Après avoir surtout œuvré pour la télévision, le jeu vidéo et de petites productions indépendantes, Bear McCreary travaille sur son premier blockbuster avec Godzilla: King of Monsters. Il prend ici la suite d’Alexandre Desplat et embrasse plus largement l’héritage de la plus célèbre franchise japonaise de Kajiu.
En 2014, le Godzilla de Gareth Edwards ramenait sur le devant de la scène US le plus célèbre lézard de l’histoire du cinéma, lui qui avait déjà eu les honneurs d’une adaptation sauce hollywoodienne de l’inénarrable Roland Emmerich en 1998. Ce redémarrage est le point de départ d’un univers partagé qui s’est poursuivi avec Kong : Skull Island. Il a été accompagné par notre français Alexandre Desplat, qui avait proposé une bande originale très percussive, efficace avec les images, mais aux mélodies très discrètes.
Pour ce deuxième volet, Bear McCreary a décidé de ressusciter l’héritage d’Akira Ifukube, le compositeur associé à la création de la franchise au Japon dans les années 50/60. La musique de King of Monsters remet en avant les principaux thèmes du japonais tout en essayant de laisser une petite place au style de McCreary.
Dès les premières minutes, l’auditeur va se rendre compte qu’on souhaite dans cet album le replonger dans le passé de Godzilla. L’album s’ouvre sur la chanson Godzilla de Blue Oyster Cult, reprise par Serj Tankian (que l’on entend partout après Game or Thrones). Cette version sur-vitaminée et légèrement modernisée sait se montrer efficace, comme le sera le reste de la BO.
Les thèmes d’Ifukube sont ensuite partout : le compositeur des Godzilla de la Toho a laissé un large héritage musical après 45 ans de travail sur la franchise. Ce travail est présenté sur diverses compilations disponibles encore aujourd’hui, par exemple ce best of. Bear McCreary va fidèlement les reprendre.
Le main title reprend le thème original de Godzilla avec choral. Il aura droit à quelques grosses apparitions tout au long de l’album, comme sur Rebirth où il se déchaîne, ou encore sur King of the Monsters où il est joué au terme d’un crescendo sur-vitaminé. D’autres créatures auront les mêmes honneurs : Ghidorah (la fin de The Larva, Rise of Ghidorah, Ghidorah theme) ou Rodan et Mothra (le très sympathique Mothra’s song). Les thèmes s’entrecroisent à grands coups de cuivres, de cordes et de chœurs. Bear McCreary ne cesse de s’amuser avec eux, de les citer, de les opposer, comme en témoigne l’excellent Old Rivals qui confronte et mélange les thèmes de Godzilla et Ghidorah. De ce point de vue, l’utilisation est respectueuse – le compositeur en parle largement sur son blog – et hollywoodienne dans le sens où il y a des moyens, un gros orchestre et un son gonflé à bloc.
Mais cette réutilisation laisse peu de place au style de McCreary. En effet, la composition ressemble souvent à du gros blockbuster US qui tâche. Il y a une orgie de cordes et de cuivres pour montrer le côté méchant/dangereux des monstres qui s’animent à l’écran. Et malgré des passages ébouriffants comme sur A mass awakening, il est difficile d’écoute l’ensemble de l’album d’un trait dans tout est imposant, joué avec une énergie constante et des moyens conséquents (voir les ostinatis de Ice Breaker par exemple).
Le CD n’a que peu de moments de pause et c’est là où Bear McCreary tire son épingle du jeu. Memories of San Francisco laisse les cordes prendre une ampleur Battlestar Galactienne, quand The First Gods ou Redemption esquissent des motifs plus nobles. Goodbye old friend dessine un thème très proche de Da Vinci’s Demons, avec un chœur religieux reposant au milieu du tumulte. C’est peu, mais on sent que le compositeur a préféré se concentrer sur les thèmes existants plutôt que d’ajouter sa patte.
Du reste, le compositeur a la chance de voir cinq albums sortir ces dernières semaines. Entre l’aventure américaine de Outlander saison 4, l’élégance classique de The professor and the madman, l’hommage aux productions Amblin de Rim of the World et la partition décomplexée de Child’s Play (Chucky), il y a de quoi observer la large palette de son talent que complète ce Godzilla.
Conclusion
Godzilla : King of Monsters est une grosse tarte à la crème. Parfois indigeste en raison de nombreuses pistes d’action massives, l’album permet de découvrir un orchestre énergique, porté par des chœurs très présents, qui servent d’écrin aux thèmes mythiques d’Akira Ifukube. Si ce n’est pas le meilleur travail de Bear McCreary, pour son premier blockbuster, il y démontre des qualités de démesure musicale et d’énergie qu’on espère retrouver dans de prochaines compositions.
Godzilla : King of Monsters
Une bande originale composée par Bear McCreary
Disponible en CD et téléchargement chez WaterTower Music