Chromatopia est le troisième roman de Betty Piccioli. Troisième roman en peu d’années, ce qui est la preuve que l’auteure a une belle imagination et que nous ne sommes pas au bout des surprises qu’elle peut nous réserver. Après avoir écrit surtout en jeunesse, Chromatopia est son premier roman young adult et, malgré mes cheveux blancs, j’y ai trouvé beaucoup de joie à sa lecture.
Au royaume des couleurs, c’est en noir et blanc qu’on voit le mieux.
Chromatopia. Un royaume où chaque couleur représente une caste sociale. Où il est impossible de se dérober à son destin.
Aequo, teinturier de la Nuance Jaune, s’apprête à reprendre la prestigieuse entreprise familiale. Mais après un accident, il perd la vision des couleurs…
Hyacintha, orpheline de la Nuance Bleue, tente de survivre comme elle peut en bas de la Cité, où règnent la misère et la pauvreté. Jusqu’au jour où on lui propose un marché pour retrouver ses parents…
Améthyste, Princesse du Royaume, doit choisir le futur Roi parmi ses prétendants. De ce choix dépend l’avenir de Chromatopia…
Ils ne le savent pas encore, mais tout peut changer grâce à eux.
Betty Piccioli est issue des rangs des jeunes auteurs du réseau Cocyclics. Je me souviens y avoir trouvé de nombreuses aides dont une liste de termes liés à l’escrime. C’est un tel inventaire, sur les couleurs et leurs variantes, que l’auteure utilise parcimonieusement au fil de ce roman attachant au message sous-jacent amené avec subtilité.
Ainsi le Royaume-Cité de Chromatopia s’érige comme tant de cités, du haut vers le bas telles Les monades urbaines de Robert Silverberg et du cœur à la banlieue telles nos villes-capitales. La distinction entre les différentes castes se caractérise par la couleur de leurs vêtements, les traditions qui les portent, les murs et murailles physiques et géographiques.
C’est un récit aux multiples rebondissements qui nous tient en haleine, tant la caractérisation des protagonistes nous attache à ces derniers, nous faisant espérer qu’ils arriveront à leurs fins malgré tous les vents contraires qui les repoussent au loin. Nous partons d’un monde qui semble idéalisé au tout début du roman, pour y trouver les ombres, la cruauté, la dureté de cette société humaine.
Enfin, c’est l’occasion d’un développement multidimensionnel qui nous est proposé, car les trois protagonistes s’expriment à la première personne et nous nous retrouvons ainsi parfois dans l’esprit d’un autre héros quelques temps avant l’action qui vient de se clore. Loin d’être une entrave au récit, c’est une excellente idée que cette alternance de points de vue qui a déjà été mise en valeur, non sans réussite, dans nombre de films et séries.
Il apparaît que même la caste supérieure se trouve contrainte par ses devoirs envers le système. Ce n’est pas loin de notre monde où nous devons servir un argent virtuel qui n’existe pas et qui fait peser toutes les menaces sur les plus faibles d’entre nous. Ainsi cette transposition littéraire est d’une intensité captivante qui est d’autant plus prégnante que l’action est omniprésente dans ce texte.
Porteur des thématiques récurrentes au passage à l’âge adulte, ce roman est une belle réussite. L’allégorie des couleurs nous ramène à la dure réalité de notre monde. Avec subtilité et un sens aigu de la narration, Betty Piccioli nous offre un texte agréable et immersif dans lequel nous identifions les injustices, les inégalités qui sévissent dans nos sociétés modernes portées par l’individualisme et l’obsession du profit à court terme. Une œuvre militante avec une progression maîtrisée dont nous ne pouvons que recommander la lecture.