Les amis, c’est un sold-out !
Le festival que l’on nomme « le petit frère du Hellfest » enregistre pour son édition 2018 un rendement record : trente-mille festivaliers, soixante-six groupes, des litres de boissons qu’on ne saurait décemment énumérer, des dizaines de styles représentés et un nombre indéfinissable d’oreilles comblées.
Pas mal pour une manifestation qui était moribonde il n’y a pas deux ans de cela.
C’est sans compter sur l’authentique amour que nourrissent les festivaliers de France et de Navarre pour le Motocultor, un rassemblement metal à échelle plus humaine qu’un Hellfest et que ces derniers ont entrepris de sauver du naufrage par l’intermédiaire d’un crowd-funding dont les annales du festival vont garder une trace indélébile. Avec plus de la moitié de sa dette remboursée, voilà le « Motoc » reparti comme en quarante, paré à remporter pour les années à venir l’award mérité de l’un des meilleurs festivals de l’hexagone – c’est en tout cas, tout le mal qu’on lui souhaite.
Ce cru 2018 a réservé son lot non négligeable de surprises en tout genre, sur la scène comme en dehors, confirmant son statut de festival ouvert et pas sectaire, apte à faire s’arquer d’étonnement le sourcil le plus rigide et grincer les dents les mieux polies. Ce sont là les forces de ce festival : l’ouverture d’esprit, l’audace et l’efficacité. Elles qui justifient que dans cette période d’extrême sollicitation des festivaliers, ces derniers aient continué à venir soutenir leur(s) scène(s) avec entrain, bonne humeur, la foi juchée au corps et le foie à l’épreuve des balles.
Mais à la perfection, nul n’est tenu et s’il y a quelque chose de pourri au royaume de Danemark, celui du Morbihan a fait office de superbe terre d’accueil pour le plus beau phénix de l’histoire des festivals metal Français, tout en accusant quelques petits bémols évitables.
Avant de passer en revue la programmation du vendredi, parlons de ce qui nous a sauté aux yeux dès l’arrivée, voulez-vous ? Car, ne dit-on pas que la première impression, ça compte ?
Pertes et dépendances.
Premier constat en débarquant sur place un jeudi soir : l’emplacement du festival est très mal indiqué. Qui n’est pas un habitué des lieux se perd très facilement malgré la bonne volonté des autorités à baliser le terrain à grand renforts de pancartes fléchées et de ronds-points bardés de bénévoles, qui bien souvent se contredisent.
Pour preuve de l’agacement, un riverain croisé au détour d’une route barrée d’un camion pour faciliter la circulation. Le bonhomme offre de mener notre troupe vers le parking festivaliers, sans jamais cesser de pester sur le peu de considération que le festival leur accorde, eux qui viennent d’habitude tous les ans et qui habitent à côté : impossibilité de se garer, de circuler, voire même d’avoir un sauf-conduit pour accéder à un parking pris d’assaut. « Dernière fois », nous dit-il. « Je ne viendrai plus, c’est terminé. » Ce monsieur ne semble pas en être à son premier rodéo et le voir aussi agacé met la puce à l’oreille quant à la gestion du souci. Ajoutons-y que l’accès VIP/ Presse est le même que celui des festivaliers et que d’un bénévole à l’autre, l’info ne semble pas très claire non plus – un coup, il y a un parking VIP, un coup il n’y en a pas. Bref, ça serait bien que les bénévoles discutent entre eux et qu’ils soient plus au courant des directives et des indications à donner aux gens… Quant au couchage, c’est au camping que la presse est cantonnée, avec les festivaliers. Toutefois, notre équipe aura privilégié de dormir chez l’habitant et grand bien nous en a pris. Les douches du camping sont parait-il plus froides qu’un pain de glace, et nous tenons à nos affaires… Mais nous y reviendrons. Pour l’heure : place au spectacle.
