Entretien avec Acyl, groupe de métal ethnique

Le groupe Acyl. De gauche à droite : Abder'Rhaman, Reda, Amine, Salah, Michael
Le groupe Acyl. De gauche à droite : Abder’Rhaman, Reda, Amine, Salah, Michael

eMaginarock : Bonjour à tous deux et merci de répondre à ces quelques questions. Est-ce que vous pourriez d’abord tous les deux vous présenter, ainsi que le groupe ?

Michael : Acyl est un groupe de métal ethnique algérien. Le projet est né en Algérie en 1998 grâce à Amine et Reda mais c’est lorsqu’ils sont venus en France qu’ils l’ont concrétisé. Ils étaient dans des groupes de métal déjà en Algérie et leur venue en France leur a permis de vraiment lancer leur projet.

Je suis arrivé dans le métal à 4 ans qyuand mon voisin du dessus a écouté AC/DC, et j’ai ensuite découvert les différentes sphères de métal qui existent. Ma mère à l’origine m’a forcé à faire de la guitare classique mais ça m’a vite saoulé et j’ai changé de voisin du dessus et le nouveau faisait de la batterie et du coup en découvrant j’ai kiffé.

Abder’Rhaman : A l’origine on est surtout une bande de potes et on a rejoint le groupe. Michael est à la batterie et moi à la guitare. Ce que fais Acyl c’est d’exprimer la culture et le terroir algérien à travers le métal. Pour ce qui est de la musique j’ai commencé dans les années 90 et l’accès aux médias était assez libre. J’écoutais beaucoup de genres de musique à l’époque et je suis tombé sur Headbangers Ball à l’époque, des clips de Metallica qui passait. Et à cette époque là je n’avais pas grand-chose donc j’ai appris tous les morceaux de Metallica en air-guitar. Les cassettes arrivaient petit à petit et on se faisait une joie de les dévorer les unes après les autres. Mon premier contact avec la musique a été Careless Whispers de Georges Michael, pour tout te dire… Depeche Mode et Georges Michael sont mes plus anciens souvenirs musicaux.

M. : J’ai interviewé Myrath, un groupe de métal tunisien, il y a quelques temps et je leur avais posé la question à l’époque de savoir s’il n’était pas compliqué de faire ce type de musique dans un milieu essentiellement musulman. Je vous pose donc la même question.

A. : Le métal n’est pas anti-musulman donc non.

M. : C’est un peu comme les catholiques qui emmerdent les organisateurs du HellFest chaque année malheureusement, mais ça reste anecdotique.

A. : Je ne sais plus qui a dit : « Les avis c’est comme les trous du cul, tout le monde en a. » et en l’occurrence c’est très vrai. Le seul problème est que si tu es bon musulman, que tu écoutes du métal et qu’on t’accuse d’être sataniste, c’est pas cool. Mais il ne faut pas tout mélanger.

M. : Ma question aussi est liée à l’accès à cette musique, aux instruments qui permettent d’en jouer… Finalement de mon point de vue on connaît assez mal l’Algérie d’où ma question.

A. : L’Algérie n’est pas l’Iran, ce n’est pas un pays fermé. L’import de ce type de musique est en effet un peu compliqué. Et la question des moyens se pose vraiment. Dans les années 90 c’était super chaud de te trouver une guitare en Algérie tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’importateur. Et si tu entendais qu’il y en avait une dans un patelin paumé, il fallait y aller toi-même et découvrir que c’était une légende… A l’époque il fallait en vouloir pour être métalleux, mais aujourd’hui il y a un peu moins de soucis de ce type et de plus en plus de groupes se forment. Il y a une scène qui existe depuis les années 90 qui ne cesse de grossir. Les récalcitrants face au métal il y en a partout mais il faut avoir du recul et travailler pour s’imposer de la manière douce.

M. : L’idée c’est de combattre l’ignorance en fait…

aftermath-acyl

M. : Ce que j’ai trouvé intéressant, aussi bien dans l’album d’Acyl que dans celui de Myrath, c’est le mélange musical des cultures, la manière dont la musique maghrébine vient d’imbriquer dans le métal. Quand j’ai commencé à me renseigner sur le groupe j’ai découvert la notion de métal ethnique. Est-ce qu’il y a une définition précise de ce que c’est ?

M. : Dans la composition on ne part pas du métal, on part de la musique traditionnelle. Cette même musique vient de plein d’ethnies différentes d’Algérie. Donc le métal ethnique c’est pour nous, quand la musique métal vient s’acclimater à la traditionnelle.

