Le problème à trois corps – Liu Cixin

Liu Cixin a écrit ce roman en 2006 et il aura fallu que dix années passent avant que les éditions Actes Sud traduisent et publient cet ouvrage en France. Le problème à trois corps fait allusion à un problème de mécanique qui traite des interactions gravitationnelles entre différents corps célestes. Et quand il y en a trois, l’approche est particulière, car plus complexe qu’avec un nombre plus important de corps interdépendants d’une gravité – ce qui n’est qu’apparemment plus difficile à appréhender. En tous cas, le titre français de ce roman est… celui de la trilogie. Car il s’agit bien d’une trilogie que nous propose Liu Cixin et ce premier tome est déjà une belle claque à l’humanité et à la façon dont elle se voit. Que de désillusions l’attendent !

Ce roman de hard science commence en 1967 lors de la « Révolution culturelle » dans la Chine maoïste où une nouvelle génération a voulu imposer sa vision de la vérité – nécessairement marxiste – à tous, y compris aux scientifiques. Nous découvrons Ye Wenjie lorsqu’elle assiste à l’autocritique de son père, Ye Zhetai, un scientifique et universitaire reconnu pour ses connaissances en physique. Ce dernier va mourir sous les coups idéologiques et physiques de la jeune garde maoïste. Ce sera l’acte traumatisant et fondateur de la direction que Ye Wenjie va dès lors donner à sa vie. Mais en quoi cela changera-t-il l’histoire ? Que va-t-elle donc faire pour cela ?

Je pense qu’il est essentiel de lire des auteurs autres qu’européens ou américains, car nous connaissons finalement si peu de l’histoire des autres peuples issus de grandes civilisations. Ainsi, la violence de la « Révolution culturelle » chinoise ne nous est expliquée qu’en quelques lignes – dans le meilleur des cas – dans nos livres d’histoire contemporaine. Mais elle n’en a pas été moins abjecte que la meurtrière aventure des Khmers rouges qui s’exerca un peu plus au Sud. À mots pesés, l’auteur critique cette période et cela passe bien. D’ailleurs, il est intéressant de voir que la censure est toujours présente, ne serait-ce dans les copyrights en début d’ouvrage où on peut lire ces quelques mots : « French translation rights authorized by China Educational Publications Import & Export Corp., Ltd ». Bref : du communisme pur sous une enveloppe capitaliste. Le pire des deux mondes au final. Toujours est-il qu’en 2015 ce roman a valu pour la première fois à un auteur chinois d’être récompensé du Prix Hugo.

Près de quarante ans après que Ye Wenjie ait fait un choix radical que je vous laisse découvrir, nous suivrons un autre scientifique. Il s’appelle Wang Miao et est spécialisé en nanotechnologie. Mais ce ne sont pas ses connaissances qui l’amènent à être convoqué pour assister à une commission internationale. En fait, il a été contacté par une mystérieuse organisation. Nombre de savants ayant approché ladite organisation se sont suicidés, mais pour quelle raison ? Peut-être leurs recherches n’avaient-elles plus de raison d’être. D’où viendrait cette étrange remise en cause de l’ordre du monde et des lois de la physique ? L’art de Liu Cixin va dès lors être de nous faire voyager entre les deux époques, passant d’un protagoniste à l’autre, dans un style harmonieux auquel la traduction de Gwennaël Gaffric donne une grande fluidité.

Critiquer cet ouvrage est délicat. En effet, j’ai bien pris garde de ne pas évoquer la quatrième de couverture qui, bien maladroitement, répond à nombre de questions que le lecteur peut se poser. Telle une bande-annonce qui fait défiler les meilleures scènes d’un film, elle retire beaucoup du mystère que le lecteur veut découvrir le plus lentement et le plus tard possible. Hormis cela, la science est mise à l’honneur dans ce roman et c’est surtout cela et le côté politique qui m’ont plu. Certes, le lecteur moyen aura tendance à vouloir lâcher cette lecture, ne comprenant pas en quoi un jeu vidéo peut changer le cours de l’histoire ou bien lorsque les théories scientifiques deviennent difficiles à suivre. Mais il faut s’accrocher, car les découvertes arrivent plus tard et alors tout s’éclaire. Personnellement, je n’ai au final qu’une hâte : lire les deux volumes à venir. A noter que l’illustration de couverture est de toute beauté et me fait penser à ces couvertures de Manchu à la fois grandioses et inquiétantes qui ornaient mes premières lectures SF.

Le problème à trois corps
Liu Cixin
Couverture illustrée par YOOZOO Pictures
Traduction par Gwennaël Gaffric
Actes Sud
Collection Exofictions
2016

23,00 €

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