VENDREDI
Delora: THE LUMBERJACK FEEDBACK (Doom-Sludge/Lille) Dave Mustage – Loud and Low
Deux ans après un passage remarqué au Hellfest, les Lillois reviennent en force chez le petit frère de celui-ci, le Motocultor. J’étais impatiente de découvrir leur set, suite à l’écoute de leur premier album, Blackened Visions qui est pour moi une véritable réussite. Malheureusement, nous avons subi quelques péripéties qui nous ont pas mal retardés, problèmes de signalisations, bénévoles qui se contredisent dans leurs indications… Du coup, je n’ai pu assister qu’à la fin de leur set. Première chose notable, en arrivant devant la Dave Mustage, le groupe a deux batteurs. Visuellement, il n’y a rien à dire, c’est classe. En revanche, je cherche encore l’utilité musicale de ce choix, car sur les derniers titres que j’ai pu entendre, les batteurs reproduisaient quasiment les mêmes plans… En tous les cas, leur musique prend au corps, intense, lourde et planante. Très bien exécutée. La fosse est attentive mais encore un peu clairsemée Peu de communication avec le public, mais c’est sans doute le style qui veut ça. (On y reviendra). Un premier concert bien sympathique, même si j’aurai préféré en voir l’intégralité.
Arnold : ENDE (Black Metal / Angers & Rennes) Supositor Stage – Noir, c’est noir
Il revient à la formation Ende le privilège de baptiser la bien nommée Supositor Stage du festival, prête à accueillir le black metal traditionnel de ces frenchies. Mâtinée de death, des habituels blast beats et doubles croches, ainsi que de quelques passages pagans loin d’être dégueulasses, la formation Angevino-Rennaise envoie tout ce qu’elle sait faire avec une franche sincérité, à défaut d’être très généreux sur scène – l’apanage du style qui, il faut le noter, voit son trip un brin gâché par le soleil. Le black, c’est nocturne, on vous dit !
Delora : LUMBERJACKS (Heavy- Paris) Massey Ferguscène – De la bonne humeur en barre
Les concerts s’enchaînent, Ende va commencer sur la Supositor, je laisse donc mon comparse aller y jeter un œil pendant que je vais découvrir pour la première fois, The Lumberjacks sur la Massey Ferguscène. Un autre Lumberjacks vous me direz ? Eh bien cette fois, nous changeons radicalement d’univers musical, leurs noms ont beau avoir l’air similaires, leur musique est complètement différente. Une entrée en fanfare sur la musique culte du film Mars Attacks, rien que pour ça, je suis ravie, ça commence fort ! Une voix très rock’n’roll, une musique oscillant entre le heavy et le hard rock, c’est enjoué, le lien avec le public est cette fois bien plus fort. Jeux de scène synchro entre les zikos, très typées 80′, j’adore ! Le gratteux utilise une talk box, ce qui rajoute un côté sudiste dans leur son. Le quintet de la région parisienne a mis tout le monde de bonne humeur avec leur zik, histoire de bien commencer cette première journée de festival.
Delora: MAID OF ACE (Punk’n’roll /Angleterre) Dave Mustage – Sisters of no mercy
Direction la Mainstage pour accueillir les anglaises de Maid Of Ace. La fosse est cette fois réellement blindée, c’est l’un des groupes attendus par la populace festivalière du Motoc.
Du punk’n’roll acidulé mené par 4 nénetttes complètement déjantées, voilà comment présenter ce groupe, Teinté de Sex Pistols et de Motorhead, (avec un nom comme le leur, on sent l’hommage à Lemmy). Les quatre sœurettes, (oui parce que Maid Of Ace, c’est une histoire de famille), nous offrent une énergie scénique déroutante. Ravies d’être sur scène, malgré les quelques petits problèmes techniques qu’elles ont subi pendant leur set, ces nanas ont assuré un max. Un big up particulier à la batteuse qui avait un jeu de scène très visuel – elle semblait comme possédée derrière ses fûts, un vrai plaisir à voir. Cela se sentait à des kilomètres qu’elle prenait grave son pied !
