Il m’aura fallu deux écoutes complètes et attentives avant d’être capable de réunir suffisamment d’éléments pour parler d’Among The Dormant Watchers, le nouvel album du projet solo Forest Of Shadows. Habituellement, une seule écoute me suffit, je prends quelques notes au fil de l’album, je réunis mes idées, et je laisse mes compétences faire le reste. Alors pourquoi avoir eu besoin de deux écoutes cette fois ? Peut-être parce que cet album ne se livre pas facilement à l’auditeur non préparé, ou qu’il faut être dans le bon état d’esprit. Quelle qu’en soit la raison, elle donne à l’album un caractère singulier parmi les productions metal que j’ai eu à chroniquer jusqu’à présent.
Forest Of Shadows est un one-man band suédois, ce qui ne manquera pas de soulever l’intérêt d’une bonne partie des amateurs de doom metal scandinave. En effet, qui dit one-man band dit vision : avec une seule personne derrière chaque instrument et chaque composition, les titres deviennent des portes vers des univers très personnels, des fenêtres à travers lesquelles l’artiste se dévoile à quelques privilégiés. Dans un style aussi sombre et taciturne que le doom metal, cet exercice a donc quelque chose de très intime. L’homme derrière la forêt des ombres se nomme Niclas Frohagen, également crédité comme l’un des deux membres du duo franco-suédois Ningizzia. Son projet Forest Of Shadows a vu le jour en 1997 et jusqu’à début décembre, n’avait publié qu’une série de démos, un EP et deux albums, avant de disparaître des radars pendant une dizaine d’années.
Malgré une entrée en matière sans fioriture avec le premier titre Self Inflicted Torment, Among The Dormant Watchers est un album qui prend son temps. La durée moyenne des chansons est d’environ 9 minutes, les mélodies sont longues et lentes, et la voix de Niclas s’efface parfois pour laisser les instruments parler pour lui. Le chant, qui varie par ailleurs entre un growl morne et une approche plus claire, rappellera sûrement aux auditeurs les moins connaisseurs de la scène des noms prestigieux comme Nick Holmes ou Aaron Stainthorpe. La musique évolue entre funeral doom et gothic metal, avec parfois l’apparition bienvenue de quelques notes de guitare acoustique (Dogs Of Chernobyl, Lullaby). Pour ceux qui aiment se livrer au jeu de la comparaison, on pourra citer les Danois de Saturnus ou les Français de Monolithe ; gardez en tête qu’en dépit de toutes les similitudes qu’on voudrait trouver avec d’autres groupes, Forest Of Shadows a son identité propre, ainsi que cet album. Il est possible que des auditeurs plus avertis parviennent à se faire un jugement plus complet après une seule écoute ; que d’autres, au contraire, se sentent perdus et ne réussissent pas à se plonger dans l’album. À ces derniers, je ne recommanderai donc que de jeter une oreille à Lost Within, l’un des titres les plus courts, qui s’apparente le plus à un single : efficace, presque “catchy”, et très proche de ce que produit habituellement Paradise Lost. Avec un peu de chance, peut-être cela vous donnera-t-il l’envie d’en savoir plus.
Si vous n’avez pas peur de partir une bonne heure dans ce petit coin sombre de votre esprit en cette période de fêtes de fin d’année, Among The Dormant Watchers figure parmi les sorties récentes capables de vous accompagner dans votre voyage intérieur. Dans le cas contraire, donnez-vous le temps de découvrir l’album à un moment opportun, car s’il n’est pas pour toutes les oreilles, il offre suffisamment d’éléments différents pour que chacun y trouve une petite perle.
Among The Dormant Watchers
Forest Of Shadows
Inverse Records
2018