3 questions à Bleuenn Guillou, autrice du diptyque Conjurations

Pourquoi avoir choisis un univers proche de l’Empire romain pour ton histoire ? Une telle aventure aurait pu avoir lieu dans d’autres mondes sans difficultés. Est-ce un amour de ta part de cette culture latine ?

Avant d’avoir fait mes études d’édition et de devenir éditrice, j’ai fait des études d’histoire ! Je suis allée jusqu’en master, puisque j’ai fait un master de recherche spécialisé en histoire romaine. Du coup, si j’ai choisi cette époque, ce n’est pas pour rien ! Mon amour pour l’antiquité romaine remonte à longtemps : comme beaucoup j’ai été fascinée par la mythologie gréco-romaine et j’ai même fait du latin. Puis en classe de première, j’ai découvert Caligula, de Camus, une œuvre exceptionnelle qui a scellé mon destin ! Cette pièce de théâtre m’a poussée vers les études d’histoire. Conjurations est d’ailleurs tiré de la vie de Caligula, cet empereur tyrannique, le seul des Julio-Claudiens (dont Néron faisait partie par exemple) qui n’a pas été réhabilité par les historiens. L’histoire ? Les premiers mois de règne de Caligula se sont déroulés sous les meilleurs auspices, tout se passait à merveille… puis il est tombé malade, sa sœur est morte, et tout a changé. Que s’est-il passé ? Nul ne le sait ! Conjurations, à la base, vient de l’idée de donner une explication magique à ce changement radical. Depuis, le roman a beaucoup évolué, mais il était donc évident pour moi de placer son intrigue à l’époque romaine, je n’ai même jamais pensé à l’écrire autrement ! Même si son intrigue paraît pouvoir se passer n’importe quand et n’importe où, moi je l’ai intrinsèquement réfléchie avec l’Empire romain en tête.

Livia est pour moi l’exemple même de ce que doit être une héroïne féminine dans un roman de fantasy : déterminée, dynamique, puissante, mais avec ses doutes et ses faiblesses également. Comment l’as-tu conçue ? Et quelle part de toi porte-t-elle en elle ?

Merci ! Livia a été un personnage difficile à écrire, parce qu’elle est toujours sur un fil rouge, entre moralité et immoralité. Je ne voulais pas d’un personnage tout blanc, le manichéisme ne m’intéresse pas, mais elle devait tout de même provoquer la sympathie. Or, au début, Livia ne l’était pas, sympathique. On ne voyait que ses mauvais côtés. Elle est devenue plus attachante grâce aux conseils de mon éditrice, qui m’a aidée à l’adoucir. Contrairement à beaucoup d’auteurs qui ont tendance à écrire une version idéalisée d’eux-mêmes, moi j’écris une version plus sombre : prête à tout, parfois au pire. Donc oui, Livia représente une partie de moi-même, celle que j’aimerais être parfois, mais que je n’oserais pas être : puissante, maîtresse de son destin, qui peut devenir quelqu’un d’important et laisser une trace dans l’histoire. Comme je le disais, je n’aime pas les personnages manichéens, très peu réalistes, je préfère écrire des personnages humains, où chacun croit être le héros de sa propre histoire, qui suit ses propres motivations, qu’ils pensent bonnes, qui a des défauts et des qualités.

Tu proposes avec Conjuration un diptyque. Pourquoi avoir fait ce choix des deux tomes ? Tu avais déjà, sauf erreur déjà fait ce même choix sur ta première saga, Tribut des Dieux.

Alors Le Tribut des dieux était en réalité un one-shot ! C’est ma maison d’édition qui m’a demandé d’en écrire un second, parce qu’ils estimaient que l’univers était très riche et que je pouvais encore le développer. J’ai accepté, mais le second tome est indépendant du premier : les personnages sont différents et l’intrigue se passe quinze ans après.

Pour Conjurations, c’est une vraie duologie, l’un ne peut pas se lire sans l’autre ! J’ai fait ce choix tout simplement parce que l’intrigue l’exigeait. Je voulais développer les personnages, mais surtout les différentes relations (alliances, trahisons, manipulations, secrets) sur du long terme, et j’avais la sensation qu’un tome ne suffirait pas. Je ne peux pas trop en révéler pour ne pas spoiler, mais j’adore aussi les structures parallèles, et la duologie s’y prête à merveille. Dans le tome 1, on restait focalisés sur le palais impérial malgré quelques excursions en dehors, alors que dans le tome 2, on va découvrir le reste de l’Empire, la magie sera davantage mise en avant et l’intrigue va prendre encore plus d’ampleur ! Et j’avais précisément besoin de deux tomes pour qu’elle prenne l’ampleur que je désirais.

À titre personnel, je n’aime pas les longues séries, donc je privilégie les one-shot ou les dytiques !

Question subsidiaire : N’est-ce pas difficile d’être à la fois éditrice et autrice ? Le spectre éditorial ne vient-il pas parasiter ton écriture ?

Au contraire ! Être éditrice m’aide à être une meilleure autrice.

D’abord parce que je connais bien le monde éditorial, le marché, le fonctionnement du milieu, ce qui m’aide à me positionner au sein des maisons d’édition avec lesquelles je signe. Ensuite, ça m’a évité de tomber dans les pièges dans lesquels tombent de nombreux auteurs débutants (que ce soit en signant avec n’importe qui ou en envoyant des manuscrits inaboutis) : mon premier roman envoyé en édition a été signé dès le premier envoi. Surtout, ça me permet de me placer du point de vue de la maison d’édition, donc d’être bien plus professionnelle, notamment pour accepter les retours ou respecter les délais. Vraiment, je n’y vois que des avantages, ça m’a permis de gagner du temps. C’est parfois une pression supplémentaire, parce que je veux être à la hauteur de ce que j’exige de mes auteurs, mais j’essaie de faire au mieux.

Merci pour tes réponses et à bientôt pour la sortie du second tome !

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