Jacoozi – Brant Bjork

Jamais disque n’a mieux mérité son nom que le Jacoozi de Brant Bjork. Un disque qui sent la détente, qui file au fil de l’eau, propice à la relaxation.

Je me souviens pourtant d’un concert de Brant Bjork & the Low Desert Punk Band à mi-chemin entre jam bruitiste et envolées guitaristiques fuzzy sous la tente de la Valley au Hellfest 2015. J’ai jeté une oreille sur quelques-uns de ses albums (pas tous : Punk Rock Guilt et Gods & Godesses surtout, assez bons) en général plutôt rock. L’ancien batteur de Kyuss, entretemps passé à la guitare/voix produit des titres assez groovy, rarement mous malgré des séquences laid back ou planantes et un goût pour le mantra.

Renseignements pris, le projet de cet album date en fait de 2010 (donc la même année que Gods & Godesses, a priori) et part d’improvisations de batterie qui ont fini par donner des titres assez variés ; je dis « titres » car ce ne sont pas, pour la plupart, des chansons, mais souvent des instrumentaux.

Can’t Out Run the Sun démarre en effet sur des roulements profonds et réguliers de toms de batterie. La guitare vient ensuite jouer une mélodie filtrée par un effet assez marqué, et le morceau démarre petit à petit en ajoutant quelques couches d’instruments assez ouatées, nous transportant sur près de 7 minutes dans un trip un peu répétitif mais pas dénué d’ambiances. Le titre du morceau suivant, Guerrilla Funk, annonce un peu la couleur, le feeling funk n’est pas loin, principalement du fait de la section rythmique, même si la guérilla est plutôt du genre non-violente. Le résultat rappelle le premier morceau, avec des variations plus nombreuses et plus subtiles, là encore sur sept minutes : les instrumentaux sont sympas, mais on reste dans une musique d’ambiance qui ne va pas retenir l’attention de tout le monde. J’aime beaucoup le riff de Mexico City Blues, qui rappelle certains morceaux de Gods & Godesses (Porto, de mémoire), dans une ambiance aux accents mystérieux ; mais on attend que le morceau décolle, et cela n’arrive pas vraiment, malgré un pont expressif.

Un bref intermède à la batterie, assez expressif, nous amène à Black & White Wonderland : à la fois rêveur et inquiétant, toujours instrumental, assez minimaliste. Qui, le morceau suivant, possède une ambiance à situer quelque part entre Shaft et une BO de polar 70’s, une guitare solo moelleuse et acidulée venant poser quelques mélodies. Le morceau s’énerve au bout de trois minutes et vient réveiller l’album avec des rythmiques et un soli sympa. Mixed Nuts n’est pas inintéressant et pourrait évoquer les Doors qui joueraient du jazz, sans Jim Morrison – un peu comme dans leurs deux derniers albums inconnus du grand public, Full Circle et Other Voices. Lost in Race, en dehors d’un son de cymbales plutôt curieux, est plus dynamique et plus enthousisamant, mais il ne vaut peut-être pas ses 6 minutes, même si le bassiste (Brant Bjork lui-même, a priori, qui semble jouer de tous les instruments) s’amuse un peu. Polarize s’ouvre sur une guitare déchirée et une rythmique syncopée ; j’aime assez le morceau qui, en reposant sur le solo lancinant de guitare, pourrait évoquer un lendemain de cuite. On n’a toujours pas entendu le moindre son de voix ; c’est que Brant s’est réservé pour la fin et la chanson Do You Love Your World, qui malgré son chant qui peut rappeler Knockin’ on Heaven’s Door (le graal des groupes de reprise), est un titre agréable, avec une belle ambiance laid-back, qui achève le disque en faisant regretter qu’il n’y ait pas plus de chant – et de larsens ! Ainsi s’achève ce disque, un peu comme au coin du feu, au pied des cactus.

De fait, le disque ne plaira pas vraiment à tout le monde : les fans de Brant Bjork, les amateurs d’ambiances et les bidouilleurs guitaristiques pourront y glaner quelques plaisirs ; on reste assez loin des clichés du stoner, vu qu’on lorgne plutôt vers le funk, voire les rythmes latinos. Mais le rock’n’roll est un gigantesque creuset, et Palm Desert, la matrice de Kyuss, reste bien plus proche du Mexique que de New York ! Ce n’est pas le disque du siècle, plutôt un apéritif sympa pour un prochain album, qui rentre bien dans la logique underground de Brant Bjork.

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