Une fois n’est pas coutume, me voici venir à vous avec la chronique d’un EP et non d’un album. Deux fois n’étant pas coutume non plus, nous allons causer Stoner. Mais pas de Stoner bas du front, classique, qui envoie le bois et puis merci, de rien, au revoir messieurs-dames. Non ici on parle de Stoner raffiné, recherché, qui en plus d’envoyer des bûchettes de 3 stères ½, arrive à nous surprendre au détour de mélodie vocale, de riffs planants et de structures progressives fort bien trouvées et troussées. Bref, je vais vous parler ici de MUEZLI.
Oui je sais le nom est…particulier, mais ne vous y fiez pas. Reprenons plutôt depuis le début. MUEZLI donc, est un quintet nantais formé en 2013 autour de Vincent (batterie), Jimmy (guitare) et Fabien (basse) auxquels sont venus se greffer Benjamin (guitares et chœurs) et Benoît (vocaux). Fort de ce line-up, ils enregistrent une première démo 3 titres en 2014 puis remportent le tremplin officiel du Motocultor en Bretagne, ce qui leur permet de jouer le 16 août 2015 sur la scène principale dudit Motocultor. Date à laquelle je les ai découverts. Set pendant lequel ils m’ont mis une grosse baffe, notamment leur chanteur. Deux mois plus tard, les gaziers remettent ça et sortent leur premier EP. Et vu la qualité du truc, il m’était impensable de ne pas vous faire partager la découverte de ce groupe au potentiel énorme. Mais pourquoi, me direz-vous, m’enflamme-je donc comme cela ? Vous avez raison, vous rétorquerai-je, il faut une explication.
Tout d’abord il est complètement ahurissant de voir pour un si jeune groupe une telle maturité, une telle qualité dans la composition et dans le façonnement de son « son ». Wizard’s Garden, par exemple, en est le parfait exemple. Alors que je m’attendais dès les premières secondes, en enfournant pour la première fois (et avec une avidité à faire pâlir Picsou), la galette dans mon mange-disque, à me prendre les fameuses bûchettes de 3 stères ½, quelle ne fut pas ma surprise de faire face à une musique quasiment progressive. En effet, pendant deux minutes, les nantais se payent le luxe de prendre leur temps et de poser l’ambiance du morceau. Une ambiance plutôt calme, mélancolique, presque paresseuse. Mais bien sûr, le titre monte en puissance et les bûchettes susnommées finissent par faire leur apparition, en même temps que le chant clair et écorché du chanteur.
Là est d’ailleurs la seconde explication à la réussite de cette EP et plus largement à celle du groupe. Malgré l’apparente jeunesse de son frontman, celui-ci permet à MUEZLI de développer ce côté mélancolique et grunge qui le caractérise. Qui plus est, son chant est toujours d’une justesse incroyable. Qu’il chante de manière posée (Flying Boots), de façon plus énervée (Black Magic Woman) ou qu’il éructe avec véhémence (Broken Piece), il maîtrise admirablement son propos. Et si cela est relativement aisé à faire au chaud dans un studio d’enregistrement, c’est sur scène que le test se passe véritablement. Et rien à dire en ce qui le concerne, il est réussi haut la main.
Ainsi tout au long des six titres qui émaillent cet EP éponyme, les cinq affreux balancent un Stoner couillu et groovy en diable (Black Magic Woman), sublimé par des passages progressifs presque atmosphériques (Wizard’s Garden, Flying Boots). Le titre le plus caractéristique de leur style étant ce Broken Piece de toute beauté, où le groupe parvient à allier lourdeur et mélodie à des incartades lumineuses que l’on n’attend pas. Comme le mirage d’une vallée verdoyante au beau milieu d’un désert sec et poussiéreux.
Toutefois, ce premier effort contient quelques (légers) défauts. En effet, si le talent de composition et d’écriture de nos cinq nantais est indubitable, la fin de cet EP est un peu plus harassant que le début. La faute à deux derniers titres qui, s’ils sont bien loin d’être mauvais, n’apportent rien de neuf par rapport aux autres et rallongent, un peu inutilement, le propos de ce premier disque. D’autre part, si je devais chipoter, je dirais que la production de cet EP, bien que claire et parfaitement équilibrée, manque de « grain », de consistance. Cela est d’ailleurs tout à fait audible lorsque l’on compare cet enregistrement à la démo sortie par le groupe un an auparavant. Si la production de cette dernière était certes perfectible, quoique déjà de très bonne qualité, elle avait pour principale force d’être ronde, pleine, bref « vivante ». Cet aspect a été un peu perdu avec l’EP et je trouve cela dommage.
Mais quoi qu’il en soit, ce très solide premier effort, place désormais MUEZLI à la place enviée et honorifique de 1er espoir en chef du Stoner français. Oui rien que ça. A voir désormais, s’ils parviendront à transformer l’essai avec un premier album. C’est tout le mal que je leur souhaite !
http://muezli.bandcamp.com/album/muezli-ep
Muezli (EP)
MUEZLI
Autoproduction
2015