Devotion – Sorcerer

La scène hardcore metal française est en plein essor, marquée par une grande diversité stylistique et une vitalité créative. Elle comprend une grande variété de sous-genres, allant du hardcore old-school et trash au beatdown en passant par le metalcore moderne. Loin de se cantonner à un seul style, des groupes comme Sorcerer n’hésitent ainsi pas à multiplier les inspirations et les genres. Les parisiens sortent leur premier album en avril 2024, Devotion et continuant sur leur lancée, nous proposent un joli projet, sombre et brutal à souhait.

Sorcerer, fondé en 2020, s’est rapidement fait remarquer par leur style particulier, un mélange bien à eux oscillant entre un hardcore plutôt heavy, un metalcore old school et une vibe emo. Un mélange qui peut un peu surprendre de prime abord mais dont on comprend rapidement la raison à l’écoute des morceaux. Les horizons variés dont proviennent les cinq musiciens et leurs expériences passées dans d’autres groupes de la scène metal sont une force et leur permettent de proposer un son à cheval entre metal moderne et hardcore plus heavy, avec cette touche emo/metalcore si particulière. Un scream hardcore plutôt old school et hurlé, tourmenté et mélancolique et une instru très agressive et sombre sont les ingrédients de cette recette plutôt réussie. Désormais habitués de la scène et sûrs d’avoir déjà conquis le public, ils ont sorti en 2021 un premier EP « Joy », sorti chez Delivrance Records puis un second EP « Pleasures » en 2022. Le troisième EP « Strangers » sort en 2023 en association avec le groupe de Shoegaze PENCEY SLOE.

2024 c’est donc l’année du premier l’album pour Sorcerer, marqué par la collaboration avec Amaury Sauvé (BIRDS IN ROW) qui produit ce premier opus. Cette rencontre permet au groupe de travailler avec une approche plus organique grâce aux méthodes de prise de son live du producteur de Laval. Devotion propose ainsi un son à la fois brut, agressif, où les émotions sont à vif, et une couleur plus moderne et mélodique. Jusque dans la direction artistique, ce projet sonne en effet comme une violence délivrée sans fioritures. Les images que le groupe choisit d’utiliser reflètent une certaine obscurité, le tourment, des émotions plutôt négatives. La pochette de l’album offre un étrange portrait d’un homme le visage abimé par les coups et portant une cote de maille. C’est violent, sans filtre et sans paillettes et je pense que si l’on devait définir le son et l’ambiance du groupe ce serait vraiment ça. Direct comme le hardcore qu’ils pratiquent, mélancolique et sombre comme les vibes emo/metalcore qui les influencent.

Le premier morceau Badlands s’ouvre avec une intro un peu épique et mystérieuse, mélange de sonorités tribales et médiévales et d’inspirations horrifiques et fantastiques. Elle laisse place aux premiers riffs impitoyables puis au scream très hurlé du chanteur. Des breaks réguliers cassent la structure rythmique du morceau et participent à créer cette ambiance très tourmentée. Je comprends immédiatement ce que souhaitaient obtenir le groupe et leur producteur avec ce son plus organique, plus brut. La fin est nette, aussi abrupt que le morceau avait commencé après l’intro.

The Eternal Grief s’ouvre avec un son très hardcore plus traditionnel. Il y a un bon groove et le breakdown me plait bien. Je perçois comme sur le premier morceau ce sentiment très tourmenté qu’il s’agisse des riffs, de la mélodie comme du chant.

Le troisième morceau Devotion sonne plus metalcore d’entrée de jeu. On progresse sur des chansons plutôt courtes de 3 min à peine. Le chant offre quelques variations avec des soutiens plutôt bienvenus qui donne pas mal de force au morceau. Les guitares prennent également des sonorités un peu plus heavy avant de partir sur un passage très chill en fin de morceau et proposent cette fois une fin toute en douceur.

