Luna – Tome 2 : Lune du Loup – Ian McDonald

Sur la Lune, deux ans après les événements qui ont précipité la chute de la famille Corta, les Mackenzie se sont approprié les restes de leur entreprise. Il n’y a donc plus que quatre «Dragons», ces consortiums familiaux qui se partagent l’exploitation des ressources lunaires et, donc, le pouvoir. Pourtant, les Mackenzie se déchirent sur les cadavres encore frais de leurs ennemis de toujours. Les Sun continuent, discrètement, à élaborer des plans visant à affaiblir leurs adversaires. Les Vorontsov vendent toujours leurs indispensables services au plus offrant. Et les Asamoah tentent tant bien que mal de préserver leur neutralité de façade. Mais le statu quo, même sous gravité réduite, n’est jamais acquis. D’autant que les rares survivants de la famille Corta – blessés, en fuite ou sous la protection d’autres Dragons – n’ont pas dit leur dernier mot.

Ce second tome de la trilogie Luna d’Ian McDonald, au rythme endiablé, est intelligemment construit sur deux lignes temporelles. D’un côté, les deux années vécues par l’implacable et tourmenté Lucas Corta que le lecteur est seul à savoir en vie après la chute de Corta Hélio et, d’un autre, les conséquences que ses actes ont l’ensemble des autres personnages. Nous suivons aussi bien les “dommages collatéraux” plongés dans l’enfer d’une lune hostile à toute vie que les décisionnaires s’adonnant au jeu des manipulations. Le lecteur assiste ainsi aux deux pans d’un conflit dont il ne comprend pas les tenants et aboutissants, nageant tout autant dans le flou que la quasi totalité des personnages mais se doutant bien que le survivant supposément mort doit jouer un rôle dans ce chaos institutionnalisé.

Ce second tome est un raz-de-marée, un tsunami. Les personnages sont tous réduits à des corps en mouvement, ballottés par les événements, s’accrochant désespérément à la vie. Le manque d’air, la pesanteur, le froid, la faim, la soif, la douleur oppressent et la moindre erreur est synonyme de mort immédiate. On pressent le danger, la corde raide et on sent que chacun d’entre eux peut mourir. Le rapport au corps et aux sensations physiques est encore plus présent que dans le premier tome, resserrant d’autant mieux les liens entretenus entre lecteur et personnages. Les scènes d’action ne sont pas que pures scènes d’action, elles sont aussi scènes de doute durant lesquelles de nombreuses pensées traversent l’esprit de nos protagonistes n’ayant qu’un but en tête : survivre. Ce second tome donne en outre l’occasion d’approfondir quelque peu les autres grandes familles ainsi que l’ensemble des personnages et il est intéressant de suivre le processus mental qui va les mener à prendre telle ou telle décision.

La poésie, la beauté et la mélancolie qu’Ian McDonald sait faire surgir des instants les plus fugaces sont toujours bien présentes et il transforme ici ses personnages en héros d’une tragédie, tiraillés entre loyautés, amours, désirs et survie. Certains ont tout perdu, c’est à dire plus que la vie, quand d’autres savent qu’ils peuvent tout perdre et, s’ils errent, ils se raccrochent néanmoins avec force à ce qui constitue le noyau dur de leur identité. C’est dans la musique, le souvenir d’un chez-soi disparu ou le souhait de préserver l’innocence d’un enfant qu’ils piochent les forces nécessaires à la poursuite de leurs objectifs.

Toujours quelques points négatifs pour moi cependant : un rythme aussi soutenu laisse souvent un peu de complexité sur le bord de la route. Je pense à quelques creux inexpliqués à côté desquels on passera facilement, à mon impression que l’auteur est plutôt du genre à tout planifier et structurer sans se laisser porter par l’évolution des personnages et à ne pas écrire de scène “inutile”, mais pas seulement. Au niveau des systèmes politiques par exemple, l’auteur réduit la Terre à la Grande-Bretagne, à l’Irlande et aux États-Unis en utilisant la caricature populiste de l’État qui pompe les sous des pauvres citoyens impuissants à influencer les lois, sans que l’argent des impôts ne se retrouve dans un quelconque système de santé ou de transports publics (rappelons que dans les pays pré-cités, les transports et la sécurité sociale sont effectivement privés) et opposant cela à la lune qui vit sous un genre d’anarcho-capitalisme (toutes mes excuses s’il y a un terme plus précis, je ne suis pas suffisamment érudite en la matière) où tout se négocie, sans État ni loi ni police mais où il n’y a que peu de biens de valeur : presque tout se synthétise via des imprimantes et la notion de propriété est quasiment inexistante. C’est un peu “facile”. Sinon, j’attends également le troisième tome pour savoir si certains personnages vont se conformer à ce que d’autres attendent d’eux avec aussi peu de nuances qu’on nous le laisse croire.

Si la trilogie ne fera sans doute pas partie de mon panthéon des plus grandes œuvres jamais écrites, elle se hisse néanmoins au rang des œuvres prenantes dont on ne décolle pas. En attente du troisième tome qui sera sans aucun doute le théâtre de rebondissements déchirants car, on s’en doute, ça ne se terminera pas bien pour tout le monde cette histoire là !

Ma conclusion :

-Un second tome dans la veine directe du premier, au rythme éreintant et prenant
-Des personnages ballottés par des événements qui les dépassent au cœur d’un astre toujours plus hostile à la vie
-Une oeuvre qui aurait gagné à être parfois plus complexe, subtile et moins dirigée

Retrouvez mes critiques du Tome 1 et du Tome 3.

Je vous laisse avec les premières pages.

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Luna – Tome 2 : Lune du Loup
Ian McDonald
Couverture illustrée par Manchu
Éditions Denoël, collection Lunes d’Encre
2018

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