Arnold: CYPECORE (Metal Electro / Allemagne) Supositor Stage – Futurs Oubliés
La fin du monde est proche ? C’est ce que semble vouloir nous inculquer la formation teutonne Cypcore, dont le sobriquet un brin racoleur résume l’esprit : du riffing bien lourd, souvent mélodique et un univers post-apocalyptique retranscrit par des samples et des costumes de scène franchement chiadés. Cybernétiquement cuirassés, ce quatuor de space marines metal assure un son certes minimaliste mais très en place, rappelant la regrettée formation française Malemonde ou les inévitables Fear Factory – en mieux chanté, cela va de soi. Obéissant à une demande croissante de visuel chez les métalleux, Cypcore assure une grosse présence et est indéniablement une des grosses surprises de la journée.
Toutefois, on souffre un peu pour le batteur intégralement masqué.
Arnold : LÜT (Rock Metal / Norvège) – Massey Ferguscène – rebels du dimanche
Qui a dit qu’en Norvège, le metal se résumait à des crameurs d’église misanthropes ? Certainement pas Lüt, formation de six musiciens jouant un rock screamo de bonne facture. L’ambiance sur scène est détendue, un peu trop no future, même. Pour la première fois de la journée, le son calme le jeu et les festivaliers se montrent un brin moins curieux et présents que pour les formations précédentes, mais le chanteur Markus ne se laisse pas démonter pour autant et se paye un premier slam, au son des chœurs de ses comparses. Ce n’est pas le groupe du siècle mais ça a le mérite de représenter le premier groupe de l’affiche à incarner l’ouverture d’esprit du Motocultor. En revanche, une question : est-il bien nécessaire d’avoir trois guitares pour jouer ce son là… ?
Delora : SVART CROWN (Balck-Death/ Saint Tropez) Dave Mustage – Couronnés rois
Après les avoir vu sur Paris en première partie de Rotting Christ, j’étais très impatiente de les revoir sur scène ! Ce live a mis tout le monde d’accord, car les tropéziens ont littéralement retourné la fosse de la Mustage. Dès le départ, acclamé par le public, Svart Crown commence fort avec un morceau qui fait déjà décrocher les cervicales de certains (les miennes comprises). La section cordes bouge beaucoup plus sur scène comparé à d’autres concerts où j’ai pu les voir, notamment celui de Paris avec Rotting. Le public est très réactif. Svart Crown nous a offert un show carré, pro et brutal, ma première grosse claque du vendredi pour ma part.
Même si leur son n’a pas fait l’unanimité, car beaucoup de festivaliers se sont plaint de sa qualité, mais dans ce cas-là, c’est plutôt l’ingé son qui est à réprimander.
Arnold: NESSERIA (Post Harcore / Orléans) Supositor Stage – Le gorge serrée
Ne tournons pas autour du pit : Nesseria est ma déception du jour.
Groupe d’expérience, la formation orléanaise a pourtant de nombreux atouts dans sa poche : une musique souvent magnifique, aussi aérienne que brutale, rappelant les plus belles reverb’ d’un Agalloch des grands jours – leur étiquette « post-harcore » est bien trop réductrice pour définir l’ampleur de leur son. De même, leur présence scénique est loin d’être négligeable et le groupe va bientôt faire tâter de son talent au Canada pour une tournée complète. L’ombre au tableau ? Un chant scream terne, frêle, sans nuance aucune, épuisant à écouter au bout d’un titre. Le vocaliste semble même à bout de souffle pour son premier « merci ». De plus, et cela reste un détail, mais une tenue street wear là où tous les autres membres ont fait l’effort d’être raccord au noir, ça jure. Je n’ai rien contre le look à la Chino Moreno, mais j’aime autant quand il y a le ramage qui va avec. C’est fort regrettable car des compositions de cette qualité méritent largement plus de variété vocale. A travailler.