 

Transition toute trouvée vers le quatrième morceau, In the Arms of Mortality dont l’intro suit les guitares de fin précédentes. Elles progressent doucement vers des sonorités beaucoup plus heavy et quasi death qui donnent une sonorité assez old school à ce morceau presque démoniaque. On repasse à une rythmique plus soutenue et un morceau qui laisse assez peu de répit. Le breakdown me plait tout particulièrement avec un scream beaucoup plus moderne et moins hurlé.

Fortress débute quasiment comme un morceau de black avec son intro inquiétante avant de partir soudainement sur des riffs très hardcore à la rythmique très martiale. Toujours aucun répit, on continue de ressentir cette ambiance très tourmentée et très brute, renforcée par les screams soutenus avec des renforts lors du refrains qui scandent « Fortress » en cœur. Le morceau offre une grande respiration avec des passages où la basse se fait très présente avant de proposer de nouveau un breakdown où le scream varie un peu. La rythmique très martiale reprend pour conclure un morceau beaucoup plus long que les précédents.

A kindness début avec quelques riffs de guitare aux sonorités presque positives par rapport aux autres chansons. Puis le morceau s’enchaine sur une vibe plus metalcore. Pas de chant cette fois, l’instru progresse en ajoutant petit à petit l’ensemble des instruments. Le son se dégrade en même temps progressivement devenant rapidement inaudible avant de s’éteindre d’un coup.

The Bell Jar s’ouvre sur une ambiance assez heavy et le scream démarre après une intro très courte. J’aime beaucoup le groove sur les premières parties chantées et les breaks, très hardcore et très brutal. Elles alternent avec des passages très sobres où le chant est à peine accompagné de quelques notes de guitare. Avant de finir sur un ensemble beaucoup plus énervé et une coupure nette avec un larsen.

Le dernier morceau, Someone Else’s Skin, m’a surpris d’abord par sa longueur, plutôt inattendue dans le hardcore. 7 min tout de même. On y retrouve tous les ingrédients qui font la violence et l’efficacité des morceaux précédents avec un son beaucoup plus heavy. Beaucoup de ruptures dans le morceau avec de jolies variations dans le rythme et la structure, cela permet d’offrir de la place à la basse et à des guitares beaucoup plus douces. Ces respirations alternent avec les mêmes passages très tourmentés où le chant hurlé semble être une longue plainte désespérée. Il y a une vibe quasi démoniaque et occulte dans ce morceau renforcé par des chœurs lointains et les riffs de guitare plus heavy. Les instruments diminuent progressivement à la fin pour ne laisser que quelques notes de guitares et les chœurs dans une ambiance très mélancolique, qui font écho à la toute première intro. Le tout s’éteint doucement jusqu’au dernier silence comme on symboliserait la mort en musique.

Définitivement, la musique de Sorcerer porte en elle toute la noirceur et la souffrance qu’on se serait en effet attendu à retrouver dans d’autres styles de metal. S’éloignant ainsi de la violence plus viriliste du hardcore traditionnel et très combative, on adopte ici une ambiance très tourmentée et mélancolique, si bien qu’on ne sait plus vraiment si on écoute du hardcore ou s’il ne s’agirait pas des fois d’un groupe de metalcore, de death, de shoegaze ou de heavy, ou peut-être tout simplement tout ça à la fois. On se perd parfois un peu dans l’écoute avec des morceaux plus contemplatifs et moins violents. J’ai aussi eu un peu de mal à mettre en avant un morceau plus qu’un autre. En effet, les parisiens ont produit un album très homogène avec une belle unité et une progression très réfléchie, mais qui n’est pas parvenue à me faire choisir mon morceau favori dés la première écoute. C’est sans doute aussi parce que c’est un album qui doit s’écouter avec attention, et qui nécessite d’y revenir pour débusquer les subtilités qui nous avaient d’abord échappées. Group coup de cœur néanmoins pour le break de In The Arms of Mortality et agréablement surprise par l’instrumentale, A Kindness et les nombreuses intro très mélodiques. Un premier album très réussi pour Sorcerer dont j’attends de voir la direction qu’ils seront capables de prendre sur leurs prochains projets. Ils sauront nous surprendre à n’en pas douter. En attendant, vous pourrez les découvrir rapidement en live !

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