Les Veilleurs – Connie Willis

Veilleurs [500]« Best of » des nouvelles de Connie Willis, « Les veilleurs » propose aux lecteurs des textes extraits de précédents recueils en langue française : « Les Veilleurs du feu » « Une lettre des Cleary » tirés du volume « Les veilleurs de feu (J’Ai Lu, 1988), « Au Rialto », « Le Dernier des Winnebago » et « Même sa majesté » extraits de  « Aux Confins de l’étrange » (J’Ai Lu 1995), « Mort sur le Nil » provenant de « Futurs en voie d’extinction » (Pocket, 1995) « Les vents de Marble Arch » publié par épisodes dans la revue « Science Fiction Magazine », numéros seize à vingt (2001), mais aussi des textes inédits en français comme « Infiltration » et « Tous assis par terre ». Un beau volume de plus de cinq cents pages, contenant pas moins de douze prix Hugo, Nebula ou Locus (selon les cas pour nouvelle courte, nouvelle, ou novella), sous une couverture à la fois sobre et très évocatrice de l’œuvre d’une romancière certes américaine, mais dont les influences et le ton paraissent souvent purement britanniques.

 

« Les Veilleurs du feu » (prix Nebula 1982 prix Hugo 1983) est assurément un récit capital dans la mesure où il préfigure le développement de l’œuvre à venir de Connie Willis, avec des romans d’importance comme « Le grand Livre », « Sans parler du chien », « Blackout » et « All Clear », à travers lesquels, pour résumer, des historiens voyageurs du temps explorent le passé, et tout particulièrement le « Blitz » londonien de la seconde guerre mondiale. Avec « Les veilleurs du feu », des considérations philosophiques viendront élargir  une intrigue intéressante : pour l’étudiant en histoire, l’enseignement de ce stage va bien au-delà de simples détails historiques.

 

Même envergure dans « Les Vents de Marble Arch » (prix Hugo 2000), récit fantastique consacré au métro londonien, le fameux « tube », dans les stations duquel le narrateur perçoit des vents glacés, chargés de mort et de désespoir, qu’il est manifestement le seul à ressentir, et qui lui apparaissent comme des flashbacks, des réminiscences peut-être de drames survenus durant le Blitz. Mais, plus subtilement, ne serait-ce pas un avant-goût du futur, avant-goût faisant avorter tout espoir, faisant vivre « en ayant conscience que les portes se refermaient une à une, que tout finirait par se briser » ? Un élégant récit, très ancré dans le réel, que Connie Willis parvient malgré tout à terminer sur une note optimiste.

 

On ne révélera pas au lecteur les astuces et le goût du paradoxe d’ « Infiltration », récit plein d’humour et d’esprit consacré à la vogue spirite. On aurait pu croire les récits d’imposteurs spirites usés jusqu’à la corde et impossibles à renouveler. Avec cette variante particulièrement brillante, Connie Willis prouve que ce n’était pas le cas. Récit inattendu et parfaitement mémorable, « Infiltration », qui a obtenu le prix Hugo en 2006, méritait parfaitement sa place dans ce volume.

 

« Mort sur le Nil » (prix Hugo 1994) relève lui aussi du fantastique, un récit assez classique, d’individus peut-être morts dans un accident mais refusant obstinément, malgré les indices qui ne font que s’accumuler, de considérer une telle hypothèse. L’originalité de cette nouvelle est d’apporter une dimension supplémentaire en mettant en scène un protagoniste qui a lu ces récits classiques et se demande si elle n’est pas en train d’en vivre un – ou, dirait-on plus exactement, d’en mourir un – ce qui ne fait que renforcer son aspect cauchemaresque.

 

« Même sa majesté » (prix Nebula 1992, prix Hugo 1993, prix Locus 1993) pourrait sembler plus anecdotique, d’autant plus que Connie Willis lui adjoint une postface qui nous semble malheureusement assez réductrice, alors que ce récit, à travers sa thématique féministe, nous semble aborder un champ bien plus vaste, notamment l’amnésie désastreusement profonde et rapide de sociétés entières devenues incapables de faire autre chose que surfer sur des modes, des « vérités », des tendances plus fugaces les unes que les autres au détriment de la simple connaissance de ses composantes fondamentales.

 

Thématique classique de la science fiction pour « Tous assis par terre », avec le premier contact extra-terrestre. Une nouvelle pleine d’humour à travers laquelle apparaît notamment le caractère effrayant des chants de Noël, et qui, une fois de plus, traite des problèmes de communication. Un récit intéressant mais un peu bavard, tout comme « Au Rialto » (prix Nebula 1989), qui peine à convaincre en mettant en parallèle les difficultés de personnes assistant à un congrès et la physique quantique.

 

« Le Dernier des Winnebagos » (prix Nebula 1998, prix Hugo 1989), sous des aspects science-fictionnesques, traite de la fin de la gent canine, et, accessoirement (du moins en apparence), des véhicules de ce type. Car, à travers cette nouvelle et son intéressante postface, ce sont des extinctions en masse qui sont abordées, que ces extinctions soient celle d’animaux ou d’objets, et il sera question de la rapidité de ces extinctions, de leur caractère souvent peu visible, de l’oubli et de l’indifférence… mais aussi de l’avenir fortement compromis du livre.

 

« Une lettre des Cleary » (prix Nebula 1982) dessine progressivement, en filigrane et de manière toujours subtile, à travers les activités et dialogues d’une poignée de personnages, un  monde post-apocalyptique. Humaine et glaçante à la fois, la narration impressionne bien plus que les habituelles descriptions détaillées sur le mode pyrotechnique.

 

Au total « Les Veilleurs », composé pour l’essentielles de longues nouvelles, apparaît comme volume de très bon niveau, où la littérature de genre frôle assez souvent la littérature générale, et dont les récits, au rythme souvent lent, privilégient les ambiances à l’action. « Best of » de Connie Willis, cette anthologie est complétée par les textes de deux discours de l’auteur, l’un comme invitée d’honneur à la convention mondiale de science-fiction en 2006, l’autre pour la réception du Grand Master Award en 2012.

 

 

Connie Willis

Les Veilleurs

Traduction : Françoise Jamoul, Jean-Pierre Pugi, Philippe Hupp, Sébastien Guillot

Couverture : Rue des Archives

Editions J’ai Lu, collection Nouveaux Millénaires

 

 

 

 

 

 

 

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