Delora : STICKY BOYS : (Rock / Paris) Massey Ferguscène – Heure de colle
Pour ma part, je dois avouer ne connaître ce groupe que de nom et n’avoir jamais pris la peine de m’intéresser réellement à leur musique. C’est donc en tant que néophyte que j’assiste de loin à leur concert. C’est leur deuxième fois au Motocultor, mais d’après certains festivaliers, (bien plus connaisseurs du groupe que moi), bon nombre d’entre eux ont trouvé le groupe moins énergique que les années passées. En ce qui me concerne, je n’en garde pas un souvenir mémorable. C’était à mon goût, du rock générique et un peu plat. Néanmoins, ils avaient pas mal de monde devant eux pour les accueillir et les soutenir.
SERENIUS (Melo Death / Paris) Dave Mustage – Un Nouvel Espoir
Comme il s’agit de l’un des groupes gagnants du dernier headbang contest, nous nous sommes permis de donner tous les deux notre avis sur les gagnants.
Arnold : Attention : claque.
Les seconds vainqueurs du regretté Headbang Contest montent sur la main stage du festival devant un parterre de spectateurs qui s’agglutinent de plus en plus pour assister à leur prestation. Le quatuor parisien, papas d’un récent EP gratuit disponible en ligne (Metanoïa), viennent asséner à Saint-Nolff leur death progressif et mélodique aux accents de Gojira et Devildriver. La violence et le savoir-faire du petit gang de Larry Etienne se met en place titre après titre jusqu’à convaincre chaque oreille qui a eu la bonne idée de s’amener dans le coin à cette heure. La frappe est certaine, les riffs parmi les meilleurs de la journée, les tenues de scène aussi sobres qu’originales et le bonheur et la sympathie suent par les pores des musiciens comme ceux du public. Bosseurs et communicatifs à l’extrême, les Serenius finissent de persuader avec un trio de titres sans pitié : D.M.P, influencée rap, la tubesque The Shell et la gifle chorégraphiée Identity. Le Motoc est comblé de cette découverte. Placés entre Svart Crown et DevilDriver, les parisiens sont passés crème. Cet espoir de la scène émergeante a le sens de la surprise et en ont marqué plus d’un.
Delora : L’un des grands gagnants du Headbang Contest, j’attendais ce groupe avec impatience.
Pour avoir déjà partagé la scène avec eux il y a quelques années et pour avoir vu tout le chemin parcouru depuis, le groupe a pris du galon ! La France peut être fière de compter des groupes comme Serenius parmi ses rangs, du death mélodique de qualité, une véritable énergie sur scène, des soli très inspirés et parfaitement exécutés. On peut ressentir un stress palpable lors des premières minutes de leur set, mais cela s’est vite arrangé par la suite. Larry, le frontman guitariste, armé de son charisme incontestable, nous montre l’étendu de sa palette vocale, en interprétant un de leur morceau ovni en milieu de set. Titre rapé, au débit impressionnant. Les bpm de la batterie et leur riffs à la fois lourds et percutants déclenchent le premier wall of death du vendredi, le public participe à 100% et semble conquis par les parisiens.
Arnold : AUDN (Black atmosphérique / Islande) Supositor Stage – Feu sombre & Flamme d’Audn
La Supositor Stage se pare d’un peu d’exotisme en cette fin d’après-midi. Quand on vient d’un pays de moins de 400.000 habitants, trouver cinq gus prêts à fonder un groupe de metal tient gentiment de l’improbable. C’est pourtant ce qu’a fait Audn, groupe Islandais de black metal atmosphérique aux sonorités post qui ont fait tourner leurs deux excellents albums à l’international et dans les festivals de tout horizon. On va le répéter, au cas où : ce genre de son reste l’apanage de la nuit et la lumière à peine déclinante n’aide pas à se mettre dans l’ambiance de ce combo aux relents de glacier et de dark metal des 90’s. Subtilement habillés de vestes de costume noires, Audn privilégie le mid-tempo, ainsi que la langue de Bjork pour hurler leur désespoir et s’adresser à un public qui n’y entend probablement rien, ne switchant à la langue de Shakespeare qu’à contrecœur. Reste que le show est assuré, le contrat rempli et le public très réceptif.
