale, la plus célèbre étant sans doute cette main dressée au-dessus du Lac qui se prépare à l’engloutir l’épée Excalibur à tout jamais.

Ce ton très sérieux se renforce, dans le montage, par l’utilisation de musiques de Richard Wagner ou Carl Orff. Le Ô Fortuna porte les scènes de chevauchée et leur rend ce ton épique qui impressionne ; Wagner apporte lui un ton opératique au final, de l’affrontement avec Mordred à la mort d’Arthur.

C’est le compositeur Trevor Jones qui complète la bande-son, donnant lui aussi de l’ampleur à la narration, comme sur la scène où Arthur revient à la vie et rend sa richesse à la terre (The Land and the King).

Conclusion

Excalibur cerne le mythe arthurien et le fait sien. Épopée dense et majestueuse, film de quête où il faut aller chercher sa rédemption au bout du chemin alors qu’un monde s’éteint et qu’un autre s’éveille, il synthétise des thèmes forts de la Fantasy et la trame intemporelle des légendes pour un résultat toujours étonnant, plus de trente-cinq ans après sa sortie.

Excalibur

Un film de John Boorman

Avec Nigel Terry, Nicol Williamson, Paul Geoffrey, Gabriel Byrne, Liam Neeson, Helen Mirren, Ciaran Hinds, Patrick Stewart

Warner Bros.

Disponible en DVD et Blu-Ray

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