Ghost Stories – Jeremy Dyson et Andy Nyman

Le Professeur Goodman (Andy Nyman) s’évertue à démasquer les charlatans qui se disent en contact avec le monde des esprits. Pour lui tout finit par s’expliquer. Le surnaturel n’existe pas. Un jour, un illustre collègue et idole de Goodman, le professeur Cameron (Martin Freeman) va lui confier une mission. Alors qu’il est mourant, Cameron est assailli par le doute. Parmi tous les dossiers qu’il a traités au cours de sa carrière, trois restent complètement inexpliqués. Cameron va donc demander à Goodman d’examiner et de résoudre ces trois mystérieuses affaires…

Ghost Stories, on ne peut pas faire plus direct et plus simple. On dirait le titre d’un recueil de nouvelles fantastiques du XIXème siècle. Et c’est pas par hasard. Grâce à son postulat d’office, Ghost Stories se donne des airs de films à sketches. Cela nous rappelle le bon vieux temps de la Amicus, la « petite sœur » et rivale de la Hammer, compagnie qui s’était notamment illustrée dans le film à sketches fantastique (Tales from the Crypt en 1972, The Vault of Horror en 73, From Beyond the Grave en 74, etc…etc…). Tout cela pour dire que les Anglais sont parfaitement familiers de ce genre d’exercice. Y a de la tradition.

Ici, chaque segment du film  s’enchaîne fluidement au suivant grâce à l’enquête de Goodman, qui sert de fil rouge. Ce qui fait que le film se renouvelle sans cesse, à bon rythme, insufflant un dynamisme qui, forcément, séduit le spectateur un tant soit peu mordu de fantastique. Ghost Stories est un film moderne, versatile et malin, qui a l’intelligence d’aller puiser dans la très riche tradition du fantastique anglais. Car, personne d’autre qu’eux, ne serait capable de pondre un film pareil

Mais revenons à nos fantômes. La première enquête nous plonge dans l’atmosphère angoissante d’un lieu chargé de mauvaises vibrations dues à un passé riche en souffrances. Cet endroit est l’équivalent moderne du bon vieux château hanté de jadis. Viendra ensuite dans le deuxième segment la forêt maléfique, et dans le troisième la fameuse et incontournable maison hantée. Typiques, mais remis au goût du jour. En cours de route nous irons aussi faire un petit tour dans la lande, comme pour aller à l’encontre du Chien des Baskerville. On en frissonne de plaisir.

Le film est riche en influences (j’ai cru voir un clin d’oeil à La Maison du Diable de Robert Wise, à Evil Dead de Sam Raimi, et à… Jurassik Park de Tonton Spielberg! Mais peut-être suis-je fou!) et l’écriture est soignée. Signalons que le film est une adaptation d’une pièce de théâtre à succès écrite justement par le duo Dyson/Nyman. Ils n’ont laissé à personne d’autre le soin de porter leur “bébé” au cinéma et on sent qu’ils y ont mis tout leur cœur. Ajoutez à cela un casting impeccable (que ça fait du bien de revoir Martin Freeman de retour en Angleterre!) et une réalisation aux petits oignons et on obtient alors un excellent film qui n’a malheureusement-inexplicablement- pas assez fait parler de lui.

Car, oui, Ghost Stories en a sous le pied et réserve bien des surprises. Le scénario est loin de se contenter d’aligner les trois histoires inexpliquées pour amener à la résolution du mystère. Allant au-delà de tout ça, le film se paie une dernière demi-heure déroutante, franchement culottée et futée pour aboutir à un twist qui en jette.

Niveau réalisation, la palette est riche. Ici, on aime les travellings et la caméra joue avec le spectateur, en lui montrant des choses en arrière-plan et dans les coins. À noter également une belle utilisation du flou et de l’obscurité (joli travail sur la photo et l’éclairage) pour nous faire deviner des formes menaçantes tapies dans l’ombre. Ainsi, la réalisation excelle dans l’art de faire turbiner notre imagination. Ce qui colle parfaitement avec l’idée même du film. Flou qui permettra également à la caméra de se focaliser sur les acteurs et de leur dérouler le tapis rouge afin qu’ils puissent se faire plaisir (mention spéciale à Martin Freeman forcément et à un jeune acteur talentueux du deuxième segment, Alex Lawther).

Outre les ghost stories et l’enquête de Goodman, le film osera abattre bien des barrières, explorer le passé de son personnage principal et nous perdre dans un dédale fascinant. Sobre dans l’utilisation de la musique (on n’hésite pas à laisser le silence s’installer et à faire « parler » les bruits) le film sait ménager ses effets (le jump scare est utilisé à dose homéopathique, heureusement) pour frapper fort, avec virtuosité,  quand il faut.

Bref le cinéma anglais va très bien. Il continue à fourmiller d’excellents acteurs (les meilleurs du monde, non?) et à proposer des films blindés de savoir-faire et dotés de ce côté « witty », « smart » terriblement drôle made in UK. Mais rassurez-vous. Le film a de l’humour certes, mais cela ne l’empêche pas d’être flippant. Ah, j’oubliais ! Ghost Stories a aussi un message : énormément de choses échappent à la raison humaine. La vie n’est pas entièrement explicable. Ainsi le cartésianisme de Goodman est la conséquence des limites de son esprit. Pour ne pas avoir à faire face à cette vérité, notre propre cerveau nous joue bien des tours. C’est là que l’homme moderne, scientifique et cartésien (que Goodman incarne) se trompe lourdement, quand il croit pouvoir tout expliquer. Ghost Stories mettra un point d’honneur à remettre ce présomptueux à sa place.

Ghost Stories

écrit et réalisé par Jeremy Dyson et Andy Nyman

avec Andy Nyman, Martin Freeman, Paul Whitehouse et Alex Lawther

Coproduction Warp Films, Altitude Film Entertainment, Catalyst Global Media et Lionsgate

Disponible en DVD/Blu-ray

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