Delora : RENDEZ VOUS (Post Punk / Paris) Massy Ferguscène – Messes synthétiques
Je choisi d’aller voir Rendez-vous plutôt que Audn, (je laisse le black metal à mon compagnon d’écriture, il en parlera mieux que moi !) De ce fait, je reste chez les français, car c’est un quator parisien, mais je change radicalement de style. Ce groupe fait parti des belles surprises de la cuvée 2018 du fest, un choix de programmation aussi diversifié qu’audacieux. Nous avons affaire cette fois à du post punk, aliant new wave et rock indépendant. Une batterie minimaliste sur scène, quelques-uns des musiciens interchangent leurs instruments, entre la basse, les pads, le chant et la gratte, dommage d’ailleurs que le son de cette dernière soit un peu trop en retrait dans le mix. Parmi la fosse, pas mal de festivalières et festivaliers dansent au rythme de leur new wave, je me prends d’ailleurs vite au jeu.
Delora : DEVILDRIVER (Groove Metal / Etats Unis) Dave Mustage – Chauffeur de salle
S’il y a bien une chose que l’on sait sur les californiens de Devildriver, c’est qu’en live aussi bien que sur album, ce groupe est une valeur sûre ! Comme à son habitude, ils ont littéralement retournés le pit de la Dave Mustage – en commençant par un “the End of the Line” des familles, histoire d’avoir dès le début du show de monstrueux pogos, circle pits et autres joyeusetés en tout genre. Le sol de la fosse a tellement été labouré pendant leur show, que vous aviez intérêt à avoir un foulard sur le visage, afin d’éviter de respirer ce brouillard de terre. De nombreux objets différents ont également volé au-dessus de la tête des gens, sans compter les nombreux slammeurs (évidemment). L’énergie de Dez Fafara et celle de ses musiciens réjouira le public du Motocultor et je peux vous assurer sans la moindre hésitation que Devildriver a été le groupe le plus généreux de la journée du vendredi.
Arnold : PILLORIAN (Black metal Atmopshérique – Etats-Unis) Supositor Stage – Au pilori
Le jour se couche et enfin un groupe va épouser les premières brumes nocturnes. C’est à Pillorian que revient cet honneur. On reprend plus ou moins là où Audn a laissé les choses plus tôt dans la journée. Les anciens membres de Uada et Agalloch servent un metal sombre, à la voix black saturée et aux nombreuses influences païennes et atmosphériques – très proches de leurs anciens projets, en somme. La musique du trio ne respire pas l’originalité, mais elle divertit et envoûte les esprits mélancoliques avec leurs mélodies, leurs riffs bardés de reverb et leurs acoustiques bienvenues. C’est assez balisé mais efficace, raccord avec l’atmosphère du moment, achevant de faire de cette journée du vendredi une distribution largement consacrée au black metal misanthrope, beau, atmosphérique et au service d’un idéal de la Nature qu’on ne saurait que trop recommander, même si à termes, ça fait un peu dodeliner de la tête.
Arnold : TRISOMIE 21 (Cold wave – Valenciennes) – Massey Ferguscène – vague de froid
Avec Trisomie 21, on touche au premier OVNI improbable du festival.
Si improbable que ça ? Pas tout à fait. Déjà car le Motocultor se félicite – comme nous – de programmations variées et ouvertes pour ses line-up, mais aussi car Trisomie 21 est un pilier de la scène rock underground française. Né dans les années 80, Trisomie 21 est un groupe vétéran de la cold wave, se rangeant allègrement aux côtés de The Cure, Indochine et autres Siouxie and the Banshees. Un savoureux univers gothique à qui le metal a souvent emprunté. Si les nostalgiques sont ravis et les curieux nombreux, on ne peut toutefois pas dire que la formation attise beaucoup d’enthousiasme chez le festivalier moyen : boîte à rythme, synthés eighties et chant langoureux et dansant ne sont pas forcément au goût de toutes et tous et même si on tient là une B.O idéale pour soleil couchant. Le visuel peu ambitieux et la relative mollesse des musiciens n’encouragent pas spécialement les gens à s’impliquer franchement. D’autant que sur la Main Stage, le public se place d’avance pour l’attraction majeure de la journée.
