Afin de juguler mon impatience de visiter (enfin) l’exposition Tolkien, un voyage en Terre du Milieu (22 oct. 2019 – 16 fév. 2020, Bibliothèque François Mitterrand) – après près d’un an d’attente insoutenable – je me suis penchée sur la lecture de la nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux parue de 2014 à 2016 chez Christian Bourgois éditeur.
Dans les vertes prairies du Comté, les Hobbits, ou Demi-Hommes, vivaient en paix… jusqu’au jour fatal où l’un d’entre eux, au cours de ses voyages, entra en possession de l’Anneau Unique aux immenses pouvoirs. Pour le reconquérir, Sauron, le Seigneur Sombre, va déchaîner toutes les forces du Mal… Frodo, le Porteur de l’Anneau, Gandalf, le magicien, et leurs intrépides compagnons réussiront-ils à écarter la menace qui pèse sur la Terre du Milieu ?
Je n’évoquerai pas ici pourquoi lire Tolkien, ni la fascination pour l’univers qu’il a créé, mais me pencherai plutôt sur ce qu’apporte cette nouvelle traduction dans la redécouverte de cette oeuvre mais aussi sur les atouts de cette nouvelle parution.
C’est entre 1972 et 1973 qu’est parue la première traduction du Seigneur des Anneaux chez Christian Bourgeois. Ce n’est donc pas étonnant que l’éditeur propose une nouvelle traduction quarante ans après. Depuis quarante ans, il s’est d’ailleurs passé beaucoup de choses : le décès de Tolkien en premier lieu (1973), mais aussi un certain nombre de publications posthumes comprenant des romans mais aussi des travaux universitaires – La Légende de Sigurd et Gudrún (2009).
Permises par son fils Christopher, bon nombre d’entre elles ont pour thème la Terre du Milieu (les dates de parutions sont ici celles des textes anglais) : Le Silmarillion (1977) ; Contes et Légendes Inachevées (1980) ; L’Histoire de la Terre du Milieu qui ne comprend pas moins de douze livres – Le Livre des Contes perdus 1 et 2 (1983 et 1984), Les Lais du Beleriand (1985), La Formation de la Terre du Milieu (1986), La Route Perdue et autres textes (1987), The Return of the Shadow (1988), The Treason of Isengard (1989), The War of the Ring (1990), Sauron Defeated (1992), Morgoth’s Ring (1993), The War of the Jewels (1994), The Peoples of Middle-earth (1996) – ; Les Enfants de Húrin (2007), Beren et Lúthien (2017), et La Chute de Gondolin (2018).
Il faut noter que certaines de ces publications ne sont pas encore traduites en français mais j’espère que cela ne saurait tarder.
La nouvelle traduction du Seigneur des Anneaux vient après la découverte de tous ces textes sur l’histoire et la mythologie de la Terre du Milieu, par ailleurs évoquées au sein des trois volumes de l’oeuvre phare de Tolkien. Elle prend également en compte la dernière version du texte anglais mais aussi les indications que l’universitaire avait laissé à l’attention des traducteurs, ajoutant du crédit à la traduction.
Dans cette nouvelle traduction, c’en est fini de la francisation à outrance des noms propres, et cela commence par les noms des personnages principaux. Plus de “n” à la fin de Bilbo et Frodo, et Brandebouc reste Brandibouc. Ce ne sont pourtant que des détails quand on pense à certains gros changements intervenus dans cette traduction : Hauts des Galgals => Coteaux des Tertres, Foncombe => Fendeval. Eh oui, Imladris a subi une transformation qui est dure à prendre en compte après la popularisation du Seigneur des Anneaux grâce à la trilogie de Peter Jackson. Cependant le choix de traduction du titre du premier volume est celui qui m’a le plus perturbée – il est souvent très dur de se défaire des vieilles habitudes. En effet, La Communauté de l’Anneau est devenue La Fraternité de l’Anneau. Par cette variation minime de la traduction, on sent cependant un changement de sens des liens qui unissent le Porteur de l’Anneau et ses compagnons. La chevalerie surgit au détour de ce mot, chevalerie et Moyen-Âge qui ont fasciné Tolkien et qui ont fait partie de sa carrière universitaire.
L’attrait de Tolkien pour cette période lui vient, sans doute, de son enfance et de William Morris (1834-1896). Morris était un poète, dessinateur et principal représentant du mouvement Arts & Crafts (1860-1910), il est également proche du Préraphaélisme (né en 1848) qui est un courant artistique prônant le retour à une esthétique ayant pour modèle les artistes italiens du XVe siècle. Morris a par ailleurs écrit des romans de fantasy en parallèle de ses travaux sur l’art et de ses écrits politiques. Le Pays Creux (1856) ainsi que La Source au Bout du Monde (1896) en sont de bons exemples.
Revenons à nos moutons et à l’esthétique médiévale de cette nouvelle traduction. Il s’agit, ni plus, ni moins qu’un roman de chevalerie avec ses preux chevaliers et ses belles dames, du combat du Bien contre le Mal, mais aussi du dépassement de soi et des héros des chansons. Le verbe est beau, les phrases sont fluides. Les descriptions de paysages (qui parfois sont looongues) nous emportent dans cet univers hors du temps que viennent illustrer des illustrations d’Alan Lee d’une très grande qualité (18 dans le premier tome, 16 dans le deuxième et 15 dans le dernier) ainsi que des cartes de la Terre du Milieu en couleur.
Daniel Lauzon n’en est pas à son coup d’essai avec Le Seigneur des Anneaux. Il traduit les œuvres de Tolkien depuis 2006 (Les Lais du Beleriand). On lui doit par ailleurs la nouvelle traduction du Hobbit (2012 chez Christian Bourgeois).
Avec cette nouvelle traduction, Christian Bourgeois éditeur nous régale par la redécouverte d’un texte plus fluide que je ne l’avais connu, où les jeux de mots, chers à Tolkien, sont présents. Le texte est magnifié par les illustrations d’Alan Lee et on se plonge avec plaisir dans la géographie de la Terre du Milieu grâce aux cartes.
Bonjour !
Je me permets de vous signaler une petite erreur : Bourgois ne contient pas de E quand il s’agit de l’éditeur :)
Merci pour cet avis et au plaisir de vous relire !
C’est corrigé, merci beaucoup :)