Doctor Who saison 10 – Steven Moffat

 

Le Docteur à très mal vécu la disparition de Clara. Aidé de Nardole, il s’installe dans une université pour y devenir un enseignant aussi brillant que controversé. Là bas, il cache dans un sous-sol un mystérieux prisonnier. Il se lie finalement avec Bill, une jeune femme qui suit ses cours.

Dixième saison de Doctor Who nouvelle version, la trente-sixième sur toute la série, la sixième et dernière pour le scénariste Steven Moffat. Derrière ces chiffres se cachent d’importantes variations qualitatives, dont le showrunner est un symbole : tantôt génial, tantôt à côté de la plaque, il livre cette fois une bonne fournée, moins folle que les précédentes, mais plus équilibrée dans son écriture.

Avant les douze épisodes habituels, il y a le spécial de Noël : le mystère de Docteur Mysterio. Dans ce gigantesque clin d’œil aux comics, à Superman en particulier, Moffat témoigne d’un réel amour pour les héros Marvel/DC. Si l’intrigue est fade, il y a quelques bons moments et le duo Docteur/Nardole fonctionne assez bien pour ne pas ennuyer le spectateur. Les références aux Comics sont nombreuses et sont assez transparentes pour ne pas évincer le quidam, tant celles-ci sont évidentes – et parfois caricaturales à l’excès, ce qui est un bien.

 

Les premiers épisodes sont l’occasion de faire connaissance avec la nouvelle compagne : Bill. Pour la troisième fois, Moffat ne rate pas l’introduction de ce personnage crucial : son caractère direct et sa capacité à s’émerveiller sont des atouts dans des récits qui retrouvent de la candeur à travers son regard. D’autant que pour une fois, elle ne sera pas affublée d’une qualité exceptionnelle/d’un destin hors du commun ou autres tares super-héroïque, véritable fléau scénaristique des dernières années.

Cette relative simplicité n’empêche pas de creuser son écriture : son histoire personnelle difficile, son homosexualité ou sa soif d’apprendre la rende suffisamment intéressante. L’actrice Pearl Mackie, sans être extraordinaire, correspond bien au rôle.

De plus, son trio avec le Docteur et Nardole est assez inédit, dans le sens où ce n’est cette fois pas un couple qui se joint au pensionnaire du TARDIS. Nardole est plus rationnel, plus lâche aussi, ce qui réserve des situations savoureuses. La dynamique des épisodes s’en ressent, en bien.

 

Passé Le Pilote, épisode introductif, la série retrouve vite un rythme de croisière agréable. On croise pêle-mêle un récit à la guest star glaçante (excellent David Suchet), le monstre de la Tamise dans le Londres du début XIXe siècle ou un livre maudit qui tue tous ses lecteurs.

Premier pivot de la saison, un triple épisode sur les Moines se montre ambitieux dans son approche : cette espèce entend asservir l’humanité de son plein gré en réécrivant l’histoire. On passe d’un amusant jeu du chat et de la souris sur fond d’enquête (La pyramide à la fin du monde) à un futur dystopique beaucoup moins passionnant (La Terre du mensonge, sa reconstitution fauchée et sa rébellion qui rappelle trop la lutte contre le Silence). Si l’arc laisse un goût d’inachevé, il réintroduit également le personnage de Missy (Michelle Gomez) et apporte en contrepoint une réflexion sur la nature des actions des Seigneurs du Temps : le Docteur version Capaldi se demande souvent s’il est un homme bon, mais la Maîtresse Missy peut-elle être bonne elle aussi ? Cette question va occuper la fin de saison pour notre plus grand plaisir, comme à chaque fois que la série joue sur le miroir déformant de la nature des deux antagonistes.

On croise dans les épisodes de grands classiques de Doctor Who : de l’historique, de l’anticipation sur la conquête de l’espace par l’humanité, des rencontres humains/aliens où la compréhension de l’autre est compliquée par les circonstances et les schémas mentaux. Si la saison ne compte pas d’incontournables, si elle reste parfois un peu mollassonne dans ses enjeux, elle offre de bons divertissements et le personnage du Docteur retrouve sa fonction centrale dans le récit. Peter Capaldi est toujours très à l’aise, plus sec, moins emphatique aussi que ses prédécesseurs.

 

La construction de cette incarnation du Docteur va s’achever sur un excellent double épisode : L’éternité devant soi et Le Docteur tombe. Il va se retrouver face à de terribles menaces : les cybermens et deux Maîtres pour le prix d’un !

C’est en effet la surprise de ce final, qui nous propose une histoire multimaître. C’était déjà arrivé par le passé avec plusieurs Docteurs (comme dans l’épisode des 50 ans), nous avons cette fois la version maléfique. John Simm y reprend son rôle avec un plaisir communicatif, son duo avec Michelle Gomez fait des étincelles. Le Maître a une longue tradition d’égoïsme et de mégalomanie, aussi le choc de la réponse à la question le personnage peut-il être bon est forcément à la hauteur.

En parallèle, l’arc sur les cybermen apporte son lot de scènes épiques (dont une impressionnante conclusion de face à face avec le Docteur, ponctuée par la magnifique citation : « Without hope, without witness, without reward/Sans espoir, sans témoin, sans récompense »), de références au passé plus ou moins récent de la série, mais également de drame à travers le destin de Bill, transformée en machine et qui lutte contre l’assimilation.

La fin aigre-douce, il ne pouvait en être autrement, ramène le Docteur et sa Némésis sur des chemins connus : le héros se sacrifie pour sauver le plus grand nombre, le vilain se révèle plus nuancé et interroge sur sa prochaine incarnation.

La série offre donc au spectateur du bon Doctor Who : des intrigues directes, un héros qui assume son rôle, des compagnons intéressants sans être envahissant. Steven Moffat revient aux sources de la série (sous sa version 2005) pour l’occasion, en attendant l’épilogue que l’on découvrira ce Noël.

Techniquement, la série affiche une continuité plutôt fauchée, dans la ligne de la réduction des coûts imposée par la BBC depuis l’anniversaire des 50 ans de la franchise. Seul Murray Gold se montre encore et toujours à la hauteur, particulièrement dans la deuxième partie de saison, riche en thèmes et variations de morceaux existants.

 

 

Conclusion

Après une saison 9 intéressante, mais clivante, cette dixième fournée illustre le retour de la série à ses fondamentaux. Si les épisodes manquent de folie, ils offrent des scénarios cohérents et de bons moments. Steven Moffat arrive à la fin de son règne sur Doctor Who, tout comme Peter Capaldi dans le rôle principal, aussi l’on peut espérer une fin réussie pour cette incarnation, après des débuts difficiles.

 

Doctor Who

Une série écrite par Steven Moffat

Produite par la BBC

Avec Peter Capaldi, Pearl Mackie, Michelle Gomez, John Simm, Matt Lucas, David Suchet

Diffusée en France par France 4

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