Arnold : ULTRA VOMIT (Metal Parodique – Nantes) Dave Mustage – Limitation
Ultra Vomit, c’est un peu comme cet oncle qui boit trop et qui vous raconte toujours la même blague à chaque repas de famille : ça a beau être un conteur hors pair, vous savez déjà où ça va et comment ça va se dérouler. Mais le public en redemande toujours plus. Ainsi, malgré la qualité inégale de leur dernier opus en date (Panzer Surprise), les nantais restent en position de puissance avec leur metal parodique hyper (trop ?) précis, fédérant toujours plus de fêtards notoires à leurs shows. C’est à l’appréciation de chacun qu’on apporte autant d’importance à un groupe qui joue sur cette veine, mais on ne peut rien enlever au savoir-faire de la bande à Foetus, qui enchaîne leurs titres les plus fédérateurs, ouvrant sur Dary Cowl Chamber, avant d’enchaîner sur Les Bonnes Manières, puis d’offrir les quelques pépites de son petit dernier que sont E-Tron, Takoyaki et Evier Metal, sans oublier Les Canards Vivants et le désormais inévitable Kammthaar en guise de rappel. Le groupe ira jusqu’à réclamer un bon gros wall of death des familles sur l’ineffable Pipi = Caca – la fosse étant séparée en deux camps représentants chacun une déjection de choix qui devra « former une chiasse » en se rentrant dedans. Voilà, voilà… mais c’est tellement carré, que voulez-vous dire ! Reste qu’en les ayant portés aussi loin, le public serait bien en droit d’attendre à ce que chaque show soit unique et c’est encore loin d’être le cas, le groupe s’étant enfermé dans des automatismes dont il va avoir du mal à se défaire.
Arnold : CRUACHAN (Folk Pagan – Irlande) Supositor Stage – Pagan et pas que !
Avec un groupe comme Cruachan sur une affiche, on n’est jamais à l’abri de passer un bon moment. Les Irlandais sont dans la place, prêts à faire danser son public et à scander sa fierté guerrière. Le discours est calibré et amusant. Portant kilts, peintures de guerre et sourires sincères, les cinq musiciens n’exhortent pas à la tempérance niveau picole et y vont de leur bon mot dès que l’occasion se présente. Forts de 25 ans d’expérience dans le domaine de l’entertainement folklorique, Cruachan est une bouffée d’air frais et de spontanéité en terres ribaudes. La bonne humeur est de mise et le public profite de la fraîcheur de la nuit pour se réchauffer à coups de pogos, de circle pit et, on s’en doute, d’un brin de houblon et d’hypocras pas déconnants par la fraîcheur soudaine qui s’est imposée ces dernières heures. La bonhomie des musiciens, en particulier le violoniste John Ryan et ses épaulettes de cuir, auraient peut-être mérité une stage plus grande pour offrir au Motocultor une gigue d’anthologie. Mais on ne va pas bouder le plaisir que l’Irlande nous offre ce soir. Slàinte !
Delora : MYRKUR (Black metal – gothique – Danemark) Massey Ferguscène – Tempérer les hardeurs
S’il y avait un groupe que j’avais hâte de voir ce vendredi, c’était bien celui-ci.
