Bon, ça partait bien et puis comme le Steven Erikson, ça finit mal! Jenn Lyons a certes un univers très développé et déployé, mais… principalement dans sa tête! Et comme les lecteurs ne sont pas dans la tête des auteurs, le mieux est encore de rendre son univers limpide…
Kihrin a grandi dans les quartiers pauvres de la Cité capitale. Voleur et fils de ménestrel élevé dans une maison close, il a été bercé par les fables évoquant des princes disparus et des aventures trépidantes. Lorsqu’il est malgré lui désigné comme le fils perdu d’un seigneur cruel et corrompu, Kihrin se retrouve à la merci des querelles de pouvoir et des ambitions politiques qui animent sa nouvelle famille.
Quasi prisonnier, Kihrin découvre qu’être un prince disparu n’a pas grand-chose à voir avec les histoires des ménestrels. D’ailleurs, il s’avère que celles-ci lui ont bien menti : sur les dragons, les démons, les dieux, les prophéties… et l’idée que le héros gagne toujours à la fin.
Peut-être Kihrin n’est-il pas ce héros, finalement. Car il n’a pas pour destin de sauver le monde… mais de le détruire.
L’univers est dense (ENCORE un glossaire final tellement énorme qu’on ne peut pas tout lire!) avec une mythologie étendue et un nombre de personnages incalculables. La narration choisie n’aide pas: l’histoire est racontée du point de vue de deux personnages; Kihrin et sa geôlière; alternant entre un passé récent et de nombreux flash-back. C’est beaucoup trop long, beaucoup trop lent et beaucoup trop explicatif. On sent que l’auteur a besoin de détailler son univers qui ne coule pas naturellement : on est bien loin d’un Joe Abercrombie par exemple.
Quand on a à peu près compris où allait l’intrigue, vient s’ajouter une histoire de dynastie royale avec un arbre généalogique de dix pieds de long! Même la carte de l’univers au début est incomplète donc on ne sait jamais vraiment où on est. Sous couvert de développer un “univers à la Tolkien”, Lyons perd ses lecteurs dans des langues, lieux, croyances aux consonances “fantasy” pour faire un peu genre. L’ensemble est beaucoup trop lourd (comme l’ouvrage lui-même!) et manque finalement de profondeur et notamment le personnage de Kihrin auquel on n’arrive pas du tout à s’attacher.
On reconnaîtra en revanche les dialogues bien tournés et la traduction très ciselée de Louise Malagoli pour qui la traduction a dû être bien intense. Le chapitrage est également très plaisant avec de petits dessins qui viennent ponctuer les titres comme des tatouages.
J’ai un peu de mal à voir le potentiel de cette saga, apparemment déjà prévue en série… La tendance actuelle de beaucoup de romans de fantasy veut qu’on en mette des tonnes avec des termes compliqués au lieu de se focaliser sur une intrigue forte avec des personnages auxquels on peut s’attacher. C’est bien dommage, car ça donne des pavés qui n’ont pas la puissance d’un Tolkien ou la subtilité d’un Gaiman.