A. : On fait bien la différence avec le métal oriental également, même si on ne ni pas nos influences, on utilise la culture algérienne, y compris pré-islamique. Sur Youtube si tu tapes oriental métal tu retrouves des groupes cambodgiens, qui n’ont rien à voir avec nous. Donc il faudrait se classifier en Middle-Eastern Metal et on en finit pas à force… La musique algérienne est vraiment basé sur l’aspect tribal des choses, ce sont des chants spécifiques, des rythmes spécifiques et donc le terme ethnique nous paraissait le plus adapté. Par exemple sur Finga, titre qui reprend un chant vraiment particulier à une région d’Algérie, où Amine a pris vraiment l’accent pour rendre cela réel.

M. : Comment s’est passée la conception de l’album Aftermath, qui a écrit ou composé quoi ? Comment le métal vient-il se greffer sur la musique traditionnelle ? Comme cela ça ne paraît évident à faire en fait…

A. : Sauf pour quelqu’un qui a grandi avec les deux en fait. Comme je l’ai dit tout au long de la journée, Le process est vraiment spontané, on a grandi avec ça et c’est presque naturel. On a tout le travail d’harmonisation pour rendre le tout écoutable.

M. : C’est spontané. Par exemple sur Finga c’est le rythme de percussion qui va nous emmener sur des rythmes stoner.

A. : Notre musique est extrêmement basée sur le rythme, pas tant la mélodie. Tu sors un embryon de chanson de telle ou telle ethnie et directement la composante métal arrive. C’est vraiment la musique que l’on a envie de jouer et en premier lieu on fait cette musique-là pour nous faire plaisir. On essaie de témoigner de notre culture, de l’exporter.

 

M. : Et donc qui a travaillé sur la composition ?

A. : On travaille de manière collaborative autour d’idées venant d’Amine qui est le fondateur du groupe et tout le monde prend part à la conception des morceaux. C’est également lui qui écrit les paroles.

M. : Amine est multi-instrumentiste, et au final on joue tous des percus, vu que c’est la base de notre musique et cela nous permet de nous exprimer en live dessus. On joue avec les instruments traditionnels sur scène afin de rendre le maximum de ce que l’on peut faire. Au final c’est moi qui en joue le moins car la batterie accompagne très souvent les instruments et comme je ne peux pas tout faire…

M. : Comment s’est passé pour la réalisation de l’art de cover ?

M. : C’est Reda qui a fait la pochette. Il y a eu plusieurs projets et finalement on a abouti à celui-là, avec son masque qui symbolise quelque chose qui nous protège mais qui nous gêne aussi.

A. : Le masque c’est le poids de la tradition, de la culture, un pays tellement jeune avec les défauts qui vont avec.

M. : Et comment cela s’est-il passé pour l’enregistrement, la promotion, la commercialisation ?

A. : Il sort le premier juin chez Season of Mist en autoproduit. Pour la promotion nous avons fait appel à Replica car c’est leur métier, de même pour Season. On a gardé le contrôle sur notre musique et avons fait appel à des sociétés extérieures sur ce que l’on ne savait pas faire.

M. : Point de vue live, ça donne quoi Acyl ?

M. : Eh bien il faut venir voir ! Il y a pas mal de vidéos sur Youtube (ndlr : voir ci-dessous) et je dirais que ça reste authentique.

A. : Sans prétention on a d’excellents feedbacks car le milieu métal est ouvert à diverses cultures.

M. : Le fait qu’on installe plein d’instruments qu’il ne connaissent pas, qu’on commence avec un morceau purement traditionnel, les pousse à se poser des questions…

A. : Ils se demandent si on est pas en train de se foutre de leur gueule et si ils ne se sont pas trompés de salle. Cela crée des regards vraiment assez drôle à vivre mais dès que la guitare commence à sonner ils sont rassurés et sont dedans, ils entrent dans notre monde. On essaie vraiment d’apporter quelque chose de nouveau.

M. : Et les prochains concerts alors ?

A. : On a une date qui devrait se débloquer à la rentrée, mais pour l’instant l’album va sortir et on va préparer le prochain set live, on a une tournée de programmée en fin d’année.

NDLR : Acyl se produira le 22 novembre au Divan du Monde en première partie de Ihsahn.

M. : Merci beaucoup pour toutes ces réponse et j’espère que Aftermath rencontrera vraiment le succès qui lui est dû. A très bientôt sur scène en tout cas !

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