Dès mon arrivée, je me faufile pour accéder au premier rang de la Massey Ferguscène et la magie opère. Le drapeau danois trône à côté de la batterie. Du lierre entoure le pied de micro d’Amalie, qui fait son apparition après ses musiciens tous encapuchonnés. Vocalises et voix cristallines, sur des accords de gratte à la black metal et une double pédale soutenue. Le mélange fonctionne à merveille. C’est à la fois beau et sombre. Amalie a une voix exceptionnelle, elle utilisera sa guitare et un instrument de percussion traditionnel pendant le set. En revanche, aucun véritable lien avec le public n’est créé. Les remerciements de la frontwoman sont timides, presque glacials, je trouve ça fort dommage. Mais ce qui m’a le plus marqué c’est leur départ de scène, pas un seul mot. La section cordes laisse Amalie avec son batteur pour un duo drum and voice. Une fois le titre terminé, le groupe ne revient pas au complet pour remercier ou dire simplement au revoir à son public. Celui-ci reste sur sa faim, car la plupart des gens s’attendaient à un rappel. Bref, musicalement excellent, mais humainement, nettement moins appréciable.
Arnold : MINISTRY (Metal Indus – U.S.A) Dave Mustage – Votez la flemme.
Le besoin de nourriture se fait sentir et ce n’est que partiellement que l’équipe assiste aux exactions des sales gosses de Ministry. Sur une scène flanquée de deux énormes poulets gonflables à l’effigie de Donald Trump et dont le poitrail est orné d’une croix gammée barrée, le fer de lance du metal industriel présente en priorité son dernier album, AmeriKKKant. Ce dernier étant un brin moins agressif que ses prédécesseurs (un genre d’âge de raison tardif pour le groupe ?), on sent que l’aura initiale de ce groupe d’importance n’est pas autant au rendez-vous qu’on pourrait l’espérer et cela se ressent un peu parmi les fans présents qui sauront probablement plus les apprécier en salle qu’en festival.
Delora: BELPHEGOR (Death-Black metal – Autriche) Supositor Stage – Satan l’habite
Myrkur vient de terminer son show sous la tente de la Massey, il est temps pour moi d’aller découvrir les autrichiens de Belphegor avec leur black metal provoquant sur le christianisme.
Croix renversées, squelettes d’animaux et corpse paint bien sanglants, leur musique est teintée de rage et d’hémoglobine. Le nom d’Helmuth a été scandé par une bonne partie de la fosse, il faut dire qu’avec un charisme pareil, ça coule de source. Le groupe était sacrément attendu, la Supositor est pleine à craquer, il y a du monde jusqu’en haut de la fameuse pente mal éclairée du site.
Un set en bonne partie consacré à leur dernier album, Torenritual. Aucune fausse note, un show calibré au millimètre près. Pro, carré, en résumé, un show dantesque. Tellement dantesque, que je n’ai pu décrocher mes yeux et mes oreilles de ce qu’ils nous offraient, ce qui m’aura coûté le show de The Young Gods.
Arnold : ALESTORM (Metal festif – Angleterre) Dave Mustage – Collectionneurs de canards.
Il est l’heure de clôturer cette première journée avec une bonne dose de déconnade et de pirate metal – ou pas. Car le groupe culte venu tout droit d’Angleterre déboule sur scène avec un certain retard – dû à des soucis d’ordre technique, paraît-il. En résulte un Alestorm pas très présent sur scène, surtout le chanteur Chris Bowes qui semble passablement gavé de ce contretemps – nous aussi pour ne pas vous mentir, ce qui hâtera notre cheminement vers la sortie. Dans l’intervalle, le public n’a pas désempli et se gave de ce que crachent les amplis, entre vieux chants de boucaniers et hymnes plus récents en hommage à la fête. Ah, il y a un canard gonflable aussi.
Bilan de cette première journée du Motocultor 2018 :
La claque cuisante :
– Svart Crown / Belphegor (Arnold et Delora)
Le groupe dont il FAUT acheter l’album :
– Serenius (Arnold)
– Serenius et Myrkur (Delora)
La découverte qui fait plaisir :
– Cypcore (Arnold)
– Rendez-vous (Delora)
La déception :
– Nesseria (Arnold et Delora)
Photos : Eladan Elraïr Photography