Shadowrun Anarchy – BBE

 

 

 

Anarchy est un système de jeu alternatif pour ce grand classique qu’est Shadowrun et publié par Black Book Éditions. Cet ouvrage s’inscrit entre la v5 et la future v6 qui n’est pas encore sortie. Il est au format américain, couverture dure avec un signet jaune. Et bien évidemment issu d’un énième financement participatif (ou précommande si vous voulez jouer sur les mots).

Y’a-t-il un petit clin d’œil du titre avec le guide Néo Anarchiste de l’Amérique du Nord de la v2 ? Aucune certitude, mais je choisis de le croire.

Disons le toute de suite, avec la pléthore de livres de base, de scénarios et de suppléments sortis, commencer à jouer dans le monde de Shadowrun peut intimider vu la densité de background, les intrigues qui émaillent le sixième monde et le jeu des mégacorporations… BBE a tenté le pari d’une boite d’initiation, mais je pense qu’Anarchy fait le job. En mieux.

Cela mérite bien évidemment de développer…

Première chose, après une introduction où je me suis quand même bien reconnu (joueur de la première heure, campagnes ouvertes pendant plus de 20 ans, etc.), je trouve que la présentation du jeu est intelligente et va à l’essentiel : “la bêtise tue plus vite qu’une balle”, vous avez besoin de connexions (physiques et virtuelles) et votre survie sera faite de sacrifices quel que soit le monde dans lequel vous allez choisir d’évoluer (plutôt gangs, mafia, corpo, etc.). Mais surtout (et contrairement à la v5) : une présentation historique vous retrace le monde depuis l’éveil jusqu’aux derniers événements de 2076 ! Cette partie aborde donc la chronologie, la géographie, la géopolitique corporatiste (et Zurich orbital), la vie dans les différents milieux et les spécificités du monde (magie, matrice).

Deuxième point à aborder, la création de personnage met en avant l’histoire. On commence par définir le niveau de jeu (en gros “street level”, runneur ou élite) ce qui déterminera les points disponibles pour construire l’alter-ego ludique des joueurs. Mais surtout le concept du personnage qui déterminera s’il est éveillé ou non (et son pendant technologique), ses comportements (4) et ses répliques (6) ; deux mécanismes qui poussent à l’interprétation pour récupérer des points de méta ressource (points d’Anarchy) qui lui permettront d’influer sur le jeu de manière plus importante.

Troisièmement, la création de personnages. Le cœur est toujours le même mais le nombre de caractéristiques a été réduit, de manière logique, et c’est une version simplifiée des points à dépenser. Exit le système de priorité et les listes à rallonges. Exit le système de groupe de compétences, compétences et spécialisation, là encore on se recentre et on reste sur compétence et spécialisation le cas échéant.

Petite aparté sur les caractéristiques : “Edge” a ENCORE été traduit par “Chance”, ce qui est à la fois réducteur et passe à coté du principal. “Edge”, c’est à la fois le professionnalisme, les tripes, la chance, le point de rupture et tout ce qui fait qu’une personne peut dépasser ses limites (d’ailleurs la traduction de “over the edge” va dans ce sens). Donc “Dépassement” ou “Limite” serait clairement plus adapté.

Qui pourrait se considérer comme un professionnel si sa maîtrise n’est pas supérieure à sa chance ?

Exit la notion d’argent à la création pour se concentrer sur le personnage, le matos est un avantage qui pourra être sélectionné plus tard et là encore fini les listes interminables et les calculs d’épiciers. Un personnage à droit à deux avantages et un désavantage. Basta.

Autre aparté sur le niveau de jeu et le décompte de l’argent : le niveau de base (ici appelé Ganger) n’est pas trop compatible avec cette disparition.

L’ambiance crève-la-dalle et le fait de compter le moindre New Yen (monnaie du jeu, notée ¥) , voire de pleurer ses balles perdues  et l’argent gaspillé est une composante importante du jeu à mon avis.

Après les 80 premières pages qui abordent les différents aspects que j’ai évoqué, on a en gros 70 pages de personnages prétirés qui sont à la fois une manière de fournir des personnages clés en main (et des exemples ou des inspirations) et des PNJ utilisables immédiatement. Les anciens maîtres du jeu qui ont suivi Shadowrun depuis la v1 verront là le clin d’œil aux différents livrets qui accompagnaient les écrans.

Les points suivants que je souhaite aborder concernent le système de jeu :

  • La brouette de dés est toujours là mais le seuil de réussite de 5-6 peut être étendu à 4 via l’utilisation d’un point de Dépassement (je me refuse à appeler cela Chance pour les raisons précédemment exposées), certains avantages (spécifiques ou matériel) permettent de rejeter des dés n’ayant pas atteint le seuil de succès.
  • Les dé d’imprévu est intéressant. Il permet de proposer des rebonds narratifs via des complications (notion déjà existantes dans les versions précédentes) ou des exploits (notion nouvelle) grâce à un dé spécifique généralement utilisé via la dépense d’un point d’Anarchy. Cela évite donc de transformer chaque jet de dés en roulette russe ayant 1 chance sur 6 de faire une catastrophe pour le personnage et 1 chance sur 6 un exploit. Cette modification possible arriverait donc 1 fois sur 3…
  • Les points d’Anarchy sont un ressort intéressant pour les joueurs puisqu’ils permettent de participer à la narration et ne sont pas punitifs puisque le MJ peut les utiliser pour aider les joueurs ou perturber la narration sans pour autant être punitif.

À la lecture des possibilités offertes par les points d’Anarchy et la mécanique qui les accompagne, je me suis rendu compte que nous le faisions déjà de manière implicite à nos tables dans mon groupe de joueurs. Est-ce donc juste réinventer la roue en plus rigide ? Je pense que non car l’intérêt se perçoit directement avec un MJ borné ou trop dirigiste (disons le clairement) mais cela peut aussi aider des joueurs un peu timides à s’affirmer. En tous cas c’est plus intéressant que l’équivalent mécanique des jeux Apocalyspe.

  • La mécanique traitant de la matrice  tient sur… 3 pages, règles optionnelles incluses. Monde à part nécessaire au jeu mais le complexifiant, l’introduction de la réalité augmentée avait déjà permis de régler les problèmes d’éclatement du groupe (et donc de ralentissement du jeu), mais cet aspect de jeu pouvait être encore lourd. Voici encore une simplification bienvenue. La magie est à l’avenant.

10 pages de conseils de maîtrise avec exemples (et détaillant la narration partagée), 25 pages de PNJ et de créatures, 10 pages pour décrire Seattle et le cadre de jeu et on arrive sur 50 pages détaillant 30 topos de mission (synopsis de scénario) à la sauce Anarchy, dont certains que nous avons déjà joué à de nombreuses reprises (l’attaque du super marché à été bien bien refourguée) dans les éditions précédentes. Cela va de manière croissante et certains sont en plusieurs parties. Puis 5 pages clôturent l’ouvrage pour proposer un guide de conversion SR5/SR6 vers Anarchy et inversement et présenter quelques ouvrages des gammes habituelles. Une feuille de personnage est fournie en fin d’ouvrage.

Pour faire simple : Anarchy est la bonne découverte en terme de prise en main et de mécanique moderne. Une manière simple et élégante de dépoussiérer Shadowrun et de permettre au plus grand nombre de découvrir ce monument du jeu qui peut décourager par sa très longue histoire et la densité de son univers.

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