Fabien Clavel est une de ces plumes française que l’on aime suivre, inattendue, prenante, et vraiment sympathique. Il signe son dernier titre, mi-roman mi-recueil de nouvelles chez ActuSF, éditeur qui avait déjà publié de lui L’Evangile cannibale il y a quelques années. Après les grands-pères contre les zombies, voici venir l’Inspecteur Ragon face à un surnaturel steampunk du plus bel effet.
Un petit mot sur la couverture, signée Ammo, et sur l’objet en lui-même. Il s’agit du premier titre à couverture rigide d’ActuSF et soyons francs, c’est une belle réussite. Beau papier, couverture parfaitement réussie avec ses tons cuivrés, prise en main excellente, rien à redire, l’objet est à la hauteur du contenu. Et la quatrième de couverture ne me fera pas mentir :
Paris, 1872. On retrouve dans une ruelle sombre le cadavre atrocement mutilé d’une prostituée, premier d’une longue série de meurtres aux résonances ésotériques. Enquêteur atypique, à l’âme mutilée par son passé et au corps d’obèse, l’inspecteur Ragon n’a pour seule arme contre ces crimes que sa sagacité et sa gargantuesque culture littéraire.
Le roman commence par une longue introduction qui n’en est en fait pas vraiment une puisqu’il ne s’agit de rien de moins que la première enquête de Ragon, tout juste entré dans la police. Vont ensuite s’enchaîner les enquêtes sur un ensemble de cas étranges, répartis au fil du temps, comme l’attestent les têtes de chapitre qui voient l’inspecteur prendre de l’âge. De tableaux maléfiques en voyages temporels, le lecteur aura droit à toute une panoplie fort intéressante de thématiques fantastiques. Mais ce qui est le plus impressionnant c’est à quel point Fabien Clavel parvient à caler des références littéraires dans tous les recoins des textes qu’il nous propose ici. Cela rend l’ensemble encore plus immersif car totalement calqué sur l’époque, et montre également l’amour du livre qui tient l’auteur. D’ailleurs la phrase qu’il a à un moment comme quoi seuls les crimes où un livre peut être concerné sont les seuls intéressants est particulièrement caractéristique.
Mais passons un peu aux personnages : l’inspecteur Ragon, principal protagoniste du roman est à la fois typique et atypique. En effet des personnages à l’intelligence surdéveloppée et aux caractéristiques physiques hors-normes sont monnaie courante. Par contre qu’un tel niveau d’érudition littéraire, combiné à un tel flegme devant des faits pourtant inexpliqués et fort étranges. Et on s’y attache à ce bon Ragon, à la fois de part sa bonhommie, son intelligence, et en même temps pour son cynisme devant la vie et ses contemporains. Son traumatisme vécu durant la guerre de 1870 n’est également pas étranger à la sympathie que l’on ressent. Bref, ce protagoniste principal est particulièrement réussi. Mais c’est également toute la galerie des personnages qui sont crédible dans leur aspect vieux siècle. Les tenues, les langages employés, tout est cohérent de bout en bout de manière proprement étonnante ! Cela démontre de la part de Fabien un art consommé de l’écriture et surtout de la création de personnages. Une fois de plus c’est là une belle preuve de son talent.
Comme je vous le disais même le style employé est totalement cohérent. En effet c’est l’inspecteur qui raconte l’histoire donc l’ensemble du vocabulaire employé correspond à l’époque, notamment dans les dialogues, qui sont finalement l’élément le plus complexe à adapter. Fabien parvient également à nous faire vivre le récit à travers sa plume et c’est finalement là que réside son talent le plus important : un style qui coule comme une eau claire et emmène le lecteur loin de son quotidien…
Feuillets de Cuivre est un de ces petits bijoux de la fin de l’année qu’il va falloir chérir. Au-delà du magnifique objet proposé par l’éditeur on a la possibilité de découvrir un roman étonnant, prenant et immersif. Tout ce que l’on aime en somme. Et très bientôt une petite interview de Fabien Clavel, car après cette lecture j’ai plein de questions à lui poser !
Feuillets de Cuivre
Fabien Clavel
Editions ActuSF
20 €