Dans la société dystopique de Libria, l’humanité est sous le contrôle du prozium, un produit qui anesthésie les sentiments. John Preston est un recteur Grammaton, un guerrier d’élite chargé de pourchasser les déviants qui tentent d’échapper au contrôle. Tout bascule quand son partenaire devient à son tour un rebelle…
2002, année science-fictive : en pleine dynamique Star Wars/Seigneur des anneaux (L’attaque des clones et les deux tours arrivent sur les écrans), quelques bons films de science-fiction sortent cette année-là, comme Minority Report de Steven Spielberg ou Signes de M. Night Shyamalan. Mais derrière les grosses machines arrivent de petites productions – on peut citer Simone d’Andrew Niccol par exemple -, dont ce Equilibrium, de Kurt Wimmer, qui passe inaperçu à l’époque avant de connaître son heure de gloire en DVD.
Kurt Wimmer est scénariste. À cette époque, il sort de deux réussites : Thomas Crown de John McTiernan McTiernan et Sphere de Barry Levinson. Il passe alors à la réalisation avec Equilibrium qui, du point de vue de l’histoire, n’étonne en rien. On y trouve la société dystopique dictatoriale classique type Big Brother, un drapeau proche des nazis, des œuvres brûlées comme dans Fahrenheit 451…
Évacuons tout de suite les défauts du film, nombreux : le scénario est prévisible et parfois consternant de naïveté (les scènes avec le bébé chien) ; il a un petit côté tournage fauché dans une zone industrielle abandonnée que ne renierait pas nombre de DTV (direct to video) d’aujourd’hui, y compris dans les costumes des « policiers » du régime ; tout cela a pour conséquence un cadrage serré sur les acteurs qui nuit un peu à la réalisation d’ensemble.
Sorti de ces problèmes, Equilibrium profite de quelques idées qui l’extirpent de l’anonymat.
D’abord son casting porté par l’impeccable Christian Bale, qui sort d’American Psycho et enchaîne trois films en 2002 : celui-ci, The Machinist avec son incroyable transformation physique, et l’excellent Règne du Feu. S’il garde longtemps le visage grave propre aux utilisateurs du Prozium, son humanisation progressive lui permet de sortir d’un jeu trop rigide. Il démontre également une belle forme physique dans les scènes de combat qu’il confirmera deux ans plus tard dans Batman Begins.
Il est accompagné d’un casting de seconds rôles impressionnant, car l’on croise tour à tour Sean Bean (en pleine période « je ne survivrai pas à la première heure du film« ), Emily Watson, Angus Macfadyen, Sean Pertwee, William Fichtner ou Dominic Purcell. Ce casting du gueules est clairement l’un des points forts d’Equilibrium.
Ensuite, l’autre est bien entendu le Gun-Kata, cet art martial mélangeant la gestuelle et les armes à feu, que Wimmer crée spécialement pour ce film. C’est une idée dans l’air du temps à Hollywood alors que débarquent nombre de cinéastes hong-kongais habitués des gunfights : Tsui Hark, Ringo Lam et bien sûr John Woo qui a cartonné avec Volte/Face et Mission Impossible 2. Matrix est aussi passé par là en 2000 en popularisant ce courant venu d’Asie, ce qui a manifestement joué un rôle ici : un sous-titre Forget the Matrix ornait les affiches d’Equilibrium à sa sortie, une punchline osée.
Ce pool d’influence est admirablement digéré par Wimmer dans sa réalisation, ses plans larges permettent de rendre l’action lisible. La première séquence, dans le noir, contient une belle idée visuelle alors que les combats suivants se révèlent intenses et grisants. Le côté poseur de Christian Bale n’est pas trop marqué, ce qui rend ces séquences encore prenantes quinze ans plus tard.
Un petit mot avant de conclure sur la musique, signée Klaus Badelt. Badelt travaille alors aux côtés de Hans Zimmer et enchaîne les productions de genre (La machine à remonter le temps et bientôt Pirates des Caraïbes). Equilibrium est un score soigné et synthétique, thématique malgré sa couche électro, sur lequel on ressent l’influence du moment, on pense notamment à Broken Arrow sur certains passages. À l’image du film qu’il illustre, c’est une partition solide dont il manque une vraie édition aujourd’hui.
Conclusion
Film toujours plaisant malgré ses défauts, Equilibrium est un petit film de science-fiction qui a des idées. C’est déjà agréable. Malgré la bonne image que le film a aujourd’hui, il n’a pas eu le même effet sur la carrière de son réalisateur et son acteur principal : Kurt Wimmer a réalisé une fausse suite, Ultraviolet, qui sera un échec et mettra un terme à sa carrière de réalisateur – il scénarise toujours, notamment sur le récent Total Recall avec Colin Farrell ; Christian Bale enchaînera ensuite le Nouveau Monde et Batman Begins, deux succès qui lanceront sa carrière auprès de réalisateurs influents (Michael Mann, Christopher Nolan, Terrence Malick, Ridley Scott).
Equilibirum
Kurt Wimmer
avec Christian Bale, Emily Watson, Taye Gibbs, Sean Bean, Angus MacFadyen, William Fichtner
Blue Tulip