Ton dernier roman prend place dans l’Italie mussolinienne. Pourquoi avoir fait le choix de cette époque et de ce pays ? Car sur le fond tu pouvais raconter cette histoire avec n’importe quelle nationalité.
Tout d’abord, merci Thomas pour tes fameuses trois questions. L’idée de départ est née de la découverte d’un pan assez méconnu de l’histoire italienne, en tout cas chez nous : les îles-prisons en Méditerranée où Mussolini exilait ses opposants politiques, les homosexuels et toutes les personnes qui ne rentraient pas dans le rang. Chez moi, le fantastique a souvent une fonction de révélateur ; j’aime fouiller là où des crimes ont été dissimulés, voire oubliés. J’ai également toujours écrit sur les régimes totalitaires, notamment ceux du bloc soviétique pour leur côté absurde, « kafkaïen ». De plus, le cadre de ces îles volcaniques, leur nature hostile m’attirait particulièrement. Sans doute que le film « Stromboli » de Roberto Rossellini a été une influence majeure. J’espère que l’île fictive de mon roman « Tripari » a sa propre personnalité ; elle est un mélange de plusieurs îles réelles : Vulcano, Stromboli, Lipari et San Domino. Ayant des origines corses et habitant sur la Côte d’Azur, ce sont des paysages qui me sont familiers. Bref, je ne crois pas que j’aurais été capable d’imaginer cette histoire dans un autre cadre et à une autre époque.
Le personnage de Giuseppe est finalement le seul très développé dans le roman. Comment procèdes-tu quand tu dois concevoir tes protagonistes ? Commences-tu par la physique ou bien la psychologie ?
La psychologie est une notion qui m’effraye un peu en littérature… Elle appartient plutôt aux scientifiques et on risque de tomber dans les clichés. J’évite d’intellectualiser la conception de mes personnages. Je préfère l’intuition, j’essaye de leur donner une présence dès leur apparition ; ils doivent frapper l’esprit du lecteur par l’apparence, le comportement ou le dialogue. Ils ont bien sûr une histoire, des motivations, mais je refuse de suivre une logique trop prévisible ou explicable. Nous sommes fondamentalement des êtres irrationnels.
Comment amènes-tu l’élément fantastique ? Te laisses-tu porter, ou bien as-tu un plan parfaitement établi bien en amont de l’écriture ?
Pour ce roman, j’avais une idée assez précise des éléments fantastiques ; ils proviennent d’authentiques légendes moyenâgeuses au sujet des îles éoliennes. Cependant, j’écris de manière très intuitive, je ne planifie pas, je ne connais pas le cheminement de l’intrigue et toutes les péripéties à l’avance, sinon je m’ennuie terriblement.
Comme mentionné plus haut, le fantastique est pour moi un révélateur d’horreurs, qu’elles soient commises par un régime autoritaire ou qu’elles se terrent au fond de nous… Pour aller puiser des choses désagréables, inavouables en soi, il vaut mieux se laisser porter. Enfin, le fantastique est selon moi le genre littéraire qui aborde le plus frontalement le sujet qui nous concerne tous : la mort.
Encore une fois, je te remercie pour ces questions pertinentes !